ECONOMIE POLITIQUE INTERNATIONALE/INTERNATIONAL POLITICAL ECONOMY

 

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The Treasury and the Fed(Epilogue to my "Credit without collateral," followed by the "Chronology of financial crisis") (April 1st, 2008)

Agribusiness and speculation (April 1st 2008)

Epilogue: Bush's (preventive) food crisis relief (May 01, 2008)

Jacqueries de la faim et socialisme (13 avril 2008)

CIRCULATION OF MONEY VERSUS CIRCULATION OF EXCHANGE VALUE

CIRCULATION DE LA MONNAIE OU DE LA VALEUR D'ÉCHANGE ?   

 

 

 


 

LES CONSEQUENCES SOCIO-ECONOMIQUES DE MM. VOLCKER, REAGAN ET Cie.

(Essai en cinq parties)

Paul De Marco, mars 1985

Copyright © mars 1985 (L'utilisation critique du contenu de ce document est encouragée et sa citation sera appréciée)

 

Note :

Ce rapide tour d'horizon, écrit en mars 1985, débuta comme une simple lettre destinée au courrier des lecteurs d'un quotidien montréalais. En quelques heures, sa longueur relative s'imposa d'elle-même. Je ressentais le besoin de corriger nombres d'inepties colportées en permanence par tant de médias divers en ces temps de reaganisme « triomphant ». Inutile de dire que le quotidien en question ne sut pas quoi en faire. Les professeurs de l'UQAM non plus, eux qui étaient si nombreux, à l'époque, à singer les belles analyses dérivées du programme « Candide »  jugerez sans doute que ce rapide tour d'horizon était honnête et qu'il conserve encore tout son intérêt.

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LES CONSEQUENCES SOCIO-ECONOMIQUES DE MM. VOLCKER, REAGAN ET Cie. (I)

STRATEGIE : DANSE ET TAUX

Toute chose est reliée à toute autre chose, disait Karl Mannheim. Cet enchevêtrement n'est plus affaire d'une pensée qui manquerait de discernement mais d'épistémologie : l'entrelacement de la réalité elle-même interpelle celui de la pensée qui voudrait s'en saisir. Vision du monde, indissociable des actions tentées sur lui. Nulle part cela ne se vérifie mieux que dans l'économie mondiale actuelle. Cela posé, il reste à mettre à jour les mécanismes principaux de cet enchevêtrement, ce qui nous mène tout droit à valser avec M. Volcker.

Comme toute bonne valse, celle de M. Volcker a trois temps. Sa clé : flottante ... en taux d'intérêt. Premier temps: récession induite ... pour faire rendre l'âme à l'inflation. Deuxième temps: aguicher les capitaux vagabonds par des taux d'intérêt plus hauts qu'il ne serait décent. Troisième temps: crescendo ... invoquer dans le vertige, la croissance, entraîner ses partenaires dans le tourbillon en les tenant bien serrés contre soi. Il y a bien quelques variantes mais M. Volcker préfère jouer sur le mode fracassant et c'est ainsi que dans son enthousiasme gaillard il écrase bien des pieds. Solennel à son pupitre, M. de Larosière oblige et exerce sa "surveillance" en agitant sa petite baguette.

Le bal bat son plein; dans son euphorie qu'il voudrait contrôlée, le "Chairman" de la Réserve Fédérale écrase de plus en plus pieds et plates-bandes, de sorte que le Directeur Général du FMI est bien obligé d'agiter un peu sa petite baguette dans sa direction: "Voyons, mon cher Volcker, un peu de retenue! comme vous y allez! à trinquer ainsi sur le dos des autres, voyez comme la dette s'accroît". "My dear Monsieur de Larosière, pourquoi jouer les trouble-fête? Et puis pour la dette je n'y suis pour rien; voyez cela avec Ronald. Mais pour l'instant, de grâce, retournez à vos pipeaux". Un peu triste, le Directeur Général s'exécute: "Ah! si j'étais logé à New-York au lieu de Washington" soupire-t-il. Mais la fête continue. Volcker s'abandonne à ses valses et mijote une synthèse entre le jeu de yo-yo et la théorie de son ami Friedman: avec un peu de virtuosité, ce sera sublime. Ron berce sa dette avec tendresse: "Petit déficit deviendra grand" et songe à un magnifique feu d'artifice dans le ciel 9toilé.

Keynésianisme de cénotaphe! Maynard! ne songeais-tu pas à un ballet plus sophistiqué ... à la "Belle au bois dormant"? Hélas, pour palier au manque d'imagination, il nous faut avoir le sens du ridicule ces temps-ci.

Mais ne nous y trompons pas, c'est une valse de grande envergure que M.. Volcker essaye d'exécuter. Malgré les ratés, malgré les comportements souvent erratiques de la plupart des indices et de la monnaie qu'économistes et autres économétriciens traditionnels ne comprennent au fond guère plus que n'importe quel néophyte en la matière, il existe pourtant bien une partition concoctée à Washington et dont les répétitions ont eu lieu aux sièges de la Réserve Fédérale et du FMI et à Williamsburg.

C'est connu, lorsque les structures "logiques" qui régissent les systèmes viennent à n'apparaître plus que comme des solipsismes, l'idéologie et les relations de pouvoir prennent ouvertement le relais: le développement est autre mais non moins solide; à preuve la nouvelle partition de M. Volcker.

Accédant, en octobre 1979, à la tête de la Réserve Fédérale, M.. Volcker entonne son chant de guerre contre le déficit de la balance des paiements et ses conséquences; les derniers vestiges d'une parité fixe des taux d'échange des monnaies sont défenestrés.Avec l'arrivée au pouvoir de Reagan, plus galant qu'un Saint-Georges, M.. Volcker fonce sur le dragon inflationnaire qu'il voudrait proprement trucider, quitte à induire la récession. Celle-ci devient aussitôt mondiale. En août 1982, la quasi-banqueroute du Mexique va forcer à plus de réflexion. L'éléphant continuera à danser dans le château de porcelaine de Bretton Woods mais, cette fois, la trame musicale sera écrite à l'avance.

De 1980 à 1982 le prix des marchandises échangées internationalement baisse de 20%, réduisant d'autant les gains en devises étrangères des pays du Tiers-Monde. L'affaire mexicaine n'était que la portion émergée de l'iceberg. Les ondes, néanmoins, furent de choc; le Tiers-Monde se fracturera définitivement en Tiers et Quart Mondes: ceux-ci, pays africains pour la plupart, avec des dettes de quelques 6% du PDB et dans un rapport de 1-1 à leurs gains aux exportations, - rapport qu'ils partagent avec les pays du bloc socialiste -, seront plus ou moins abandonnés à leur sort et à l'aide internationale traditionnelle qui va diminuant; ceux-là, surtout des pays latino-américains, ont un rapport plus défavorable, 3.5-1, et donc mettent désormais en cause la solvabilité des banques commerciales prêteuses, souvent américaines, risquant d'entraîner le FMI dans l'abîme.(1)

Aussi, de Larosière, qui dû participer au sauvetage in extremis du Mexique, sonne-t-il l'alarme le 29 novembre 1982: le système monétaire ne peut se substituer à des politiques économiques "saines" qui restent, dit-il, du ressort des Etats; la solution ne peut venir que de la lutte à l'inflation et de la revitalisation des économies des pays de l'OCDE qui entraîneraient les autres: "C'est là la seule voie vers une relance de la croissance économique et du commerce international. Cette stratégie implique un ensemble de politiques économiques globales et coordonnées, comprenant des restrictions monétaires, une discipline fiscale et des initiatives pour s'attaquer aux rigidités des marchés du travail et des marchandises. Cependant, ces politiques impliquent une période de transition durant laquelle la demande sera restreinte, ce qui ne manquera pas d'affecter les pays en voie de développement (sic!). C'est pourquoi, il est d'autant plus important que les pays industrialisés assistent ces pays dans leurs efforts d'ajustement, notamment par leurs politiques commerciales et d'aide ... ". (2)

La médecine proposée est bien chevaline mais M. de Larosière promet que le FMI "exercera sa surveillance", sous-entendu par l'intermédiaire de la batterie de conditions aux emprunts, grâce à quoi le Fonds s'arroge un droit de regard sur toutes les variables macro-économiques d'un pays donné. (3) Entre temps, le FMI cherchera à augmenter ses quotas, ce qui sera effectivement fait, quoique en deçà des espérances, en 1984.

A Williamsburg, on fit écho aux propos du Directeur Général:Washington annonça une "stratégie globale" se déployant sur quatres axes principaux: (a) mise en place de politiques efficaces d'ajustement et de développement par les pays débiteurs; (b) financement officiel et privé adéquat; (c) libéralisation des marchés; (d) relance économique mondiale. (4)

Stratégie globale? Certainement! Mais il faut faire la part des vœux pieux et de la réalité, ainsi que des buts véritablement recherchés. Les conséquences socio-économiques de M. Volcker et Cie sont beaucoup plus criardes.

La mise en place de politiques d'ajustement par les pays débiteurs, sous tutelle du FMI, donne naissance à un euphémisme navrant, "la croissance négative", dont la triste réalité consiste en un PNB freiné, nul ou décroissant alors que la production pour l'exportation monte en flèche, le tout assorti de dévaluations massives: les populations sont ainsi offertes exsangues en sacrifices expiatoires aux divinités du FMI et de la Réserve Fédérale par des gouvernements de plus en plus répressifs.

Le financement, officiel et privé, n'est dans ces conditions qu'une mesure de sauvetage des banques commerciales sous l'égide du FMI. La libéralisation des échanges, ce totem d'un multilatéralisme hargneux, se traduit en réalité par une hausse des mesures de protection des biens manufacturés consommés par les USA et la CEE qui passent de 20% en 1980 à 30% en 1983, avec un Japon encore plus imperméable. Comment s'étonner alors que les accords du GATT déplaisent tant aux pays en voie de sous-développement et que le dialogue Nord-Sud qui piétinait depuis Cancun (Mexique, 81) reçu finalement le coup de grâce Avenue Kleber?

Enfin, la relance économique mondiale signifie surtout restructuration au profit des USA, sous prétexte qu'eux seuls, et dans une très moindre mesure les autres pays de l'OCDE, peuvent entraîner le reste du monde vers une prospérité retrouvée; à la vérité, les Volcker/Reagan acceptent mal le déclin - tout relatif d'ailleurs - de leur pays au plan mondial.

Mais cette belle stratégie Volckerienne a son talon d'Achille: car, si Reagan l'a rendue possible en appuyant la politique récessionniste préalable, il risque, par son insistance sur les dépenses militaires, de faire trébucher les danseurs, à force de les surmener. Aussi, ne vit-on pas récemment MM. Volcker et de Larosière souffrir, chacun à sa façon, du pied d'athlète et récriminer en conséquence. L'hégémonie après tout doit aussi avoir son prix ... sinon ses devoirs.

Mais avant d'analyser plus en détail les enjeux et les conséquences de la stratégie Volckerienne, il convient d'élucider le contexte historique qui l'enfante.

REFERENCES

1) Wicker,Tom, "A larger crisis", New-York Times, Nov. 4, 1983, in

2) "De Larosière stresses no monetary system can substitute for sound economic policies", IMF Survey, Nov. 29, 1982, in World politics 84/85.

3) "Conditionality", IMF Survey, Nov. 82, in World politics 84/85.

4) "The Challenge of economic growth" an address by K.W. Dam, Deputy secretary of state, UNCTAD IV, Belgrade, Yugoslavia,

5) Claude Julien, in Le Monde Diplomatique, mars 1985.

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LES CONSEQUENCES SOCIO-ECONOMIQUES DE MM. VOLCKER, REAGAN ET Cie. (II)

LE CONTEXTE HISTORIQUE: TOUTES LES VOIES MENENT A L'ABSURDE.

 

Le contexte historique de la stratégie Volckerienne est celui de l'établissement puis de la mise en question de l'hégémonie américaine sur le monde dit libre de l'après-guerre.

L'hégémonie peut être définie simplement comme un système de "domination" largement consentie par les parties dominées - du moins par leurs élites, ce qui rend la proposition moins paradoxale. Si l'on évacue ainsi idéologiquement toute notion d'exploitation, cela ne saurait réussir qu'en insistant non seulement sur le bon droit de la domination, mais aussi sur ses devoirs. C'est là ce que J.M. Keynes rappelait justement à l'Américain Vinson durant la Conférence de Savannah (1946), lors de l'inauguration du FMI et de la Banque Mondiale: si l'on pouvait espérer que les fées marraines soient de la partie, l'irruption menaçante de Carabosse - elle aussi partie du script - restait cependant à craindre; d'autant plus que M.. Vinson en insistant pour loger les institutions jumelles à Washington plutôt qu'à New-York, laissait entrevoir, au grand dam de Keynes, que les considérations politiques américaines y pèseraient de tout leur poids.

Depuis la Conférence de Bretton Woods (1944), les USA ont 0exercé leur "domination" sur la politique monétaire internationale, droits et devoirs compris, du moins en apparence. En effet, le système n'était pas sans défauts potentiels, qui ne se révéleront pourtant qu'à échéance: en fixant l'once d'or fin à une parité fixe de $35, on établissait le billet vert comme "leading currency" et donc capable d'être accepté comme monnaie de réserve par les diverses banques centrales. Conjointement, on demandait aux pays membres de rétablir la convertibilité de leur monnaie respective à un taux fixe, après une période de transition. Le tout devant être couronné par une série de négociations en vue de libéraliser les échanges commerciaux. La transition ne se fit pas sans douleur, comme en témoigna, par exemple, l'expérience britannique.

Les avantages immédiats, cependant, furent vite évidents: Washington, qu'une générosité bien comprise avait fait contribuer à relancer une Europe dévastée par la guerre, pouvait maintenant soutenir l'expansion de ses multinationales sur tout le globe, tout en négligeant avec une insouciante allégresse le déficit chronique de la balance des paiements et se lancer, avec encore plus d'aveuglement, dans la guerre du Viêt-Nam; pour financer tout cela il suffisait de faire tourner la planche à billets.

Le mécanisme n'échappa pas à de Gaulle, qui malgré les mises en gardes de Washington, préféra reconvertir en or, tous les mois, les dollars accumulés par la Banque de France, plutôt que de contribuer, par cette manière détournée, à financer des efforts américains peu justifiables. Les aléas subséquents de cette politique gaullienne importent peu ici; ce qui importe, c'est la mise à nu d'un mécanisme pernicieux. Carabosse, décidément, était à l'œuvre.

Aux spectateurs, qui dans leur optimisme patient, attendaient encore le baiser, rédempteur de la conscience, Nixon (août 71) prouva que la mode à Washington n'était plus aux fables ni aux fins heureuses. Volcker et Reagan porteront à son apogée ce nouvel art d'avant-garde aux relents néo-libéraux.

Nixon, il est vrai, devait maintenant faire face au déficit de la balance commerciale, ajouté à celui de la balance des paiements; politiquement, il devait accommoder des pressions contradictoires: d'un côté, celles d'une bourgeoisie nationale peu concurrentielle; de l'autre, celles d'une bourgeoisie multinationale, dont les avoirs en dehors des USA, considérés globalement, constitueraient la 3ème économie au plan mondial, après les USA eux-mêmes et l'URSS! D'où, l'amalgame de protectionnisme et de trilatéralisme des mesures nixoniennes. D'où, aussi, la garantie qu'on ne résoudrait fondamentalement rien. On garantissait simplement des profits adéquats à court terme, aux deux fractions principales de la bourgeoisie américaine: la stratégie n'était guère plus clairvoyante que cela.

 

Ainsi, les apparences du système mis en place à Bretton Woods étaient écartées. Nixon, qui, comme chaque Canadien s'en souvient, se chargea de faire des déclarations d'indépendance pour le compte d'autres nations et d'abolir les traitements "préférentiels", opta pour des droits affranchis de devoirs. Dans les prochains actes, on fera jouer à fond désormais le mécanisme de transfert au profit des USA. Ceux-ci furent et continuent d'être considérables (v. par ex. Le Devoir, 21 fév. 1985).

En effet, si le mécanisme avait pu servir à financer une guerre coûteuse, pourquoi ne servirait-il pas, grâce à la dextérité avant-gardiste d'un Volcker, à financer la restructuration d'une industrie américaine mal menée par la concurrence étrangère? Quitte, une fois ce but atteint à se ressouvenir des obligations internationales attachées aux privilèges de "leading currency"; il n'est de morale qu'utilitaire!

En un certain sens, Volcker ne fait que tirer les conclusions d'une situation qui n'arrêta pas d'évoluer de manière paradoxale, pour finalement s'engager dans les voies de l'absurde à partir de 1971. Car si Volcker et Reagan peuvent s'illusionner de servir les intérêts de leur classe et dans une certaine mesure de leur nation, avec le proviso condescendant que de la santé économique des USA dépend celle du reste du monde, il reste qu'il ne s'agit là que d'une illusion: les buts qu'ils se sont fixés - dans cette interprétation vaguement généreuse - ne peuvent pas être et ne seront pas atteints.

Car le système a développé une logique spéculative propre qu'aucune manipulation monétariste, quelque savante qu'elle puisse se prétendre, ne peut détourner vers des investissements productifs capables de relancer une croissance qui soit plus qu'une "croissance dans la récession". Tout au plus contribue-t-on:

(a) à augmenter la dette américaine en raison directe des emprunts gouvernementaux à forts taux d'intérêt, qu'il faudra bien pourtant rembourser, et des dépenses militaires aussi démesurées qu'injustifiables;

(b) à replâtrer, provisoirement, un système monétaire international au bord de la débâcle qui, pour n'être pas une canne aux oeufs d'or, continue cependant à être une bonne vache à lait. Par ses manœuvres monétaristes, il semblerait bien que M.. Volcker trébuchât sur la boîte à Pandore et que pour n'être pas l'Epiméthée du nouveau monde économique conçu à Chicago, il se soit condamné à un véritable labeur de Sisyphe.

Si le système de Bretton Woods avait pu croire faire succéder à l'automatisme brutal de l'Etalon Or une gestion consciente, au niveau monétaire, de l'interdépendance des Etats, il a bien fallu se rendre à l'évidence: le rôle et la place des banques centrales se sont transformés sous les coups de butoir conjoints du développement de liquidités qu'elles ne contrôlent plus, du marché des Euro-pétro-dollars et de la monnaie informatisée.

Les multinationales contrôlent à elles seules des liquidités dont le volume et la rapidité de déplacement peuvent faire frémir la Réserve Fédérale elle-même, lorsqu'elles sont utilisées pour spéculer contre le dollar, comme ce fut le cas, sur grande échelle pour la première fois en 77-78 - à fortiori donc les autres banques centrales.

On se souviendra qu'à cette époque l'or avait atteint le niveau record de près de $840: la Réserve Fédérale garde cet atout, étant donné ses énormes avoirs en métal noble. Mais ceci est loin de constituer une carte maîtresse, puisque l'Afrique du Sud et l'URSS restent les principaux producteurs d'or mondiaux. Nouvelle guerre froide oblige! De plus, une stabilisation basée sur la seule hausse, prononcée et durable, du cours mondial de l'or, réintroduirait à coup sûr, dans le commerce international, des rigidités que le multilatéralisme avait voulu effacer, sans que l'état du déficit de la balance commerciale en soit vraiment amélioré, ni que le lent déclin relatif de la position mondiale des USA en soit freinée.

Le mieux aurait été de prendre acte de ce déclin tout relatif et de laisser s'accroître réellement la part et la responsabilité des autres nations dans les organisations du système de Bretton Woods. Peut-être que Carter et ses trilatéralistes, plus enclins à coopter les autres protagonistes, auraient-ils essayé de le faire? L'arrivée au pouvoir de Reagan mis fin à cette illusion du super-impérialisme harmonieux.

Derrière le Président suivait le "Committee on the Present Danger" (CPD) qui substitua à la politique des trilatéralistes celles du vieil internationalisme "d'endiguement" apprêté à la sauce de l'ancienne Résolution du Conseil de Sécurité No 68, rédig9e par P. Nitze. On ne s'étonnera donc pas que ce dernier fasse partie du CPD! Il fut alors clair que Washington ne pourrait se résoudre à la catharsis que tout déclin relatif admis impliquerait et que l'après Viêt-Nam aurait pu rendre possible. Au contraire, prenant prétexte des crises iranienne et afghane, les USA préférèrent maintenir leur grappin et s'accommoder, trop facilement avec Volcker/Reagan, de l'interventionnisme ainsi impliqué. On créait d'ailleurs ainsi un consensus national que les grandes banques commerciales allaient vite dominer et qui dura tout le premier terme présidentiel; il faudra attendre la fin février 85 avec sa nouvelle flambée spéculative pour voir les fractions bourgeoises d'envergures nationale et multinationale piaffer contre cette domination devenue trop exclusive à leur goût.

Cet interventionnisme prend, comme Janus, des faces multiples. Nous laisserons de côté ici Grenade et l'Amérique Centrale à propos desquelles la loi internationale continue d'être bafouée. Au plan interne, sous prétexte de déréglementation et de libre jeu du marché, il induit la récession; la vieille prescription keynésienne voulant que l'on ait recours à des déficits fiscaux pour combattre une récession s'en trouve abâtardie: désormais, les déficits fiscaux seront maintenus même en temps de "croissance dans la récession" mais cette fois on ne vise plus à soutenir la consommation sociale, qui est au contraire joyeusement sacrifiée comme cause d'inflation, mais bien à soutenir des investissements privés, fort hypothétiques, en abaissant les impôts de la fraction la plus riche de la population. Aussi, après la résurgence d'une pseudo-biologie inquiétante voici que fait surface, officiellement, une anthropométrie ... fiscale cette fois, mais toute aussi discriminatoire. Pour le reste, le déficit vise à stimuler un surplus de réarmement.

Au plan externe, en haussant les taux d'intérêt à New-York, il plonge dans la ruine les pays de la périphérie et réapprend à ceux qui se croyaient du centre, ou tout du moins de la semi-périphérie, ce que "leader" veut dire aujourd'hui. Le Maître a ses raisons qui ne sont pas toujours du cœur.

Un monétarisme ainsi conçu n'est en réalité qu'une bâtardisation du système de Bretton Woods. Faut-il rappeler qu'aux yeux de Keynes, le numéraire, loin d'être une fin en soi, pouvait devenir un moyen d'atteindre une société plus juste? Vision moralisante? Sans doute! mais elle était l'émanation d'un réformisme véritable, seul garant du maintien d'une hégémonie qui puisse se prétendre légitime.

Un critique plus radical objectera - avec ma sympathie - que le contrôle monétaire keynésien privilégie de manière indue le domaine de la circulation au dépens de ceux de la production et de la consommation sociale où les problèmes pourraient vraiment être résous, plutôt que simplement gérés. Cependant, les réformistes de bonne foi ont su naguère ajouter Beveridge et dans une moindre mesure Kalecki à Keynes; ils errent aujourd'hui tout ébaubis faute d'avoir, comme Joan Robinson, lu Marx et Sraffa, parmi d'autres, ou tout simplement faute de savoir de nouveau user de leur imagination. Qu'un vent froid, venu de Chicago, leur ait fait glisser le terrain sous les pieds, n'étonne guère; il reste que la situation actuelle fait appel à toutes les imaginations: nul n'est exonéré de penser la réalité avec sa propre tête.

REFERENCES GENERALES

Cheryl payer, The debt trap

F. L. Block, The origin of international economic disorders

M. Hudson,

R.O. Keohane & J.S. Nye, Power and interdependence

D.M. Blake & R.S. Walters, The politics of global economic relations

R. Gardner, Sterling-Dollar Diplomacy

S. Strange, Sterling and the British Policy

J. W. Sanders, Peddlers of crisis: the Committee on Present Danger

and The Politics of Containment, South End Press, 1983.

 

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LES CONSEQUENCES SOCIO-ECONOMIQUES DE MM. VOLCKER, REAGAN ET Cie. (III)

LE PLEIN DE SANS-EMPLOI

Nous avons précédemment montré les grandes lignes de la "stratégie" Volcker/Reagan et le contexte dans lequel elle naît. Nous avons aussi prétendu que ses buts ne seraient pas atteints: c'est ce qu'il nous faut montrer plus amplement. Le but principal est de freiner la tendance au déclin relatif des USA, en détournant à cette fin le système de Bretton Woods, ou plus exactement ce qu'il en reste. Pour cela, il faudrait restructurer l'économie et relancer la croissance; or cette croissance, militaro-industrielle et non sociale, se fait au détriment de la dette nationale qui continue sa spirale ascendante.

Nous serions alors face à un aveuglement, qui dans sa défense d'intérêts trop particuliers, s'accommode trop facilement d'une situation de pis-aller, quitte à recourir à la coercition "éducatrice" ou, au besoin, directe. En effet, le freinage du déclin industriel des USA - qui est d'ailleurs loin de toucher les secteurs de pointe - ne se décrète pas par des manipulations des taux d'intérêt; les savantes manipulations du risque et de l'irrationalité si chères à certaines théories de la dissuasion, d'ailleurs plus que douteuses, n'ont pas - pace Friedman - de place dans la théorie et la pratique économiques, quoiqu'en dise la "reaganomique".

Malgré sa vogue, le monétarisme n'explique rien et surtout pas les problèmes qu'il prétend résoudre; mais, comme toute idéologie, il tire sa force de persuasion de la simplicité, nous devrions dire plus justement la simplesse, de ses prescriptions politico- économiques: sans se soucier des contradictions logiques on désigne, d'un doigt fermement accusateur, la faute - l'inflation - et les fautifs - les syndicats et le déficit gouvernemental; tablant ainsi sur les propensions idéologiques ambiantes que l'on attise, on crie haro sur les baudets à qui mieux mieux ... et vive la liberté de marché, débarrassée de sa peste.

Evidemment, la chose devient vite suspecte lorsque c'est le gouvernement lui-même qui mène les troupes à la curée. Aussi, il est à parier que M.. Volcker, grand commis de l'Etat et des intérêts qu'il sert, ne se fasse pas trop d'illusion; mais il y gagne un large champ de manœuvre pour un interventionnisme d'Etat de type nouveau, quoique occulte; champ précieux lorsque l'on s'est fixé des buts précis à atteindre.

L'inflation, nous dit-on, vient de ce qu'il y a trop d'argent en circulation ... entre les mauvaises mains. Car pour les monétaristes, le problème n'est pas de savoir d'où vient cette différence entre masse monétaire nominale (argent) et masse monétaire réelle (valeur) en circulation; pour eux, le travail est un facteur de production comme les autres - capital, technologie - et comme les autres, il recevrait sa juste rémunération par le jeu du marché. Ce qui grippe sérieusement le mécanisme, ce serait la présence de rigidités dans les marchés du travail et du capital; les premières seraient dues aux syndicats qui, par des demandes salariales excessives, causent une montée inflationniste des prix; les secondes au gouvernement qui, pour faire face à des dépenses supérieures à ses revenus, augmente son déficit en effectuant de larges emprunts ( par le biais de la vente de Bonds du Trésor etc ... ) Ce faisant, on draine l'épargne nationale qui ne serait alors plus disponible pour les investissements privés; pire encore, clament les monétaristes, les secteurs gouvernementaux sont les plus improductifs qui soient: qu'on songe seulement à ces salariés du secteur public, qui non contents d'être payés à faire peu de chose, contribuent par l'effet d'entraînement de leurs conventions collectives, à contaminer le secteur privé! qu'on songe encore à toutes ces dépenses sociales démesurées: assurance et assistance sociales qui sont autant d'incitations à l'oisiveté; éducation, qui ne sert pas les besoins de l'industrie et développe un goût suspect pour la créativité et la critique sociale; assurance maladie abusée de manière si flagrante ... etc, etc ... Mort donc à l'inflation! celle-ci abattue, l'esprit d'entreprise renaîtra et nous conduira vers des cieux plus propices.

Les remèdes sont simples: puisque les contrôles des salaires n'y suffisent pas, le gouvernement devra amener les syndicats à la raison; si consultations et autres concertations n'ont pas l'effet de persuasion à l'amiable escompté, qu'à cela ne tienne, on aura recours à plus de fermeté, à commencer par les employés du secteur public; la spirale inflationniste sera ainsi sapée à la base et le déficit gouvernemental diminué d'autant. Ce dernier sera encore réduit en revoyant à la baisse les dépenses gouvernementales dans les secteurs sociaux.

Il est vrai que l'on pourrait pallier à l'écart entre revenus et dépenses gouvernementaux en augmentant les impôts ou plus simplement en les rendant un peu moins régressifs dans la réalité. Rien d'ailleurs, sur le plan logique, n'interdirait que cette augmentation allât de pair avec les autres coupures mentionnées ou s'appliquât seule. Mais cela n'est plus du goût des monétaristes, gens en général bien payés, n'en parlons donc plus pour l'instant. Gardons sous silence aussi pour un temps, le rapport entre les dépenses sociales et militaires. Or, pendant que le gouvernement fait gracieusement place au secteur privé, la Réserve Fédérale  circulation de la monnaie.

Dans un premier temps donc, la Réserve Fédérale réduira la masse monétaire disponible. Ceci, bien sûr, induira la récession puisque l'offre d'argent diminuant, les taux d'intérêt - indices du coût de l'argent - augmenteront ce qui poussera les entreprises à reconsidérer leurs plans d'investissement futurs et, dans l'immédiat, à couper leurs dépenses notamment par la mise à pieds de nombre de leurs travailleurs. On fait ainsi le plein de sans-emploi.

Manœuvre capitale, puisque cela fera sauter les rigidités du marché du travail que les attaques répétées sur les syndicats n'auraient pas atteint; l'entreprise privée disposant alors de l'épargne publique libérée par le gouvernement et d'une offre de travail ô combien élastique, pourra se lancer dans une restructuration, nécessaire et bénéfique, de l'économie. La Réserve Fédérale maintiendra sa vigilance, manipulant les taux d'intérêt avec un oeil attentif sur l'inflation qui risquerait, en renaissant de ses cendres, de jeter toutes ces belles perspectives au feu. Voila donc les profits assurés qui garantiront les investissements qui à leur tour créeront des emplois et ainsi de suite ad nauseum.

Vieille rengaine du pot au lait! Car si le rêve en technicolor des monétaristes se transforme vite en cauchemar pour les victimes, il reste qu'en regard de la "science économique" ce n'est qu'un rêve, ankylosé par surcroît dans toutes ses articulations tant logiques que psychiques.

D'abord, en se souciant peu de ce qui distingue valeur réelle et valeur nominale, le monétarisme traite l'inflation comme une cause plutôt qu'effet de causes qu'il s'agit de découvrir, et nous plonge dans un cercle vicieux puisque les diverses institutions financières, confrontées elles-aussi individuellement à une inflation créée ailleurs sont forcées d'accroître la masse monétaire en circulation, ne serait-ce qu'en augmentant sa vélocité. Car ce sont les institutions financières qui déterminent dans une large mesure la masse d'argent disponible et sa vitesse de circulation, la Réserve Fédérale n'ayant que des possibilités de contrôle fort restreintes, surtout dans une phase historique caractérisée par une structure du crédit financier vulnérable tant à l'intérieur qu'à l'extérieur.

Ce que la Réserve Fédérale s'attache surtout à contrôler, dans ces conditions, c'est la masse monétaire M1, comprenant la monnaie en circulation, les chèques et autres dépôts similaires tels les chèques de voyages etc ... On se souviendra que pour la semaine du 25 fév. 85, par exemple, cet indicateur s'établissait à $572.7 milliards soit une légère hausse de $3.6 milliards par rapport à la semaine précédente. (1) Mais si l'on observe sa tendance à plus long terme, on se rend compte que la croissance est faible: $414.1 milliards en 1980 contre $521.1 milliards en 1983.

Par contre, pour se faire une idée de la place des institutions financières et de la vélocité de la monnaie, il faut comparer M1 à M3 ( M3 étant M1 plus l'épargne, les dépôts auprès des institutions de dépôts et de placements, une partie des eurodollars détenus par des résidents américains etc ... ); on se rend alors compte que M3 croît beaucoup plus rapidement: en 1960 M1 comptait pour 45.1% de M3, en 1980 21.4% et en 1983 20%. (2)

On commence donc à voir que la Réserve Fédérale, loin de leur en imposer, ne fait en réalité que servir les intérêts des institutions financières. Vouloir contrôler M3 mettrait ces dernières en danger à l'heure où de grosses banques, telle la Continental Illinois, doivent être secourues par le gouvernement.

Par contre, en contrôlant M1 on vise deux buts: d'abord combattre l'inflation en réduisant la masse d'argent disponible dans les mains des particuliers; ensuite, manipuler les dépôts des petits épargnants. Or, si la première action atteint son but de manière discriminatoire - l'inflation "tirée par la demande" fait place à celle "poussée par les coûts", jugée plus raisonnable - la seconde n'est que peine perdue puisque ces petits épargnants peuvent difficilement se départir de leurs fonds alors qu'ils ont à craindre la perte de leur emploi à plus ou moins brève échéance.

Le monétarisme, en mettant l'accent sur l'esprit d'entreprise invoque un "paradis" perdu: celui des épiciers du coin et de ces braves entrepreneurs aux activités encore familiales, se concurrençant l'un l'autre avec acharnement. La concentration et centralisation du capital ne fait pas partie de l'analyse. Il est vrai qu'on nous parle beaucoup de PME ces temps-ci; mais l'on oublie de dire que la grande majorité des PME vivent de sous-traitance ( à titre d'exemple, plus de 40 000 PME sont impliquées d'une manière ou d'une autre dans la construction du F18 aux USA, Canada exclu); même les PME qui réussissent par leur créativité à s'agrandir doivent, de quelque manière, se subordonner aux géants de leur branche qui fixent les normes; sans compter qu'elles n'échappent pas à la tendance à la fusion des entreprises qui a repris de plus belle; récemment M. Baldrige, Secrétaire au Commerce n'exhortait-il pas à "l'abolition de la Section 7 de la loi Antitrust afin de permettre aux entreprises américaines de fusionner pour concurrencer plus efficacement les concurrents étrangers, mesure draconienne que le Congrès reçu froidement"? (3) Monétarisme, bien sûr, mais la pratique diverge de la théorie: on n'y verrait goutte, si l'on ne considérait l'hégémonie des institutions financières allant de pair avec l'euthanasie du pouvoir d'achat des consommateurs.

Considérons cela sous un autre aspect; la dette gouvernementale drainerait l'épargne au détriment du secteur privé. Cet argument est aisément réfuté en comparant la dette gouvernementale à celle des entreprises: celle-là passa de $543 milliards en 1974 à $1,573 milliards en 1984, alors que celle-ci passa, pour les mêmes années, de $900 milliards à $2,589 milliards! (4) Mais en toute bonne théorie, comment les monétaristes au pouvoir expliqueraient-ils que l'accroissement de la dette gouvernementale est presque entièrement due aux dépenses militaires? En effet, sous le premier terme présidentiel de Reagan ( 80-84 ) 5)

La raison véritable est à rechercher dans l'effort de restructuration visant à freiner le déclin des USA, restructuration que les monétaristes comptent atteindre, comme on l'a vu, en supprimant les rigidités des marchés du travail et du capital. Or, la théorie monétariste oublie:

(a) que les USA sont l'économie ouverte dominante dans une économie mondiale ouverte; ainsi l'on ne saurait comprendre les actions de la Réserve Fédérale sans tenir compte des directives qu'elle impose au FMI et au Groupe de la Banque Mondiale;

(b) que les entreprises (firmes et institutions financières) sont loin de correspondre à la légende du petit entrepreneur aussi créatif que débrouillard, étant multinationalisées et disposant d'énormes liquidités qu'elles font circuler à leur guise;

(c) que la hausse des taux d'intérêt à New-York attire bien ces capitaux errants qui ne s'investissent pas pour autant productivement;

(d) que les développements technologiques - monnaie informatisée, entre autre - accroissent encore les phénomènes causés par ces déplacements incontrôlés de capitaux.

Mais l'avant-gardisme praticien d'un Volcker ne saurait se permettre d'ignorer ce que la théorie passe sous silence ou occulte, quoiqu'il n'en continue pas néanmoins à nous en faire, idéologiquement, tout un plat.

Voyons donc les recettes du praticien et de son compère Reagan.

Pour commencer on élimine effectivement les rigidités du marché du travail: les salaires réels baissent partout et sont entérinés dans les nouvelles conventions collectives où la tendance est moins à la négociation qu'à l'arbitrage obligatoire et liant; les syndicalistes récalcitrants, tels les contrôleurs aériens, sont remerciés en bloc. La dette des familles passe ainsi de $671 milliards en 1974 à $1,832 milliards en 1984; phénomène qu'on vérifie en constatant que les revenus du vingtième plus démuni de la population américaine baissent de 8% (de $6913 à $6,391 en moyenne par tête).(6) Ajoutons à cela un taux de chômage d'un peu plus de 7% - avec une série de rapports, dont ceux de l'OCDE, visant, expertise autorisée à l'appui, à nous habituer à la notion que le plein-emploi signifie vraiment des taux de chômage de 7 à 9% au mieux, montrant bien par-là que la science économique dominante a développé une propension marginale aux euphémismes; ajoutons encore qu'outre le travail au noir difficile à comptabiliser, le nombre de robots remplaçant la main-d'œuvre dans l'industrie américaine est passé de 6 000 en 1982 à quelques 13 000 en 1984, tendance destinée à progresser; ajoutons enfin des dépenses sociales à la baisse visant à rompre "l'immoralisme de l'oisiveté institutionnalisée" (7) et voila le premier fondement de la restructuration bien posé!

Autre fondement: lancer la croissance industrielle par le biais des investissements privés qui freinera le déclin de la nation grâce à une restructuration interne et externe. Tâche plus délicate. Considérons d'abord la restructuration interne. (8)

En haussant les taux d'intérêt à New-York on espère que les capitaux ainsi alléchés contribueront à la restructuration sauvage du pays.

L'influx est énorme: pour la seule année 1984, Leonard Silk du New-York Times donne des chiffres dont le total est de $66.8 milliards (v. aussi Le Monde Diplomatique, fév. 85); la même année les banques auraient réussi à rapatrier quelques $33.8 Milliards.(9)

Si cela permet aux banques trop engagées à l'extérieur de souffler un peu, cet influx de capital ne s'investit pourtant pas dans la production de manière créative, ni même en priorité. En fait on vise seulement à renverser la tendance à la désindustrialisation dans certains secteurs clés qui restent profitables, telle l'automobile, et à financer des fusions d'entreprises visant à les rendre encore plus compétitives sur le marché mondial, mais permettant aussi à ce surplus de capital de s'investir à profit sans avoir à affronter les risques du lancement de nouvelles entreprises.

Par contre, nombre d'autres industries - le textile, l'acier, la chaussure etc ... - qui devraient se moderniser et qui ne sont pas capables d'en assurer les coûts elles-mêmes, leurs marges de profit étant trop basses, sont malheureusement considérées comme des prétendants pauvres et dédaignés; par ailleurs, les grandes entreprises de pointe, telle IBM, sont plus à même de profiter du phénomène mais elles sont en général capables de suffire largement à leurs propres besoins, par financement interne.

L'Administration reaganienne eut beau innover en matière d'anthropométrie fiscale, en réduisant les impôts sur les entreprises et ceux des particuliers les plus aisés, l'investissement privé n'est pas ce qu'il devrait être; il semblerait bien que le vingtième mieux nanti de la population américaine qui vit ses revenus augmenter de 9% soit de $37 618 à $40 688 de 82 à 84 (10) - alors que ceux du vingtième plus démuni baissa de 8%! - eut tôt fait de trouver la voie de la spéculation.

Le tout contribue donc plus à une augmentation de la dette interne qu'à une restructuration bien menée: aussi, le régime Reagan qui put, en 1984, année électorale, se glorifier d'un taux de croissance industrielle de 7%, s'accommode de sa retombée à 4% en 1985; tout comme il s'accommode du fait que l'emploi dans le secteur manufacturier baissa de 6% depuis 1979 et que les emplois nouvellement créés, au demeurant peu payés et souvent précaires, le sont dans le secteur des services, telle la restauration.(11)

Où vont donc les capitaux errants? Une partie infime, mais combien chevaleresque et intéressée, va courtiser ces petites entreprises de la Silicon Valley en Californie, qui sont si fébriles et porteuses de tant de brevets potentiels; la démarche évidemment a ses joies et ses peines. Le gros de la troupe cependant, plus prosaïque, n'est attiré que par les taux gonflés des Bons du Trésor (dont l'achat en 84 a connu une augmentation nette de $12.3 milliards)(12) et d'autres obligations sûres, surtout des différents paliers gouvernementaux. Voici donc l'enfant terrible, l'Etat néo-libéral, transmuté en sein nourricier pour capitaux privés vagabonds. Le lait maternel a ses vertus et le couple Volcker/Reagan sait reconnaître les siens. Le tableau est d'abord touchant.

Mais l'allaitement n'est pas une tâche de tout repos; elle peut aussi être ingrate: la dette nationale, déjà sept fois supérieure à celle des pays du Tiers-Monde (13), malgré la surveillance de M. de Larosière, continue d'augmenter et les investissements productifs ne se font pas vraiment. De qu'elle autre avenue dispose alors l'Etat, lui qui s'est interdit idéologiquement d'être une main visible, préférant un interventionnisme plus prestidigitateur qui n'ose pas dire son vrai nom? Il accroît de manière éhontée les dépenses militaires pour lesquelles il n'existe pas l'ombre d'une raison stratégique.

On compte ainsi faire d'une pierre deux coups: premièrement, entraînant l'URSS dans une course effrénée aux armements, on déroute une planification déjà passablement enrayée et l'on freine la croissance soviétique; l'URSS est ainsi conviée à participer égalitairement à la crise de l'économie occidentale! Deuxièmement, les dépenses militaires permettent grâce à la justification d'une nouvelle guerre froide savamment entretenue, de transférer les fonds de l'Etat "non-interventionniste" aux entreprises qui forment ce que le Président Eisenhower appela à juste titre le complexe militaire-industriel et dont certaines ne vivent pratiquement que de cela.

Les autres bénéficiaires, bien sûr, sont les entreprises de pointe qui se voient ainsi assurer, outre de larges profits, l'argent et le soutien nécessaires pour continuer leurs recherches pures et appliquées et dont on compte que les activités stimuleront celles de toutes les autres entreprises, y compris les sous-traitantes, engagées dans la tâche sublime d'assurer la livraison du matériel dernier "cri", nécessaire à la protection du Monde Libre- qui peut-être ainsi, c'est le plus sûr moyen, sera un jour définitivement libéré de ses angoisses existentielles: un accident peut si vite arriver! En quelques 6 à 8 minutes désormais et l'on nous promet mieux encore, soit un système entièrement automatisé d'où tout contrôle humain serait exclu.

Economiquement parlant, l'essentiel à retenir de ceci c'est le détournement complet et définitif du modèle de croissance, non plus basé sur des secteurs intermédiaires produisant pour la consommation sociale et entraînant toute l'économie, mais basé sur un système en vase clos, restreint au militaro-industriel, et qui se perpétue en détournant l'épargne interne et de plus en plus maintenant les "surplus" externes.

Monétarisme! La logique est aussi simple que la pratique est infernale, digne d'un Alighieri devenu dément. Gonflement continuel de la dette publique, élimination de certaines branches ou du moins concentration/centralisation c'est-à-dire survie des plus "forts", restructuration/destruction d'emplois, course aux armements, récession entretenue, coupures dans les dépenses sociales etc, etc ... mais surtout un plein de sans emploi ... jusqu'à ce que le jour de l'échéance arrive.

REFERENCES

1) K. Gilpin, N.Y.T., March 8, 85

2) v. "the editors", Monthly Review, Dec. 84, p.10

3) K.T. Kilborn, N.Y.T., March 3, 85

4) Le Monde Diplomatique, fév. 85

5) idem

6) idem

7) qu'aucun de ces épigones n'échangeraient la leur contre celle-ci est du domaine des certitudes apodictiques!

8) Le dollar étant la monnaie de réserve, il est presque illusoire de distinguer ainsi. Cependant, nous montrerons plus tard comment et avec quels effets la restructuration externe proprement dite fut imposée aux autres pays, principalement ceux du Tiers-Monde.

9) Leonard Silk, N.Y.T., March 1, 85

10) v. note No 7

11) P.T. Kilborn, op. cit9

12) Leonard Silk, op. cit9

13) Le Monde Diplomatique, fév.85

Volcker suite

Volcker suite:

XXX

Yahoo, la liberté d'expression et sa fiscalité.

Le 11 décembre dernier, j'ai envoyé un courriel à controg8@yahoogroups, groupe auquel je suis inscrit depuis sa création en 2001. Un message par retour du courrier m'apprit que le groupe n'existait plus. Il a été supprimé unilatéralement, sans préavis, donc sans permettre aux membres du groupe de sauver la liste de contacts ainsi que leur matériel. Yahoo s'est déjà livré à cette pratique purement totalitaire de suppression unilatérale des groupes sociaux (voir http://www.indymedia.org.uk/en/2013/09/512571.html ) Un boycott individuel, passif et créateur, s'impose. Grâce au « téléphone arabe » ou mieux, musulman, il fera effet boule de neige.

Car cette suppression est d'une extrême gravité pour nos démocraties. Il ne s'agit pas uniquement de désagrément personnel. Il s'agit avant tout de liberté d'expression et d'accaparement du pouvoir économique, y compris par une fiscalité d'Etat aujourd'hui déficiente par rapport aux pratiques des transnationales, tout particulièrement celles qui sévissent dans les nouveaux moyens de communication et d'information. Ceci survient alors que se prépare un autre épisode sanguinaire de la guerre préventive. La Syrie est particulièrement visée grâce à la manipulation du dossier de l'EI. En effet, la destruction du régime du Président démocratiquement élu al Assad vulnérabiliserait les forces antisionistes libanaises ou autres, tout en isolant l'Iran, en attendant de le détruire à son tour ainsi que ses voies commerciales. Cette politique s'inscrit dans la stratégie de création d'un Grand Moyen-Orient sous tutelle américaine et israélienne, politique renforcée par la récente victoire des Républicains au Congrès américain et par les développements fascistes-théocratiques qui sous-tendent les prises de position guerrière de gens comme G. Soros. (1)

a) Liberté d'expression. Nous avons à faire ici à des groupes sociaux présentant une vision alternative de la société et de son fonctionnement. L'appartenance à ces groupes est volontaire puisque à tout moment, par un simple clic, un membre peut écarter un message en l'envoyant dans le fichier de recyclage, ou encore se raviser et se désinscrire. Personne n'a donc à tolérer les pratiques de mercenaires privés de la surveillance venant d'entreprise comme Yahoo.

On sait que la liberté d'expression est déjà contrainte par la constitution et par les lois qui en découlent. Au niveau formel, dans nos systèmes capitalistes, outre l'incidence de la propriété privée, elle est également contrainte par le pluralisme politique. Nombre de théoriciens bourgeois ont insisté sur les différentes formes de démocratie («bourgeoise ») et montré leurs dérives modernes ; par exemple, celle menant à soumettre le Parlement à la tyrannie de l'Exécutif qui parfois transforme ce dernier en Parlement croupion ou en simple chambre d'estampillage. Plus incisif, Lénine parlait de « crétinisme parlementaire » bourgeois. Ces perversions de la démo-cratie prévaudront tant et aussi longtemps que la dictature légale de la propriété privée ne sera pas contrebalancée par la propriété collective et/ou par le contrôle public, et par conséquent par le pluralisme social. Ce dernier implique la démocratie industrielle, économique et sociale, et met en cause le contrôle collectif des moyens de production et d'échange, y compris en ce qui concerne les mass-médias, parfois désignées comme le 4 è pouvoir. En effet, si le pouvoir politique, s'incarnant dans les processus institutionnels démocratiques ou moins, consiste à allouer les ressources de la communauté au service de la communauté, il est clair que cette allocation ne peut être considérée démocratique tant et aussi longtemps qu'elle reste surdéterminée par une production sociale allant de pair avec une accumulation privée, dont les gains sont de partagés selon la taille des actionnaires. J'ai également souligné un fait décisif mais universellement occulté, à gauche comme ailleurs. La démocratie bourgeoise moderne, à savoir la démocratie libérale débarrassée de son aspect censitaire au profit du scrutin universel et secret, reste dictatorialement contraire à ses principes et prétentions égalitaires. Ce faux paradoxe, mûrement réfléchi et impitoyablement mis en oeuvre, ne repose pas uniquement sur un système électoral dominé par la propriété privée et ses lois, mais également et surtout sur la sélection préalable effectuée à tous les niveaux par des franc-maçonneries qui sont aujourd'hui de nouveau dévoyées dans une direction inégalitaire et obscurantiste, voire théocratique. Comme cela fut d'ailleurs le cas dans les années 20 et 30 sous une impulsion identique avant que ne soit déclenchée la meurtrière logique interne à l'exclusivisme. Pour un bref aperçu de cette pensée gattopardesque axée sur le « mérite » de classe, se reporter à la note Numéro 11 à la fin de ce texte.

b) Le « content model » et le pouvoir économique. On pourrait objecter que Yahoo ou bien d'autres firmes du genre sont des entreprises privées pouvant donc diriger leurs propres affaires selon leur bon vouloir. Ceci n'est pas le cas. Le totalitarisme est fondé sur le contrôle des flux de communication et d'information visant à assurer « la déférence envers l'Autorité » (auto-désignée comme telle). Dans une démocratie, les communications et l'information ne dépendent pas de l'autodiscipline des propriétaires privés, soucieux de paraître respecter le pluralisme social. Elles dépendent de la protection constitutionnelle des libertés fondamentales, dont la liberté d'expression. Car, ces firmes ont un devoir sacré envers le public, ce qui est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit d'échange intragroupe ou entre groupes constitués sur la base de l'appartenance volontaire. Si ses firmes s'avèrent incapables de respecter le plus scrupuleusement du monde ces droits, alors elles doivent laisser la place à des entreprises sous contrôle public. Rien ne l'empêche techniquement. En effet, les communications électroniques que nous pouvons résumer par Internet ne furent pas créées par des entreprises privées à leurs origines. Le Web lui-même fut une invention du Cern. En France, Minitel avait près d'une décade d'avance sur ce qu'il est aujourd'hui convenu d'appeler génériquement Internet : il aurait suffit que des ministres plus perspicaces aient fait en sorte de lui adjoindre une interface de conversion en langage universel pour le relier à Internet tout en évitant les problèmes inhérents à celui-ci. En particulier, le fait que Internet reste contrôlé par les Etats-Unis dans une perspective de surveillance militariste omniprésente dénoncée par exemple par Snowden, mais remontant aux origines du plan de communication, de contrôle et de commandement du général Taylor et du Pentagone. (Le système en réseau ponctué par des routeurs devait tout simplement pouvoir survivre à une attaque nucléaire.)

Ce contrôle central, allié à la puissance économique des firmes américaines du secteur, a un impact économique, idéologique et politique qu'il convient de ne pas sous-estimer. Ceci inclut les messages idéologiques et l'imaginaire véhiculés par les jeux vidéos. (2) Nous ne remonteront pas à l'offensive préventive reaganienne contre le Nouvel Ordre Mondial de l'Information et des Communications (NOMIC) que l'Unesco préparait dès la fin des années 70 sous les auspices de l'Unesco dirigé par le Sénégalais M. M'Bow. (3) Les Usa supprimèrent alors tout simplement leurs subventions à l'Unesco, forçant éventuellement l'agence onusienne à faire marche arrière, notamment à se rabattre sur la notion de « biens communs » offerts sur argent public par des entreprises privées. On sait aujourd'hui que cette alternative est ruineuse tant pour les populations, que pour l'offre des services aujourd'hui dégradés et tarifés que pour les Etats. On sait en outre que de bons secteurs et infrastructures publics contribuent crucialement à la productivité microéconomique des entreprises comme à la compétitivité macroéconomique des Formations sociales, toutes deux en relation dialectique malgré les inepties, aujourd'hui tragiquement patentes, de la public policy monétariste. Il reste que le NOMIC avait posé toutes les bonnes questions, ce qui permettrait à l'Unesco de remettre le projet sur la table, puisque la constellation économique mondiale s'est dramatiquement transformée depuis, et potentiellement avec elles la structure des contributions à l'ONU et à ses Agences spécialisées, dont le FMI et l'Unesco.

La puissance économique de firmes comme Yahoo ou Google repose sur quelques pratiques à vrai dire peu démocratiques et jusqu'ici négligées par les Etats et par l'Antitrust, particulièrement au sein de l'UE. Nous en mentionnerons deux :

a) la gestion fermée quasi monopoliste des interfaces et des applications (Apps). Il est déjà discutable d'être confronté à des codes brevetés alors qu'ils devraient être libres d'accès (open source). Il est encore plus préjudiciable pour les usagers, les clients, les concurrents et la société en générale d'être confrontés sans cesse à des questions de compatibilité pour les logiciels et les applications. Cette pratique préjudiciable revient à créer de nouveaux cartels et trusts virtuels et, par conséquent, des clients et des marchés nationaux et globaux captifs. Ceci n'est tout simplement pas acceptable.

b) La pratique non-règlementée ou pauvrement règlementée du « content model ». La question est aujourd'hui timidement posée par exemple vis-à-vis de Google News. Jusqu'ici la question a été posée dans le cadre de la protection de la propriété intellectuelle et du droit d'auteur archaïquement conçu. Il s'agit-là d'une réaction régressive d'ailleurs peu adaptée aux nouvelles possibilités techniques et aux désirs de la communauté Internet globale. J'ai dit ailleurs que cette avenue ne fait qu'aggraver les choses. Elle n'agit aucunement sur l'inacceptable soumission du droit d'auteur à la propriété privée, de surcroît aujourd'hui spéculative et mal contrebalancée par le contrôle public. Elle n'affecte pas non plus la question de la propriété intellectuelle empiétant sur l'héritage de l'Humanité toute entière, ou bien encore sur le droit à l'accessibilité universelle à la science et à la culture. (4) Aujourd'hui, ces grandes firmes de communication et d'information jouent sur l'inadaptation de ces droits par rapport aux souhaits libertaires des usagers. Elles développent donc un aspect « libertaire » ou plutôt « anomique » (von Hayek) permettant la mise en place de leur système totalitaire soft de contrôle des flux de communication et d'information. Elles utilisent donc leur puissance de diffusion pour phagocyter les contenus.

Ceci leur procure des revenus colossaux grâce notamment aux revenus publicitaires que les Etats ont abandonné dans leurs mains, sans règlementation digne du nom ou presque.

Ces gigantesques revenus publicitaires renforcent leurs positions oligopolistes avec tous leurs défauts, dont les questions de compatibilité et d'accessibilité visant à créer artificiellement des marchés captifs.

A ce détournement des fonds publicitaires effectué sans même la garantie de la libre circulation des contenus, s'ajoute une évasion fiscale calamiteuse qui n'a d'égale que l'évasion structurellement planifiée par le biais du shadow banking. On sait que ce dernier échappe à toute forme de taxation bien qu'il valle plus de 12 fois le PIB mondial (5) alors même que cette taille incongrue pèse de tout son poids lors du sauvetage récurrent sur fonds publics des banques privées. On sait moins que ceci est également le cas, quotidiennement, par le biais des politiques de sauvetage rampant du système spéculatif dominant par les banques centrales qui prend la forme des injections de liquidités à flux continus, le tout en créant un « credit crunch » dévastateur.

Il se trouve que l'évasion fiscale la plus dommageable est parfaitement légale au sein de l'actuel système économique spéculatif mondial. Il ne suffit pas de rappeler avec fatalité l'existence des paradis fiscaux, y compris au sein même des pays européens. Les paradis fiscaux existaient avant que la spéculation fondée sur le « crédit sans collatéral » ne soit devenue hégémonique. (6) Avec elle, elle prend un aspect entièrement différent et ses conséquences deviennent catastrophiques. En particulier, en ce qui concerne les flux de capitaux au dépens de certains pays, ce qui contribue à délocaliser les sièges sociaux et avec eux le contrôle national sur leurs activités, y compris la R&D.

Des commentateurs avisés ont synthétisé les grandes lignes du système de holding mobilisé pour aboutir à la soi-disant « optimisation fiscale »: une entreprise déménage aux Pays-Bas ou au Luxembourg etc. ; elle est reliée à une société localisée en Irlande laquelle est à son tour reliée à une société une case postale aux Bahamas. (7) D'autres montages existent visant un but identique. A chacune de ces étapes, les impôts sont minîmes mais une fois arrivés aux Bahamas les fonds peuvent alors rentrés aux USA exceptés d'impôts. Ceci ne crée certes pas un système de concurrence loyale et équitable dans le contexte d'un libre-échange déjà conçu pour être asymétrique en partant. L'UE du capital opposée à l'Europe sociale fondée sur la confédération de ses Etats-nations membres (8) ne fait pas ses devoirs en la matière tout simplement parce que ces dirigeants ont choisi de soumettre aux forceps l'espace commun européen aux lois de la « gouvernance globale privée » ; celle-ci devant être uniquement policée par le pouvoir judiciaire préalablement émasculé par les traités de libre-échange actuels, y compris par leur définition néolibérale de la concurrence dépourvue de tout obstacle et par leur débilitante définition de l'anti-dumping. (9) L'UE préfère donc imposer une régression sociale tous azimuts axée sur une féroce «désinflation » salariale. A défaut de rétablir la productivité de ses entreprises de façon durable, elle tente d'anticiper un « retour » forcé à une société du nouvel esclavage salarié et de la nouvelle domesticité.

Certains ont prétendu qu'en échange ces firmes contribuent à financer les oeuvres caritatives ainsi que la recherche. C'est-là ajouter avec impudence les insultes aux coups! En ce qui concerne le secteur caritatif, la régression totalitaire exclusiviste actuelle vise bien en effet à substituer le système d'assurance social fondé sur les droits sociaux universels des citoyens découlant des constitutions, tout autant que de la Charte Universelle des Droits Individuels et Sociaux de la Personne de l'ONU, par un système d'assistance sociale privé et souvent caritatif et confessionnel, de surcroît barbarement soumis à des conditions de revenus, voire de richesses. Certains ont écrit que le 1 % plus riche pouvait employer les 50 % qui le sont moins en sacrifiant une petite partie de leurs richesses. (10) Ils oublient de dire que cette richesse est une extorsion, y compris fiscale. Pour comble, ajoutons que le système d'assistance privé et de fondations elles aussi privées jouit de fortes exonérations fiscales, ce qui diminue d'autant le poids des impôts pesant sur elles, tout en leur transférant un pouvoir idéologique énorme, menant fatalement à la création d'un nouveau clientélisme pré et anti-démocratique, similaire à ce qui existait au temps du mercantilisme sauvage.

En ce qui concerne la R&D, le clientélisme induit est encore plus dommageable puisque, outre la question de la diffusion et de l'accessibilité des connaissances, la règlementation internationale actuelle fait des brevets, ainsi que des royautés et du cadre normatif national ou régional qui en découle, la principale barrière commerciale invisible substituant les anciens tarifs dans le cadre du libre-échange global. Ceci revient non seulement à accepter sa servitude mais aussi à financer le système qui l'impose. Ce qui signifie sans doute que nos dirigeants ont raté leur éducation économique et civique, ou encore qu'ils aient choisi se prendre pour des « nihilistes éveillés», à moins bien entendu qu'ils n'aient manqué de sel durant leur prime enfance. Ce qui n'empêche pas certains de se prendre typiquement pour le sel du monde. Les citoyens et les peuples ne sont pas d'accord et prennent acte de la régression et des responsables qui pensent pouvoir la leur imposer durablement.

Il convient donc d'organiser une riposte multiforme appropriée. Toutes les militantes, les militants, les travailleurs culturels et les artistes devraient à mon sens s'y employer. Tout d'abord, dans l'immédiat, unir nos forces pour organiser une plateforme alternative et open source permettant la création des groupes sociaux rendus ainsi plus visibles et jouissant dès lors d'une synergie naturelle. Cette plateforme accueillerait également les blogs qui pourraient alors bénéficier des logiciels et des applications eux-mêmes open source. A leur adresse respective pourrait ainsi correspondre des blogs plus thématiques créés sur la plateforme elle-même.

Ces blogs et ces adresses mailing lists constitueraient le germe puissant du Nouvel Ordre Mondial de l'Information et des Communications. En réalité, les contenus de meilleure qualité se trouvent aujourd'hui dans les blogs personnels ou collectifs. Ils échappent au servilisme du système narratif régressif actuel, ainsi qu'à sa barbare prétention d'imposer une déférence envers une Autorité auto-désignée, qui prétend substituer de manière éhontée la science par la narration de classe, en violant de surcroît la Loi des Grands Nombres, y compris dans ses plus pâles expressions jusqu'à peu liées au masque de la « méritocratie » bourgeoise. (11) De ce contenu dépendent pourtant de forts revenus publicitaires qui pourraient alors être redistribués plus équitablement entre les contributeurs et les gérants de la plateforme. Sans but lucratif, cette plateforme ou serveur, constituerait un projet de choix pour la gauche ou bien pour une coopérative d'intermittents, ou encore pour les groupes sociaux déjà autonomes mais jusqu'ici réfractaires à la publicité, ce dont les firmes capitalistes se frottent les mains. Cette manière de faire serait déjà plus profitable aux petits créateurs que les bénéfices dérisoires découlant des droits d'auteur. Car aujourd'hui dans le cadre de la publication et de la diffusion privées, ils ne favorisent que les servi in camera de l'actuel système exclusiviste de régression générale. Pensez aux Nouveaux Philosophes écoulés en masse comme des produits d'usage courant avec l'aide subsidiaire du pilon bénéficiant de tous les avantages systémiques, contrairement aux publications alternatives ; va s'y ajouter maintenant les Nouveaux Economistes pareillement outillés et intentionnés!

Dans une optique plus générale, on ne voit pas pour quelles raisons les revenus publicitaires, ainsi sans doute que les revenus découlant des diverses subventions, seraient abandonnés de la sorte dans les mains des transnationales par le pouvoir public. La timide réaction allemande face à Google semble avoir été mal conçue dans un cadre strictement privé ne sachant différencier archaïquement qu'entre national ou pas. Ceci à l'heure du globalisme triomphant qui entérine la « gouvernance globale privée », en même temps qu'il légalise la majeure partie de l'évasion fiscale. Le projet de loi espagnol semble suivre le même chemin.

Une règle de partage automatique des revenus publicitaires pourrait reposer sur l'origine nationale du clic donnant accès aux contenus et aux pages visionnées. Le marché étant global, de même qu'une part croissante des achats encore relayée par la présence transnationale des firmes, l'origine du clic serait suffisante. On agirait alors en aval. On peut également décider de prélever en amont lorsque le contrat publicitaire est signé par les entreprises opérant sur le sol national. Resterait à définir le pourcentage revenant à l'Etat d'origine. Si l'action en aval était retenue, d'autres critères de gestion pourraient être envisagés tels le temps passé sur chaque page. Ceci se vérifie déjà dans la pratique privée quoique de manière subreptice qui n'exclut pas les pratiques hautement douteuses telle le « eye tracking ». Parfois, l'accès à une page mal gérée en amont peut présenter de la publicité majoritairement « étrangère » à la location du visiteur, voire de ses intérêts. La valeur nationale du clic à resituer à l'Etat d'origine serait alors pondérée sur la base de l'origine des publicités exhibées. La manipulation subjective des usagers et consommateurs serait strictement interdite. Un tel partage reposant sur le visionnement mettrait ainsi fin aux délocalisations et sous-traitance opportunistes. Une part majeure de ces revenus publicitaires seraient alloués statutairement au soutien des créateurs de contenus ; le résiduel permettrait de pousser la digitalisation du patrimoine national afin de le rendre accessible gratuitement. Ceci permettrait d'éviter qu'ils ne soient préventivement engloutis par une fiscalité générale aujourd'hui hautement régressive.

En ce qui concerne plus spécifiquement la reproduction de contenus, les citations et les liens, ceci nous renvoie à notre critique général concernant la gestion archaïque des droits d'auteur. Outre la question fiscale, rien n'empêche une rétribution équitable entre firmes. Elle serait facile à gérer par le transfert au propriétaire d'origine d'une partie des revenus publicitaires dérivant de la page visionnée en fonction du pourcentage occupé par le contenu sur la-dite page. Les méthodes et le cadre légal sont encore défaillants.

Il faudra donc faire pression sur les élu-e-s à tous les niveaux pour modifier le cadre légal et normatif. Les communications et l'information sont des biens publics, sans doute plus précieux que la santé, l'éducation, le logement, l'eau, l'énergie et les transports puisque, sans eux, ces derniers ainsi que tous les autres droits fondamentaux peuvent être supprimés en silence. Les « nihilistes éveillés » actuels (12) sont des adeptes de Sun Tsu : ils comptent gagner leurs batailles sans combattre. Pour cela, il leur faut contrôler leurs généraux aussi bien que les dirigeants de l'opposition ; surtout il leur faut interdire la remise en cause scientifique de leur répréhensible narrations de classe et de caste qui s'écroulent d'elles-mêmes dès lors que la lumière méthodologique et déontologique scientifiques est pointée vers elles. Ils ressemblent au Grand Inquisiteur de Dostoïevski qui inspira la critique orwellienne à la GB et au monde occidental. Leur Nouvel Nouvel Ordre Mondial mène à la tyrannie, qui plus est celle d'une infime minorité obscurantiste et théocratique flanquée par ses alliés prétendant s'instituer comme les «nouveaux maîtres du Monde». C'est le « retour » du Roi Ubu ! En toute bonne logique exclusiviste, on entend déjà Suétone et Titus s'esclaffer de rire …

Paul De Marco, ex-professeur de Relations Internationales (Economie Politique I internationale). Copyright © La Commune Inc, 14 décembre 2014.

Notes :

1) Voir Wake Up, Europe George Soros http://www.nybooks.com/articles/archives/2014/nov/20/wake-up-europe/?insrc=hpss , ainsi que Israel moves closer to building 1,000 settler housing units in East Jerusalem

Binyamin Netanyahu unveils latest settlement plan despite US warning that construction will poison atmosphere' among allies http://www.theguardian.com/world/2014/oct/27/israel-construct-settler-homes-east-jerusalem-netanyahu . Ces croisades racistes théocratiques coûtent très cher alors que nous savons que plus de 25 % de la force de travail reçoit déjà 650 euros par mois ou moins … en France ! En Espagne, ce pourcentage s'élève déjà à plus de 37 %. In Italie, idem. De plus, ce dernier pays s'entête à acheter 90 F 35, un appareil dont les meilleurs alliés des USA ne veulent pas ; il le fait en sacrifiant les secteurs vitaux santé, éducation etc. - ainsi que les transferts aux entités locales ! Or, ce chasseur-bombardier très coûteux et mal ficelé du point de vue technologique il risque d'être décrit comme un « cercueil volant » à l'instar du F 16 à ses débuts … - viole frontalement l'Article 11 de la Constitution italienne. Celle-ci répudie le recours à la guerre pour la résolution des conflits et prône une défense nationale sur le sol national au sein d'un régime de sécurité collective découlant strictement de la Charte de l'ONU. En effet, c'est un avion d'attaque conçu pour pénétrer en profondeur derrière les lignes ennemies en emportant des armes nucléaires comme «cercueil volant » cela promet ! Une telle conception déstabilise toute la théorie et la pratique de la dissuasion ainsi que les traités actuels régissant les défenses anti-missiles! De surcroît, l'achat d'un tel avion implique l'importation de toute une doctrine militaire dans laquelle les dirigeants choisissent de jouer un rôle subalterne de manière frontalement anti-constitutionnelle. Il est tout bonnement inconcevable en ces temps de crise engendrée par choix par le philosémitisme nietzschéen, que l'EU puisse maintenir les dizaines de milliards d'euros d'aide annuelle à Israël, Etat-croupion lourdement assisté par excellence, alors que cet Etat accélère le processus criminel de colonisation des territoires palestiniens, et qu'il s'est imposé comme le concepteur et le fer de lance des « regime change », de l'illégale Doctrine de la Guerre préventive et des nouvelles croisades au Moyen-Orient, dans le cadre de la création lunatique d'un Grand Israël dans un Grand Moyen Orient. Histoire qui ne peut que mal finir, du moins si le Plan de partage de l'Onu de 1947 n'est pas imposé par l'ONU, conjointement avec la loi internationale et la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme antithétique à tout exclusivisme et à tout théocratisme possibles. Un Etat israélien déclaré officiellement « Etat juif » ne saurait être autre chose qu'une entité devant être immédiatement exclue de l'Organisation des Nations Unies, ce qui devrait aller de soi.

2) Voir Jean-Luc Mélenchon s'emporte contre « Assassin's Creed Unity » 14.11.2014 à 09h08 • Mis à jour le 14.11.2014 à 12h22 http://www.lemonde.fr/pixels/breve/2014/11/14/jean-luc-melenchon-s-emporte-contre-assassin-s-creed-unity_4523542_4408996.html. Jean Jaurès pour sa part «répondait » de Robespierre, justement parce qu'il savait que la critique positive de cette grande et « incorruptible » figure révolutionnaire était nécessaire pour écrire l'avenir socialiste en théorie et en pratique; voir son L'histoire socialiste de la Révolution. Par ailleurs, on revoit toujours avec plaisir La Marseillaise de Jean Renoir : https://www.youtube.com/watch?v=ceYXjhFc8XE

3) Sur M. M'Bow voir : « En 1970 il est d'abord nommé sous-directeur général de l'UNESCO pour l'éducation. Puis, élu en 1974 et réélu en 1980, il est directeur général de l'UNESCO de 1974 à 1987. Sous sa direction, la commission dirigée par Seán MacBride délivre un rapport intitulé Many Voices, One World qui présente des recommandations pour établir un nouvel ordre mondial de l'information et de communication, plus équitable », dans http://fr.wikipedia.org/wiki/Amadou-Mahtar_M%27Bow . Ce NOMIC attira les foudres des nouveaux libéraux-fascistes reaganiens connus sous l'euphémisme timide de « néolibéraux ». Noter que les pésuppositions et axiomes de ce qu'il est convenu d'appeler le néolibéralisme renvoient à une normalisation présentable du libéral-fascisme de leur maître à penser von Mises.

4) Voir la Note à la lettre à tous ceux qui aiment l'école dans la section Economie Politique internationale de mon site www.la-commune-paraclet.com Il suffit d'écrire « trois » dans la fonction « rechercher » pour aller directement aux paragraphes visés relatifs aux trois modèles principaux.

5) Noter que la Taxe Tobin, idée bancale au départ, ne règle en rien ce problème gravissime. Elle ne vise qu'à dégager une petite pincée de milliards pour retarder l'échéance du chaos budgétaire lié à l'inepte sentier de consolidation fiscale qui est au coeur de la politique d'austérité et du Fiscal Compact.

6) On se reportera aux textes « Credit without collateal » et « The FED and the Treasury » dans la section Economie Politique Internationale de mon site www.la-commune-paraclet.com

7) Voir les deux posts de « Raymond » dans http://finance.blog.lemonde.fr/2014/09/01/la-chute-de-la-france-est-elle-ineluctable/

8) Voir dans le même site et la même section les articles portant sur l'Europe sociale. Ils furent écrits dans le contexte du référendum gagné contre la soi-disant constitution européenne établissant la concurrence globale sans borne comme règle d'interprétation, ce qui au minimum était suicidaire, ou représentait plutôt un coup de poignard dans le dos d'un ensemble communautaire noyauté au moment même où son intégration régionale était cessée être renforcée. Je rappelle que ce sacrifice dogmatique et servile des « préférences communautaires » incita le grand économiste Maurice Allais à exprimer publiquement son désaccord.

9) Pour l'anti-dumping voir l'Appel dans http://rivincitasociale.altervista.org/appel/

10) Cette remarque est due à Piketty (v. Le capitalisme au XXI siècle, (2013). Sa théorie volontairement utopique dans le sens de miroir aux alouettes pour les « nihilistes militants » ou supposés tels, ne trompe personne. Voir ma critique dans la section Critique de livres/Book reviews de mon site www.la-commune-paraclet.com . Piketty souligne aussi le fait que les comptes nationaux i.e. fondés sur les ineptes statistiques marginalistes encore falsifiées par la spéculation devenue hégémonique ne cadrent pas lorsqu'on les prend en bloc, puisque une grande partie de l'évasion fiscale, souvent légale, vers les paradis fiscaux n'est pas prise en compte. Il y en a pour quelque 4 % du PIB mondial. Ce n'est pas rien, surtout lorsque l'on considère les énormes transferts de richesse des salaires vers les profits : ils se montaient déjà à quelque 11 % du PIB lorsque la RTT fut mise en place par la gauche plurielle. La situation s'est encore dégradée depuis surtout du fait que la gauche plurielle est maintenant déplacée au sein du PS par un social-libérisme typiquement sans état d'âme. (En fait, puisque toute la vérité doit être dite, von Mises, le vrai gourou de ces gens-là des deux côtés de l'Atlantique et jusqu'au putatif Grand Moyen-Orient, était un libéral fasciste convaincu et jamais repenti, d'origine juive tout comme les figures dominantes de sa Société du Mont Pèlerin. Il n'est pas inutile de souligner que son maître fut Böhm-Bawerk dont j'ai montré le rôle dans la falsification de la pensée de Marx, en particulier en ce qui concerne le faux problème de l'égalisation du taux de profit. Cette falsification fut et continue à être imposée par les loges maçonniques exerçant leur pouvoir occulte tant sur la sélection universitaire que sur la publication des thèses et des oeuvres. Bien entendu, la falsification narrative de classe a son coût : ainsi, dans sa dérive inégalitaire libéral-fasciste, von Mises en vient a être obliger de justifier le mode de production capitaliste par l'hégémonie nécessaire de la spéculation incarnant la « prise de risque », comme si la prise de risque était spécifique à une valeur d'échange reposant sur la propriété privée. Il prétend également de manière aussi éhontée que risible que la spéculation accélère l'établissement de l'équilibre économique optimum grâce à une meilleure justesse des prix. Dans tous les systèmes économiques possibles, y inclus l'URSS et la Chine maoïste, systèmes égalitaires très poussés et extrêmement efficaces ainsi que le démontra lhistoire et la défaite du complexe militaro-économiste nazifasciste, les décisions économiques comportent naturellement une part de « risque » ou, plus exactement pour reprendre un concept utilisable de Pareto, un coût d'opportunité. Cela d'autant plus que nombre de décisions en matières sociales répondent à des problèmes ne permettant pas une seule et unique solution, mais plutôt, en reprenant les termes de Simon et Cyert du MIT, des trade-offs. Ceux-ci répondent alors soit à des priorités inégalitaires privées, soit à des priorités sociales égalitaires communes et collectivement choisies. Ce qui est hors de l'espace mental de gourou ( !) du genre von Mises et de leur suffisance caractéristique. De même, la science économique ne peut pas s'accommoder de narrations telles que celles cuisinées par la Société du Mont Pèlerin et par ses universités relais jadis la Chicago University, puis d'autres, puis, sur fonds publics, des Ecoles privées comme celles de Paris Piketty et celle de Toulouse Tirole. Misère de l'économie ? Quoiqu'il en soit, contrairement à ce que prétend Blanchard, leurs défauts ne sont pas de simples erreurs de calcul, puisqu'ils relèvent de la fausseté désormais patente du paradigme marginaliste dans son ensemble. D'ailleurs ces narrations marginalistes a-scientifiques mènent les sociétés vers l'abîme à un rythme accéléré, comme le proverbial joueur de flute sa troupe fascinée de rats…)

11) Citons une nouvelle fois Piketty, chantre de la spéculation érigée en système avec ses inégalités qu'il feint de critiquer pour mieux établir leur perpétuation (« partout et toujours » …) contre l'incrédule 99 % : « En 1872, Emile Boutmy créait Sciences-Po en lui donnant une mission claire : elles-mêmes les classes élevées ne peuvent conserver leur hégémonie politique qu'en invoquant le droit du plus capable. Il faut que, derrière l'enceinte croulante de leurs prérogatives et de la tradition, le flot de la démocratie se heurte à un second rempart fait de mérites éclatants et utiles, de supériorité dont le prestige s'impose, de capacités dont on ne puisse pas se priver sans folie. » dans Emile Boutmy, Quelques idées sur la création d'une Faculté libre d'enseignement supérieur, 1871 (sic), cité dans Piketty (2013), p 782.Piketty ne faisait que confirmer ce que j'avais déjà démontré dans mon site depuis sa lointaine création. Mais, avouons-le, la citation vaut son pesant d'or et on lui en sait gré … Noter que le système de sélection républicain imaginé par Boutmy reposait sur des connaissances à base scientifique utiles pour la société dans son ensemble. Bien entendu, les concours des grandes écoles étaient et restent biaisés de différentes façons dont le bagage intellectuel familial et l'aisance économique permettant de se consacrer à de longues études. On pourra se reporter au texte « Spoliation » dans mon Pour Marx, contre le nihilisme. On sait que 6 % à peine d'enfants d'ouvriers et de paysans ont accès à l'université. Cependant, Boutmy n'aurait jamais pu contempler que ce biais déjà rédhibitoire, qui contraint la mobilité sociale en faussant l'opération de la Loi des grands nombres en faveur des classes mieux placées dans la transmission des connaissances plutôt qu'en faveur de la seule richesse, puisse encore être renforcé par la pré-sélection maçonnique exercée en coulisse sur la base de l'adhésion à de grotesques narrations, trop souvent récompensées par des prix, en particulier en économie.

12) Ces gens-là ont lancé leurs croisades au nom d'une illégale Doctrine de la guerre préventive visant à détruire tous les rivaux militaires et économiques de leur Empire putatif. Ceci inclut plus de 66 pays de culture musulmane au nom de guerres de civilisations théorisées par Samuel Huntington, concepteur d'autres plans tels les« strategic hamlets » mis en oeuvre au Vietnam et responsable également des politiques génocidaires menées contres les populations d'Amérique du Sud, en particulier au Guatemala. If fut flanqué par d'autres Dershowitz, ce dernier reprenant aux USA à Harvard (!) en conservant son emploi, la théorie de la légalisation de la torture, parfois sous contrôle médical telle que pratiquée en Israël, salissant ainsi d'une tache indélébile et pour l'éternité, la Constitution américaine ainsi que celle de nombreux pays croisés alliés. Bien entendu, leur système de domination repose sur la force brute. Mais, en bons nihilistes éveillés rabbinico-nietzschéens, ils savent devoir compenser le poids trop visible du «Marteau » nietzschéen par l'instillation de la « servitude volontaire ». D'où leur cruciale besoin de contrôler les flux de communications et d'information, en vu d'établir une nouvelle société de la déférence envers (leur) Autorité. Bref, la nouvelle tyrannie avec son Inquisition et son Enfer scientifique et culturel. Tous ces totalitaristes crottés ont d'ailleurs typiquement tentés d'accuser le communisme qui les a sortis des camps, de totalitarisme, tout en restant fidèles et obséquieux envers leurs maîtres tels Heidegger et Carl Schmitt. Tout ceci fut déjà analysé en détail dans mon Pour Marx, contre le nihilisme (2002), voir la section Livres-Books de mon site www.la-commune-paraclet.com , ou encore dans la page Racisme-Fascisme-Exclusivisme du même site.

XXX

LE SOCIALISME MARGINALISTE OU COMMENT S'ENCHAINER SOI-MÊME DANS LA CAVERNE CAPITALISTE.

Plan:

1)  Le socialisme marginaliste de von Mises à Oskar Lange à Liberman

2) A propos de la démocratie socialiste.

1) Le socialisme marginaliste de von Mises à Oskar Lange à Liberman.

Jean Tirole et son contrat unique, Thomas Piketty et ses inégalités pérennes et indépassables (1) ainsi que beaucoup d'autres partagent le même paradigme aujourd'hui hégémonique dans le milieu académique. Ils nous incitent à rappeler que la conception de ce marginalisme moderne revient à von Mises. Il ne s'agit pas d'un simple problème d'allocation optimal des ressources mais bien d'un projet de société viscéralement régressif.

Von Mises encensa la spéculation et fut ainsi le premier à concevoir ce qui deviendra ensuite l'ineptie patente des « marchés efficients. » Avec son livre intitulé « Socialism » von Mises fut aussi à l'origine d'une critique frauduleuse qui nourrira les théoriciens de la Chicago University et tant d'autres, dont les membres de sa Société du Mont Pèlerin. En répondant à ces critiques, Fred M. Taylor et Oskar Lange inventèrent le « socialisme de marché » (2), lequel, par le biais de Liberman et de Khrouchtchev, débilita la planification socialiste. Ceci mena à terme à la destruction de l'Union Soviétique de l'intérieur et potentiellement à celle des autres pays qui se réclament encore du socialisme marxiste. Si l'on adopte le marginalisme comme science, on aura naturellement tendance à blâmer les difficultés réelles par un écart des résultats avec la théorie : de cette façon on pose que le capitalisme spéculatif est l'avenir du socialisme! Ceci est vérifié en ce qui concerne la bourgeoisie d'Etat soviétique rendue totalement hypocrite et schizophrène par ce socialisme marginaliste. (3) En fin de course, elle renia le système et se livra à son pillage effréné à partir de 1990-1991. Cette singulière forma mentis caractérise également tous les théoriciens marginalistes actuels pour qui le marché n'est jamais assez libre, surtout le marché du travail. Dès le départ von Mises visait toutes les formes d'intervention de l'Etat, sans exempter la planification économique de guerre allemande durant la première guerre mondiale. Aussi, après le démembrement interne de l'URSS, l'Etat social ou keynésien, à vrai dire la Déclaration Universelle des Droits Individuels et Sociaux née de l'alliance anti-nazifasciste, fut considéré par ces gens-là comme l'obstacle principal … au retour à un niveau d'inégalité précédent 1914 et en particulier Octobre 1917 !

Taylor et Lange étaient bien intentionnés sans doute, mais on ne peut en aucun cas vouloir fonder le socialisme sur le paradigme marginaliste qui nous avons démontré être ascientifique. (4)Si le marxisme est scientifique alors les problèmes qui se posent pour le mode de production socialiste doivent être résolus en son sein. Gramsci insista de bon droit et avec force sur cette évidence. Von Mises voit dans la productivité marginale, découlant de la propriété privée des Moyens de production, la condition sine qua non de tout calcul économique possible, ce qu'il appelle « le système des prix ». Or, la productivité marginale optimise les profits privés distribués selon le poids respectif des capitalistes, mais elle est ontologiquement incapable d'optimiser les quantités respectives des Moyens de production et des Moyens de consommation qui doivent être produites. La pseudo-optimisation qui en résulte est fortement biaisée par la distribution du capital et découle d'un mécanisme gaspilleur et anarchique ainsi que le reconnaissait Enrico Barone. La « main invisible » est actionnée par l'accumulation différentielle privée instruite par un égoïsme effréné qui est censé assurer l'intérêt général. Bref, remplacez le Plan, même dans sa forme indicative et incitative, par une vulgaire Lolf et le pays courra droit à sa perte. En effet, toutes les dépenses publiques nécessaires pour assurer l'équilibre réel des Mp et des Cn ou pour seulement contrecarrer les « esprits animaux » du capitalisme, seront soumis au Trésor, lui-même soumis à la finance spéculative globale court-termiste qui dépend à son tour de l'inféodation de la Réserve Fédérale Américaine aux 4 grandes banques new-yorkaises dominant la Réserve fédérale sise en cette ville. (5)

L'équilibre général ainsi obtenu - ou bien encore atteint selon la méthode comptable de Lange mettant en cause un calcul similaire opéré par le Plan -, mène inévitablement à un reniement complet du marxisme et par conséquent de la science en matière économique. On prend pour acquis que le marginalisme est LA science économique, ce qui pour Lange suppose son universalité et donc la nécessité de son application au socialisme. Pourtant le marginalisme n'est qu'une narration. Le réquisitoire est long ; nous nous en tiendrons ici à quelques évidences. Sa finalité première est d'occulter l'exploitation du travail. Son utilité marginale bancale fut développée pour occulter la dualité valeur d'usage et valeur d'échange de toutes les marchandises, la force de travail comprise. Sa valeur ajoutée est incapable de rendre compte de sa genèse nichée dans le taux de plus-value. Ses prix ne sont que des épiphénomènes sous-tendus par la valeur d'échange. Sa pseudo-théorie de la monnaie est aveugle mais informe néanmoins l'opération de sa banque centrale qui lui est greffée après coup. Tout ceci mène aujourd'hui au « crédit sans collatéral » (6), ce qui se passe de commentaire.

De surcroît, la technologie lui reste exogène puisque le marginalisme ne dispose même pas d'une loi cohérente de la productivité. Les changements de productivité supposent un mouvement proportionnel inverse de la composition organique du capital (v/C où C = c + v) et du taux d'exploitation ou de plus-value (pv/v). Les rendements croissants ou décroissants et les économies d'échelle ne résolvent rien. (7) Piero Sraffa l'avait déjà montré dans ses essais des années 20. J'ai démontré la validité scientifique de la loi de productivité marxiste et je l'ai intégrée de manière totalement cohérente dans les Equations de la Reproduction Simple et Elargie de Marx. Ces Equations représentent le seul vrai équilibre général. J'ai intégré le crédit à ces Equations et, sur la base de la distinction fondamentale entre intérêt et profit, j'ai démontré que le crédit spéculatif avait tendance à phagocyter le profit. Cette tendance délétère mène fatalement à des crises capitalistes encore plus graves qu'auparavant. (Voir mon Précis d'économie politique marxiste dans mon site www.la-commune-paraclet.com )

A date, je n'ai pas vu la moindre tentative de réfutation me donnant le droit de réponse. Par contre, j'ai vu plusieurs tentatives typiques de renversement et d'occultation, en particulier en ce qui concerne mon élucidation du travail vivant, clé de voute de la loi marxiste de la valeur et donc de la forme d'extraction de la plus-value dominante dans le mode de production capitaliste, c'est-à-dire la productivité.

Comparant les petites choses aux grandes, je note que cette stratégie honteuse et bien peu académique avait déjà été mise en oeuvre, en grande pompe maçonnique inégalitaire, contre Marx. J'ai démontré la fausseté de la critique que Böhm-Bawerk prétendit adresser à Marx. (Le pseudo-problème de la transformation). Je note que von Mises fut élève de Böhm-Bawerk. Sur la base de la falsification initiale opérée par son maître, il se mit en devoir d'en prolonger l'effet en tentant justement d'occulter les Equations de la RS et de la RE. A productivité égale dans tous les secteurs, ces Equations sont pourtant inattaquables, ce qui n'autorisait pas à les écarter d'un revers de la main comme un simple cas particulier.

La méthode est toujours la même : s'inspirer des réflexions scientifiques marxistes les plus poussées pour les réduire à une narration marginaliste renversée reposant sur une certaine plausibilité. En l'occurrence ici, von Mises se met en devoir d'instrumentaliser Paul Lafargue. Ce dernier était le plus grand et le plus original penseur marxiste après son beau-père Karl Marx et à ce titre il inspira fortement Lénine. C'est sans doute pour cela qu'il fut ensuite besogneusement occulté et falsifié. Par exemple, au sujet de la nécessaire réduction du temps de travail. En fait, la loi des 8 heures journalières lui doit beaucoup puisque le projet de loi présenté par Guesde reposait sur le dossier préparé par le médecin et marxiste Lafargue. En effet, Paul Lafargue avait une formation scientifique poussée. Ne pouvant arriver à une réfutation, il aborda donc le faux problème de la transformation des valeurs en prix de production de manière préliminaire (se reporter à l'« Annexe » de mon Tous ensemble pour un résumé de ce faux problème et de sa résolution, dans Download Now, section Livres-Books de mon site ; il suffit d'utiliser le terme « annexe » dans la fonction « rechercher ».) Ce faisant il développa la théorie du crédit de Marx et en prolongea la théorie du capital financier. Sans aucun doute Lafargue commit-il une erreur en confondant profit et intérêt et en utilisant l'intérêt comme illustration d'un processus d'égalisation effectif du profit. Von Mises était conscient de la falsification initiale par Böhm-Bawerk, de sorte qu'il comprit immédiatement le parti qu'il pouvait lui-même tirer de cette confusion entre profit et intérêt.

L'argument est le suivant : Böhm-Bawerk annonce l'existence d'une contradiction létale selon lui entre le Livre I du Capital (valeur) et les Livres II et III (Reproduction et prix de production). Du coup, tous, y compris Bortkiewcz et Tougan-Baranovsky, réfléchiront dans le cadre de la Reproduction Simple et Elargie, puisque selon Böhm-Bawerk le problème réside dans le fait que les données ex ante sont en valeur alors que les prix de production sont ex post et que ces prix de production devraient être des valeurs lorsque le cycle recommence. Ce problème n'est pas résoluble tant que la loi de la productivité marxiste n'est pas élucidée et intégrée de manière totalement cohérente dans les Equations de la Reproduction, ce que je fus le seul à démontrer (voir mon « Annexe » op citée.) Autrement, sur la base de l'idée fausse de l'égalisation du taux de profit (après coup …) la tendance sera, soit de contester cette égalisation - et la loi de la valeur marxiste par la même occasion -, soit de tenter une démonstration sur des bases nouvelles non-marxistes, à savoir la résolution simultanée offerte par Bortkiewicz et par Tougan-Baranovsky.

Lafargue pour sa part tenta de montrer que l'égalisation était réelle du fait de l'extrême mobilité du capital et particulièrement du capital boursier. Il se garda bien de présenter cette illustration comme une réfutation de Böhm-Bawerk. Il est dommage que Lafargue n'ait pas vu que l'égalisation en question relevait de la productivité et qu'à ce titre elle était organique à la fonction de production. Ceci aurait établi la supériorité absolue du marxisme et la face du XX è siècle en eut été changée plus encore qu'elle ne le fut par l'action scientifique et pratique de Lénine…

Von Mises s'engouffra rapidement dans cette porte entre-ouverte en saisissant rapidement le bénéfice qu'il pouvait en tirer : en confondant profit et intérêt, la genèse du profit, dont l'intérêt n'est qu'une partie, devenait encore plus obscure. Il ne reste alors plus qu'un jeu fluide de liquidités mettant en cause un calcul du risque, exactement comme J.B. Say le souhaitait en se fondant sur la « paper currency » de Ricardo. Ce calcul du risque revoie à un De Witt s'interrogeant sur le partage des gains entre actionnaires des anciennes compagnies maritimes en tenant compte des aléas de ce commerce, ce qui explique sans doute pourquoi Blaise Pascal fut contacté de biais pour résoudre mathématiquement ce genre de problème. On sait qu'Adam Smith avait écarté le risque comme explication du profit et qu'il s'était donc interrogé sur le mystère de sa genèse hors travail en concluant que « les capitalistes aiment moissonner là où ils n'ont jamais semé. » (éd. Sutherland, 1993, p 47). Empruntant à Lafargue l'idée de l'hégémonie du capital financier, von Mises posa le crédit spéculatif comme la forme parfaite du capitaliste, forme qu'il fallait encore parfaire en levant tous les obstacles la confrontant, notamment au niveau de la fluidité du marché du travail dûment abstrait de tout filet social.

L'effort de von Mises s'explique aisément par une autre façon. En effet, à l'époque, tous, même Pigou, convenaient que la « main invisible » capitaliste menait à d'énormes gaspillages sans pourtant répondre aux besoins essentiels des masses (voir son Socialism versus capitalism (1937). C'est là l'origine idéologique de son argumentaire concernant la possibilité du calcul économique. Bien entendu, l'argument est farfelu puisque Enrico Barone avoue que l'équilibre capitaliste est atteint par l'« anarchie » du marché - origine de l'anomisme libertaire de droite de von Hayek -, c'est-à-dire par le gaspillage sur large échelle. On sait, en outre, que bien avant l'émergence du système capitaliste, le gaspillage volontaire (squandering, en anglais) fut également théorisé comme une nécessité en vue de garantir la pérennité des inégalités de classe et de caste par tous les groupes et les loges les plus réactionnaires et les plus exclusivistes.

Von Hayek tenta ensuite de consolider la critique vacillante de von Mises en prétendant que le Plan se heurterait à une difficulté insurmontable, celle consistant à résoudre simultanément des millions d' équations simultanées. Ceci n'est pas seulement inepte mais s'avère être dérivé de la solution offerte par Tougan-Baranowsky au faux problème de la transformation des valeurs en prix de production, problème inventé de toute pièce par Böhm-Bawerk. Tougan-Baranowsky introduisit un secteur Or à coté des secteurs Moyens de production et Moyens de consommation. Ces deux secteurs fondamentaux avaient été théorisés par Marx suite à un monumental travail d'analyse pourtant sur le « revenu annuel » de Sismondi, sur les théories des Physiocrates et des tenants de l'économie politique classique et bien entendu sur le Tableau économique de Quesnay. Il le fait de manière purement artificielle afin d'obtenir le même nombre d'inconnues et d'équations permettant une résolution simultanée ; il pose donc l'Or comme unité de compte. J'ai démontré dès la fin des années 70 puis dans mon Tous ensemble que ceci était un subterfuge formaliste qui n'avait plus rien à voir avec l'économie et moins encore avec la loi de la valeur et les Schémas de la Reproduction de Marx. En outre, la monnaie étant un équivalent général elle doit elle-même être mesurée par le seul équivalent universel possible, à savoir la valeur d'échange de la force de travail. J'ajoute que le « marché des marchés » de Léon Walras pour lequel tout doit être liquéfié au préalable en forme monnaie n'est qu'une adaptation du fallacieux schéma de Tougan-Baranoswky. Suite à mes contributions ces argumentaires et les autres du même genre portent à rire. A date, je n'ai vu aucune tentative de réfutation me donnant le droit de réponse.

Mes schémas donnent les Equations de la Reproduction Simple (RS) et de la Reproduction Elargie (RE) de manière entièrement cohérente en quantités, valeurs, prix, heures et même en termes de travailleurs physiques pour peu que l'on prenne la peine de convertir leur contribution en « travail socialement nécessaire.» Ceci reste valable lorsque le taux de productivité change. Cette cohérence organique permet de poser la théorie quantitative marxiste de la monnaie sur la base de la distinction fondamentale entre masse salariale réelle et masse salariale sociale (incluant le coût de l'assurance sociale). Après 2007-2008, les banques centrales occidentales, dont la FED - la thèse de doctorat de Bernanke portait sur la monnaie et l'inflation … -, injectèrent des volumes énormes de liquidités dans l'espoir illusoire de créer une hyperinflation visant à faire payer les frais de la crise aux créanciers extérieurs. Bien entendu, c'est l'inverse qui s'est produit mais personne ne pipe mot. Relativement à l'austérité, Blanchard parle défensivement de simple erreur de calcul mais, au fond, il ne doit pas ignorer que c'est son paradigme de référence qui fait eau de toute part. Dans mon Livre III de 2005 intitulé Keynésianisme, Marxisme, Stabilité Economique et Croissance section Livres -Books du même site, la crise des subprime masquant une crise structurelle profonde était déjà précisément annoncée. Il suffit de vérifier « (utiliser le terme « montage» dans la fonction « rechercher » …)

Dans mon Précis d'économie politique marxiste on trouvera également une démonstration essentielle qui prouve l'universalité scientifique du marxisme. A savoir que les prix de marché restent surdéterminés par le Schéma de la Reproduction, c'est-à-dire par la « demande sociale ». Je démontre ainsi ce que Marx avait annoncé dès ses Manuscrits parisiens de 1844.

Contrairement au système de prix de von Mises, qui reste ontologiquement toujours post hoc, les schémas valeurs n'ont aucun besoin du choix des consommateurs dans le sens où l'entend Mises ou même Oskar Lange. Ils sont donnés ex ante et restent cohérents dans des paramètres donnés - autrement désignés comme « conditions morales » ou civilisationnelles. Si ces conditions changent - révolution etc.  - le système se réajuste mais le taux de profit, qu'il convient de ne pas confondre avec les volumes de profit menant à la concentration et à la centralisation du capital, restera identique pour toutes les fonctions de production indépendamment de leur productivité respective.

Oskar Lange souligne à juste titre les conditions paramétriques données historiquement. Lorsqu'un système socialiste se met en place, il hérite d'un équilibre général qu'il sait corriger en mettant à profit la fonction de production marxiste et les Equations de la RS et de la RE. En corrigeant pour au moins un cycle complet de reproduction en assurant le plein-emploi, on peut alors passer à un système valeur bien plus juste que le soi-disant système marginaliste à prix constants. On corrige parallèlement la RS-RE en privilégiant les besoins sociaux et les besoins individuels essentiels. Le système reste propulsé par la recherche à tous les niveaux, entreprise, branche, secteur et filière, de la productivité la plus grande possible, ce qui est favorisé par l'allocation collective de la plus-value sociale. En effet, la microéconomie ne saurait être indépendante de la macroéconomie, au contraire, bien que le marginalisme ne sache pas les conjuguer avec cohérence. La plus-value sociale caractérise d'ailleurs la forme dominante d'extraction de la plus-value dans le mode de production socialiste, tout comme la productivité en est la forme dominante dans le mode de production capitaliste ou encore la plus-value absolue pour les modes de production précapitalistes. La forme dominante d'extraction de la plus-value, ainsi que les « époques redistributives » qui dépendent d'elle, caractérisent un mode de production spécifique sans pour autant supprimer l'action subordonnée des autres formes d'extraction. Ces formes sont : la plus value absolue, la plus-value relative, la productivité ou plus-value relative exprimée structurellement plutôt que conjoncturellement et la plus-value sociale.

Le choix des consommateurs socialistes, individuellement et dans leur ensemble, ne se fait pas selon la logique narrative capitaliste. Les salaires étant égaux ou largement identiques - voir aussi Guesde sur cette question - les « prix » ne sont pas à marchander ; ce sont en fait des valeurs répondant exactement à la somme des valeurs des intrants dans la fonction de production (c + v +pv = p). Le revenu global net des ménages est calculé en fonction de la « structure de v » optimale à un moment donné, et le choix se fait donc sur ce que les consommateurs désirent pour assouvir leurs besoins. Ce processus résultera plus simple pour tous les consommateurs ainsi que pour le Plan à mesure que plus de substituts seront disponibles (beurre/margarine ; pâte/riz, café/thé, etc.). En cas de rareté relative le choix sera médiatisé par la disponibilité de ces substituts ou par la gestion socialiste de l'épargne individuelle ou encore par la fiscalité. On notera d'ailleurs que les courbes d'indifférence de Pareto fonctionnent avec un système prix immuable au moment des achats - à ce moment le consommateur sait et assume que ses actes ne modifieront pas la structure des prix, ce qui n'est pas sans soulever de sérieux problèmes pour la logique interne au niveau de l'équilibre général puisque nous serons sans cesse renvoyés à la contradiction ex ante/post hoc qui affecte toutes les variantes de la pensée économique bourgeoise. Les courbes d'indifférence des consommateurs ne sont pas seulement possibles en régime socialiste comme Pareto fut le premier à admettre, elles sont plus simples et plus efficaces. Les salaires et les revenus étant sensiblement identiques, la prédictibilité sera d'autant plus efficace alors que les Equations de la Reproduction permettront d'éviter le gaspillage systématique qui caractérise le mode de production capitaliste. Notons en outre que les courbes de Pareto et toutes les courbes d'offre et de demande marginalistes mènent à un système statique qu'il est impossible de dynamiser de l'intérieur. Les Marginalistes tentèrent de le faire de manière exogène par le crédit et l'épargne ou par l'introduction de la technologie telle que conçue par R. Solow. Dans le premier cas nous eûmes Keynes-Harrod-Kahn suivis par la normalisation paupérisante proposée par Hicks, Samuelson et Solow menant à ce qui fut appelé le « keynésianisme bâtard ». Une variante encore plus nocive fut offerte par le soi-disant « keynésianisme militaire » qui prit son envol avec la première crise industrielle d'après-guerre aux USA, menant tout droit au déclenchement de la Guerre de Corée pour aboutir ensuite aux gigantesques dépenses militaires qui caractérisèrent les Administrations Reagan et celles de ses successeurs croisés. Pour couronner le tout, il y eut von Mises et sa spéculation hégémonique menant à l'austérité institutionnalisée et au dévastateur « credit crunch » dont nous pouvons tous, particuliers ou hommes d'Etat, admirer aujourd'hui la redoutable efficacité … « scientifique »!

Le problème, si on peut le caractériser ainsi, se situe au niveau de la production. Dans cette dernière, la productivité maximum doit toujours prévaloir et être médiatisée par le Plan pour éviter les contractions sectorielles. L'innovation allant dans ce sens doit toujours être privilégiée, de même que le design, afin de satisfaire les besoins tout en tenant compte des goûts. Ici aussi les courbes d'indifférence sont plus simples à établir et sont plus efficaces. En effet, elles sont dressées selon des données cohérentes ex ante/post hoc, donc sur la base de la valeur d'échange. Elles sont éminemment prédictibles et le seront d'autant plus que de vraies et authentiques statistiques socialistes fondées sur la fonction de production marxiste et sur les Equations RS-RE, seront développées ce qui n'a rien à voir avec la confusion-piketty indigeste sur le sujet. Entrent en ligne de compte les choix portant sur l'allocation des ressources. De cette manière les courbes d'indifférence renvoient aux scenarios possibles de la Reproduction Elargie, ce qui à son tour renvoie à ce que j'ai appelé la « démocratie socialiste ». Tous ces scénarios, ou plans quinquennaux, seront optimum mais celui qui sera retenu découlera des choix exprimés démocratiquement. Il s'agit de trade-offs parfaitement maîtrisés. (8) La difficulté majeure mais non pour cela létale ainsi que le démontre l'expérience historique du communisme réel, restant l'insertion dans l'Economie Mondiale lorsque celle-ci reste encore sous dominance capitaliste - fixation du taux de change - en particulier si ceci est aggravé par un embargo.

En régime capitaliste ces choix sont surdéterminés par la propriété privée des Moyens de production, ce qui fait que l'optimum atteint est nécessairement fonction de l'inégalité de la redistribution des revenus et des richesses. De plus, la logique de la Reproduction qui inclut la stabilité monétaire, repose sur l'adéquation systémique de la « structure de v », c'est-à-dire sur la structure du « revenu global net » des ménages. Ce dernier comprend le salaire individuel et le salaire différé ; à ces deux s'ajoute la valeur découlant de l'accès citoyen aux filets sociaux et aux infrastructures publiques. Lorsque celui-ci est fortement inégalitaire, l'équilibre capitaliste sera un « équilibre des cimetières », y compris le cimetière des entreprises menées à la faillite par la surproduction coexistant avec la sous-consommation. Aujourd'hui, selon Zerohedge, aux Etats-Unis, 20 % de la population consomme 40 % des richesses produites et 40 % en consomme 80 %. Encore s'agit-il de richesses fortement redéfinies par le poids débilitant de la spéculation. Cette situation est socialement et économiquement catastrophique d'autant plus qu'elle se heurte maintenant à l'émergence autonome de concurrents, par exemple les BRICS.

Notons que si le PIB marginaliste américain augmente de manière factice sous l'effet démographique, et surtout du fait des privatisations toujours plus poussées des services et des infrastructures publics - par exemple le poids de l'Obamacare -, ceci ne doit pas nous faire oublier que le taux officiel relativement faible du chômage cache un catastrophique taux réel supérieur à 23 % . Ce taux catastrophique va de pair avec un taux de participation de la force de travail active se situant à 55 %, le taux le plus bas depuis au moins 35 ans ! De surcroît, la croissance du PIB marginaliste repose également sur l'explosion du secteur financier, particulièrement spéculatif, secteur déjà responsable de la crise des subprime. Cette crise n'est que la pointe de l'iceberg d'une crise économique structurelle bien plus débilitante sur le long terme que ne le fut celle de la Grande Dépression. Dans une optique, disons spenglerienne, les USA et l'Occident en général suivent la pente déclinante de l'empire britannique et de sa toute puissante City, après 1939, lorsque les USA et Wall Street le détrônèrent.

La logique marxiste de la Reproduction mène donc à la satisfaction optimale choisie des besoins sociaux et individuels, y compris pour le temps libéré, grâce à la productivité amplifiée par l'utilisation macroéconomique de la « plus-value sociale ». Le temps libéré joue également un rôle fondamental dans l'émancipation individuelle et collective, c'est-à-dire dans l'épanouissement des personnalités garanti par la constitution et par la démocratie socialistes encore informées par la théorie marxiste de la psychoanalyse. (9) Il ouvre aussi la porte à la production de valeurs non marchandes, donc à une culture et à une psychologie différentes signant la fin de ce que Hobbes avait nommé la « mentalité acquisitive.»

En fait, l'accumulation de la vraie richesse des Nations caractériserait le socialisme puisque les besoins seraient d'abord satisfaits par des produits massifiés. Ensuite, le renouvèlement des parcs serait affaire de produits de qualité manufacturés en « short runs » ou par l'artisanat socialiste. L'écomarxisme permet d'intégrer le respect de l'environnement - principe de précaution - ainsi que la saine gestion des ressources. La nature et le cycle de vie des produits seraient pensés en fonction du recyclage optimum. Il n'y aurait pas d'obsolescence capitaliste programmée des marchandises pour forcer le renouvèlement rapide des parcs existants en tentant ainsi de maintenir artificiellement les débouchés internes à la production et les profits privés qui en découlent. Les produits massifiés répondant à une logique d'urgence relative, leur cycle de vie serait pensé en conséquence. Les produits de qualité auraient nécessairement un cycle de vie plus long, ce qui dans le moyen et long terme permettrait des économies considérables de ressources sans nuire à l'expression du goût personnel, chose qui aujourd'hui est l'apanage des seuls riches. A part le recyclage, les ressources nécessaires seront assurées par le renouvèlement artificiel ou naturel des réserves disponibles, et par le développement de substituts massifiables. Moyennant un zonage agricole sévère et une agriculture socialiste reposant sur la rotation des sols etc., ceci peut mettre en cause le domaine agricole (biofuels, latex etc.), sans danger pour la souveraineté alimentaire - à ne pas confondre avec la sécurité alimentaire monétariste - ou pour la santé. Comme par ailleurs toute société moderne repose sur la transformation, plus une société se dotera de surplus alimentaires et énergétiques, plus elle aura de flexibilité. Par exemple, la filière civile des centrales à sels fondus qui sont également capables de brûler certains déchets nucléaires, dont le plutonium, devrait faire l'objet d'un examen attentif. (10)

Le choix des occupations ne poserait aucun problème puisque l'éducation, informée par une pédagogie moderne (11), serait accessible à tous tout le temps dans le cadre de cycles récurrents de la RTT, etc. J'ai déjà discuté de cette question en divers endroits, par exemple dans le chapitre sur le socialisme cubain dans mon Livre II ( idem) ou dans la section de mon site consacrée à Cuba et dans mon Précis. L'égalité du revenu global net des ménages devrait être la finalité à atteindre ; la diminution drastique des écarts salariaux, pouvant être au maximum de 3, serait de toute manière appuyée par le développement des politiques sociales, culturelles, sportives etc.

Cette politique socialiste des revenus ne porterait nullement à une désincitation au travail. Nul besoin de ce que Lange appelle le « dividende sociale », ou si l'on veut la forme marginaliste de l'incitation matérielle. Le plein-emploi serait la norme. De plus, la gestion socialiste des ressources humaines ne repose pas sur une pédagogie coercitive mais plutôt sur une pédagogie positive, pour reprendre l'expression de Gramsci. Elle mettrait en oeuvre l'émulation socialiste (Hô Chi-Minh). La gestion ou management serait collective, les comités d'entreprise généralisés et puissants, le tout dans le cadre de la démocratie industrielle et économique au sein du Plan. Se crée ainsi une culture de l'autodiscipline et du contrôle démocratique participatif à plusieurs niveaux. Le socialisme met en scène le travailleur collectif. Tout particulièrement au niveau du procès de production immédiat, les équipes de travail exerceraient naturellement la pression requise entre pairs mesurée par le quota de production assigné à chaque équipe qui voit à son exécution collective et individuelle. Les équipes peuvent ainsi jouer sur la répartition des heures supplémentaires, l'allongement de la journée de travail pour rattrapage dans le cadre légal prévu - ce qui vérifie également les données tayloristes et ergonomiques -, les journées de maladie, la durée des congés, le tout en regard des résultats à atteindre, lesquels sont déterminés collectivement au niveau des entreprises, des branches et des secteurs. De fait, c'était-là la grande contribution de Mao Zedong avec les brigades et les communes intégrées dans une planification administrativement décentralisée et bidirectionnelle. Les cercles de qualité japonais ainsi que les chaînes de montage suédoises des années 70 et 80 permettant un contrôle des rythmes par les ouvriers eux-mêmes s'en inspirèrent en partie pour améliorer la productivité (moins de porosité, moins de jours de maladie, moins d'absentéisme, soucis général de la qualité etc.) De toute manière, les cycles récurrents de la RTT joueront leur rôle d'allègement. Le système reposera également sur la garantie offerte par les trois formes du revenu des ménages préservées par une bonne définition de l'anti-dumping. Ceci permettra également d'institutionnaliser l'épargne socialiste grâce aux Fonds ouvriers, aux Fonds de productivité et aux livrets d'épargne individuels.

Ce faisant le mode de production socialiste distinguera entre Domaine de la Nécessité (Plan et démocratie industrielle, économique et sociale) et Domaine de la Liberté garanti par la constitution socialiste et par le centralisme démocratique. Au risque d'être redondant, cette transition socialiste a pour vocation l'établissement d'un communisme libertaire.

J'ajoute que mon oeuvre fut écrite envers et contre tout et tous malgré un harcèlement barbare, intense et intrusif perpétré 24 heures sur 24 durant des décades, sans épargner ma famille. Fin 2013, j'avais entrepris de corriger les fautes ainsi que la syntaxe de mes textes, en respectant le texte initial toujours résultat d'un premier jet. Cette écriture et mise à disposition rapides étaient nécessaires pour protéger mon travail des vols online menant à des plagiats renversés, vols allant de pair avec de multiples manipulations pathologiques de criminels dégénérés abusant de cette surveillance philosémite nietzschéenne, par ailleurs gratuite et illégale. Après un an de travail ma clé USB devint soudain inutilisable - sans doute par effet du même harcèlement - et je n'ai pas réussi à faire récupérer mes textes corrigés. Je n'ai pas le courage de recommencer ce travail tout de suite puisque je dois mener à bien la rédaction du chapitre concernant la planification. Ceci en guise d'excuses. Malgré tout je crois que mes textes méritent d'être lus.

J'affirme, jusqu'à preuve du contraire me donnant le droit de réponse, que le marginalisme est une narration socialement et économiquement nocive, et que seul le marxisme, corrigé par moi pour la loi de la productivité dûment intégrée dans les Equations de la RS et RE, a valeur de science dans cette discipline. Il faut encore développer des statistiques socialistes sur cette base scientifiquement élucidée. Puisque semble s'ouvrir un débat sur le pluralisme dans la discipline (12) - à quand un débat sur ses assises scientifiques ? - je me permets de souligner que les recteurs sont eux-mêmes tenus par la déontologie académique. A moins qu'ils ne se posent consciemment comme des imposteurs favorisant et propageant vénalement des narrations tout en étant payés sur fonds publics, y compris en grande partie lorsque les universités, les Fondations et les Ecoles ont malheureusement été privatisées.

2) A propos de la démocratie socialiste.

Après l'exposition qui précède, la supériorité de l'économie politique marxiste me semble patente. Elle est seule à pouvoir prétendre légitimement au statut de science dans le domaine économique. Les tenants du marginalisme ne sont que des faussaires entretenant une narration qu'ils savent pertinemment, ou bien qu'ils devraient savoir, être la conséquence de falsifications successives visant à maintenir sa plausibilité pour des raisons qui relèvent strictement de la domination de classe et de caste. Von Mises lui-même était un juif autrichien libéral-fasciste qui n'a jamais renié ses convictions exclusivistes et inégalitaires, même après l'Anschluss alors qu'il dut s'enfuir d'Autriche (13). Il doit également être clair que prêter foi au « marginalisme socialiste », autrement dénommé « socialisme de marché », pour bâtir le socialisme revient à s'enchaîner soi-même dans la caverne capitaliste et à se plaindre ensuite d'être aveuglé par la lumière du soleil lorsque l'on a obtenu la permission d'une courte promenade à l'extérieur sous stricte surveillance !

Il en va de même pour la supériorité de la démocratie socialiste, dont de nouvelles formes restent à inventer, sur le pluralisme bourgeois surdéterminé par l'argent et par la présélection maçonnique inégalitaire. Cette dernière est fortement teintée d'exclusivisme et masquée sous les oripeaux d'une « méritocratie » de classe que la Loi des Grands Nombres fait immédiatement ressortir comme étant fonction de l'argent et des connections familiales.

Oskar Lange lui-même affirmait la supériorité du socialisme dans ce domaine tout en s'appuyant sur son marginalisme socialiste. Il faut dire à sa décharge que Lange argumentait en faveur de l'égalité salariale et de la prise de possession collective rapide de la propriété des moyens de production. Il ne croyait pas en une transition progressive car il était convaincu de la subordination effective du gouvernement au grand capital. Ces positions tranchées expliquent sans doute pourquoi Staline s'employa pour l'attirer à l'Est, bien qu'il ne concédait lui-même rien aux théories bourgeoises en matière de planification socialiste. (14)

Ainsi Lange note joliment que la liberté des consommateurs est plus grande en régime socialiste du fait de l'égalité des salaires allant de pair avec une planification privilégiant les besoins sociaux. En régime socialiste, affirme-t-il, le consommateur n'aura pas à choisir de sacrifier des besoins de première nécessité pour payer ses soins de santé ou son éduction ou vice-versa. De même, pour autant que l'opération du Plan soit transparente, aucune mauvaise allocation chronique des ressources ne serait tolérée par les citoyens. Cette idée de transparence est cruciale. En parallèle avec les divers comités, soviets, communes etc. établis respectivement à tous les niveaux, et avec le droit de rappel énoncé par la Commune de Paris pour responsabiliser les représentant élus, cette transparence s'avère être fondamentale pour la démocratie socialiste. En effet, le pluralisme bourgeois fonctionne souvent en secret comme un Comité d'administration d'une grande entreprise.

Là où le schéma bien intentionné de Lange échoue c'est au niveau des statistiques et des processus marginalistes. A quoi servirait, en effet, une telle transparence si les données sont ontologiquement fausses alors que les choix de planification seront faussés par elles et par les théories marginalistes qui ne peuvent même pas concevoir l'équilibre général ni la théorie quantitative marxiste de la monnaie et du crédit ? Car les choix sont informés par l'expectative théorique de leurs conséquences escomptées. Cependant le concept reste utile s'il est corrigé en tenant compte de la fonction de production marxiste et des Equations de la RS-RE. Car alors on sera capable de dériver de vraies données statistiques en termes quantités, valeurs, prix, heures etc., et ce de façon cohérente. Le recueil et l'articulation de ces statistiques socialistes permettront la confection de scenarios de Reproduction Elargie à soumettre au choix des citoyens et de leurs groupes (assemblée nationale ou le cas échéant régionale ou communale ; comités de direction d'entreprise ; comités d'entreprises, comités d'académiciens et d'experts nourris par l'éducation continue socialiste, comités de consommateurs …) La démocratie socialiste élimine le pluralisme politique de classe - partis liés aux différentes factions des possédants - et le remplace par le centralisme démocratique exprimé par le Parti mais surtout elle opère le transfert du pouvoir vers le pluralisme social spécifiquement centré sur les opérations administrativement décentralisées et participatives du Plan. Ainsi s'ouvre la voie au dépérissement de l'Etat bourgeois transcendant celui-ci en un Etat socialiste bien plus horizontal.

Notons, en outre, que ces statistiques socialistes scientifiquement fondées sont très versatiles du fait de la puissance de la fonction de production marxiste qui conserve la cohérence de ses termes d'expression quantités, valeurs, heures, ouvriers physiques etc. L'approfondissement de la productivité, bien qu'étant toujours privilégié, ne modifiera cependant pas pour autant le taux de profit. On sait qu'en l'absence de chocs paramétriques, ce dernier est donné systémiquement bien que les volumes de profits changent. De plus, ces statistiques représenteront un authentique chiffrage en valeur des intrants des diverses fonctions de production ; aujourd'hui, le recueil de ces données pourraient donc se faire online moyennant les codes-barres. Il en dériverait une puissance énorme de traitement des données pour le Plan.

Moyennant quelques algorithmes, ce dernier pourra procéder très rapidement aux agrégations désirées et procéder à diverses simulations pour tester les scénarios de RE proposés aux choix des citoyens. On conservera les deux secteurs conçus par Marx, le secteur des Moyens de production ( Mp) et le secteur des Moyens de consommation (Cn). Mais on sera à même de concevoir tous les sous-secteurs possibles et d'en vérifier la fonction et l'impact dans le Schéma RS-RE général. De plus, les autres agrégations intersectorielles cruciales, mettant en cause par exemple les filières, seront facilement analysables. Il en va de même de la monnaie - masses salariales réelle et sociale - permettant de médiatiser les effets monétaires et de concevoir la gestion du crédit socialiste nécessaire pour fluidifier et potentialiser les circuits mis en jeu par la RE. Le plus délicat restant sans aucun doute la gestion du taux de change, du moins tant que l'insertion d'une Formation sociale socialiste devra se faire au sein d'une Economie Mondiale encore sous dominance capitaliste.

Les règles principales d'optimisation de la RE sont les suivantes. Premièrement l'adéquation du secteur des Mp pour Mp selon les buts et le rythme de développement que l'on s'est fixé ; ceci affectera le taux de réinvestissement selon la loi donnée dans mon Précis. Deuxièmement, l'adéquation de la « structure de v » à la complexification progressive du système productif ; c'est le côté disons « fordiste » systémique du système. Troisièmement, le niveau de satisfaction des citoyens. On sait que durant ses tournées sur les lieux de travail, Staline demandait toujours à ses interlocuteurs si l'on était un peu plus heureux qu'auparavant. Les besoins sociaux et de qualité étant privilégiés par la Planification socialiste, on comprend le sens profond du critère de jugement utilisé par le grand camarade Staline.

On voit que ces statistiques ou comptabilité marxistes, tant au niveau des entreprises que du Plan, n'ont plus rien à voir avec les approximations et les tâtonnements de la comptabilité centralisée marginaliste de Lange. Encore que l'on en retiendra l'idée pratico-pratique ingénieuse de la gestion des flux d'offre et de demande via le simple contrôle des étagères des magasins; idée qu'il reprend de Fred Taylor en l'élaborant. Puisque l'on a une idée de départ des quantités de biens normalement requis selon les saisons etc., l'état d'approvisionnement des étagères fournit de bons feedbacks qui ne demanderont qu'à être conjugués avec une bonne gestion des stocks sur tout le territoire et une bonne réactivité au niveau de la production. De fait, le développement de la gestion moderne des stocks et des indices marginalistes en ont été fortement influencés. Rappelons que les bandelettes à noeuds incas constituaient des outils très puissants et versatiles en ce sens, ce que les anthropologues ont confirmé dernièrement.

Venons-en maintenant à la démocratie socialiste proprement dite, c'est-à-dire entendue comme procès de prise de décisions institutionnalisés. Je renvoie ici au chapitre portant sur le socialisme cubain de mon Pour Marx, contre le nihilisme ; il ne doit être modifié qu'à la marge afin de ne pas confondre les consultations internes au Parti, effectuées selon le centralisme démocratique, avec le pseudo-pluralisme politique bourgeois. En réalité, la démocratie socialiste consiste à subordonner le pouvoir et les institutions politiques à l'institutionnalisation des inputs sociaux dans la vie économique. Ceci s'accomplit en tout premier lieu par l'intermédiaire du Plan, c'est-à-dire par le contrôle collectif de l'allocation de la plus-value sociale en vue de satisfaire les priorités collectivement déterminées, processus qui s'accomplit dans le respect de la loi de la valeur et des Equations de la RS-RE.

Voir également la Section Pour le socialisme cubain dans www.la-commune.paraclet.com .

En ce qui concerne la distinction primordiale entre Domaine de la Nécessité et Domaine de la Liberté on se reportera à mon Précis d'Economie Politique Marxiste librement accessible dans la Section Livres-Books du même site. Nous aborderons ci-dessous cette problématique sous un angle nouveau.

En discourant de la supériorité de la démocratie socialiste Oskar Lange se préoccupait surtout de réfuter les accusations de von Mises et d'Hayek (Road to serfdom ainsi les autres arguments démagogiques et creux de cet ordre.) Lippincott synthétise ainsi son argument :

« Si l'égalité est une caractéristique fondamentale de la démocratie, il en va de même de la liberté. Dans ce domaine également une économie socialiste s'avère être en plus grande harmonie avec la démocratie qu'une économie capitaliste. Car du fait d'une distribution plus égalitaire des revenus, la liberté de choix des consommateurs sera plus libre. Alors que dans une économie capitaliste plusieurs doivent choisir entre un manteau et une paire de souliers, dans une économie socialiste la plupart pourront choisir entre une radio et un téléphone.

On rétorquera sans aucun doute que la propriété publique d'une grande partie de l'industrie ouvre la voie à la dictature. Le corolaire de cet argument voudrait que la propriété privée soit un rempart contre la tyrannie. La critique spontanée de ces arguments pointera certainement au fait que la forme de propriété en elle-même, qu'elle soit publique ou privée, ne saurait promouvoir ni empêcher la liberté. Ce qui est crucial est le caractère de l'autorité en charge de l'administration, ou bien la façon dont l'exercice de cette autorité est contrôlée.

(…)

Aujourd'hui s'il est un lieu où cette tyrannie prévaut c'est bien au sein des Etats démocratiques dans lesquels prévaut la propriété privée de l'industrie. Là le pouvoir est exercé de manière autocratique et sans état d'âme. Il est vrai que la propriété privée des moyens de production empêchera que le gouvernement ne tyrannise l'industrie ; en même temps, elle permet à l'industrie de dominer le gouvernement et de tyranniser les ouvriers. Du fait de cet état de choses, la propriété gouvernementale des industries essentielles mises en place par un gouvernement démocratique offrira le moyen de supprimer l'autocratie au sein de l'industrie. » (Op. cité, 32-33. C'est moi qui traduis.)

L'argumentaire de Lange porte ensuite sur l'autorité administrative - la bureaucratie. Elle se doit d'être responsable et de s'en assurer en institutionnalisant la consultation entre le management et les travailleurs :

« Une industrie socialisée travaillerait sous l'oeil du public qui aurait accès aux documents. Il est peu d'autres mesures à même comme celle-ci pour assurer la responsabilisation des diverses instances. Là où l'industrie est publique, les mesures relevant du calcul économique, toutes approximatives qu'elles puissent être, sont réellement possibles. Ceci assurerait l'efficacité ainsi que la responsabilité. » (idem p 34)

Lange ajoute que ceci mènerait à une réelle méritocratie dans le cadre de l'égalité salariale en lieu et place de la pseudo-méritocratie bourgeoise.

Nous analyserons ici plus en détail la notion de « rempart contre la tyrannie » car elle implique une relation essentielle entre société civile et société politique, tant dans la société bourgeoise que dans une société en transition vers le communisme. Ce dernier se voulait justement porteur du dépérissement de l'Etat bourgeois à ne pas confondre avec l'Etat en soi. Cette transition forme le coeur de ce que j'appelle la démocratie socialiste et devrait porter à ce que j'ai appelé, d'une manière volontairement redondante, « le communisme libertaire ».

Notons au préalable qu'à partir du moment où la bourgeoise fut contrainte de concéder le vote universel et secret, les Loges maçonniques en perdirent la tête de manière hystérique. Il suffit pour s'en rendre compte de se reporter à l'exemplaire dénonciation d'Edmund Burke et de sa Tradition par le grand révolutionnaire américain Thomas Paine dans son Rights of Man (voir http://www.ushistory.org/paine/rights/ ). Ou encore à la peur panique ressentie par Nietzsche face à la force du nombre. Elles commencèrent aussitôt à conceptualiser et à mettre en place un système que, tout Whig qu'il se proclama, Sydenham résuma succinctement. Il le fit après que Durham eût écrasé dans le sang la révolte des Patriotes dans le Dominion nord-américain. Whig bien sûr, mais lui aussi nourri dans la meilleure Tradition britannique, Sydenham proclama qu'il fallait «accorder l'apparence de la démocratie mais non la démocratie elle-même. »

Ce système fut peaufiné à tous les niveaux politique, social, académique et culturel. Les élections sont sujettes au découpage opportuniste des circonscriptions électorales et aux modes de scrutins adoptés sur mesure. Elles furent soumises au pouvoir de l'argent, de la presse privée et des médias. L'avancement et la mobilité sociale dans cette démocratie bourgeoise furent et restent soumis aux rites de passage au sein des universités et des Grandes Ecoles opérant selon une pédagogie et des syllabus strictement bourgeois. Le reste est du même tonneau. De sorte que le système fut bouclé préventivement alors que la propagande démagogique s'ingéniait à le présenter sous le jour d'une « société ouverte ». Le système des partis aux Etats-Unis, plus transversal que bipartisan, reconnaît publiquement être fondé sur un même « mind set», c'est-à-dire sur une vision du monde partagée. Il est aujourd'hui émulé avec un zèle de domestique d'intérieur en Europe. Il n'y a pas si longtemps celles et ceux qui ne le partageaient pas été persécuté-e-s pour tendance « un-American ». Aujourd'hui, dans l'optique exclusiviste croisée entérinée par le Patriot Act, la situation a empiré dramatiquement. Les groupes sociaux de Yahoo qui furent ignominieusement censurés sans préavis en témoignent ! (Voir l'article « Yahoo, la liberté d'expression et sa fiscalité » 14 déc. 2014, dans la Section Economie Politique Internationale de mon site www.la-commune-paraclet.com .)

La démocratie bourgeoise n'est donc qu'une démocratie de façade sous stricte surveillance. Après que j'eusse dénoncé cet état de chose inacceptable à maintes reprises depuis la lointaine création de mon site, Piketty se mit en devoir de vérifier. Il en fournit une excellente illustration dans son livre autrement inepte intitulé Le Capital au XXI è siècle - on se reportera à ma critique dans la Section Critiques de Livres-Book Reviews de mon site www.la-commune-paraclet.com ) Voici la citation qui vaut son pesant d'or :

« En 1872, Emile Boutmy créait Sciences-Po en lui donnant une claire mission : « Contraintes de subir le droit du plus nombreux, les classes qui se nomment elles-mêmes les plus élevées ne peuvent conserver leur hégémonie politique qu'en invoquant le droit du plus capable. Il faut que, derrière l'enceinte croulante de leurs prérogatives et de la tradition, le flot de la démocratie se heurte à un second rempart fait de mérites éclatants et utiles, de supériorité dont le prestige s'impose, de capacités dont on ne puisse pas se priver sans folie. »» Dans Boutmy, Quelques idées sur la création d'une Faculté d'enseignement supérieur, 1871 (sic), cité dans Piketty (2013, p 782.)

Notons au passage que le républicain Boutmy parlait encore en termes de mérite réel et utile testé par des examens. Il ne lui serait jamais venu à l'idée un système reposant sur des écoles privées sélectionnant leurs étudiants sur la base de leur « pedigree » et de leur capacité à payer des frais d'inscription excédant de très loin le salaire médian. Yale avec ses Skulls & Bones en fournit une illustration indiscutable de sorte qu'il suffit de regarder la liste des Présidents et des hauts dirigeants des Etats-Unis pour vérifier. En ce qui concerne les arguments de Lester C. Thurow à propos de la compétition et de l'importance de l'enseignement, on notera simplement que le MIT est lui-même contraint de tirer partie du brain drain ! Pour le reste les libéraux-fascistes partageant les mêmes origines que von Mises sont grotesquement surreprésentés partout et mènent les USA dans une voie spéculative autodestructrice. Ils le font également aujourd'hui pour la France, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande, la Grèce et l'UE en général. La destruction causée est pour le moins aussi rapide que celle qu'ils perpétrèrent en Russie sous Eltsine grâce à des Jeffrey Sachs et à des de Boissieu. En 7 années le désastre fut consommé, mais il en fallut bien plus à la Fédération Russe pour se ressaisir, ce qui explique sans doute pourquoi les mêmes forces essayent encore aujourd'hui de la déstabiliser dans l'espoir de la dépecer comme jadis l'Empire Ottoman. Sultan à la place du Sultan : la singulière pathologie lunatique de Zévi qui n'est malheureusement pas pour autant individuelle ! (v. Scholem à ce sujet.)

Quoiqu'il en soit, il est déjà clair que ce débat entre penseurs bourgeois et « penseurs socialistes » joua un rôle fondamental dans ce qu'il est convenu d'appeler les « conquêtes populaires », à la suite du Marx des écrits historiques portant notamment sur la France. En particulier, nous noterons ici l'influence de la Planification bolchévique sur le développement des statistiques bourgeoises. Kuznets connaissait bien le régime soviétique tout comme Leontiev. Il en va de même pour la progression de ce qu'il est convenu d'appeler la « démocratie industrielle » progressant hors de sa forme Censitaire. On se souviendra ici du « trained gorilla » dûment exclu du scrutin par Friedrich Taylor mais accédant ensuite à une forme bourgeoise quelque peu plus démocratique avec Darhendorf ou même avec les nixoniens Dunlop et Kerr.

La vérité est que la progression rapide du bien-être des travailleurs soviétiques força les régimes capitalistes à concéder des droits minimum aux travailleurs. D'abord suite à la création de la tripartite et « monarchique » OIT, puis avec le développement des relations de travail et de la soi-disant démocratie industrielle. Suite au démembrement de l'URSS et à la disparition du défi politique et économique qu'elle incarnait, les héritiers du libéral-fasciste von Mises, trop souvent de la même origine, essayent maintenant de renverser la vapeur. Ils tentent de le faire sur tous les fronts sans exempter la distribution des revenus et de la richesse. Des gens comme Piketty et ses collègues à Harvard et ailleurs initièrent leurs falsifications des statistiques sur la base d'une idée simple, à savoir le retour à une distribution des revenus antérieure à la Révolution bolchévique et antérieure également à la mobilisation de guerre de 1914. Ils prétendent présenter ceci comme une politique progressive bien que leur cri de guerre « taxer le capital » n'est, de leur propre aveu, qu'une « utopie » utile. Il est vrai qu'elle permet de fourvoyer les masses en les distrayant des vrais problèmes qui les confrontent ainsi que le mode de production capitaliste, et qui confrontent plus spécialement le capitalisme spéculatif et philosémite libéral-fasciste aujourd'hui hégémonique.

Il suffit de lire le livre Socialism de von Mises pour trouver la première exposition complète des arguments lunatiques qui informent les politiques monétaristes actuelles. On notera au passage un trait typique : ce raisonnement n'est pas un raisonnement positif partant d'une réalité capitaliste à appréhender, mais émane de la méthode de la « déconstruction » devant mener à la fabrication d'une narration contraire mais plausible. Cet éloge de la spéculation systémique normalisée inclut le démantèlement du système public de santé au prétexte que - von Mises le dit le plus sérieusement et le plus nietzschéennement du monde - ce régime public cause la maladie en même temps que la tendance à abuser des arrêts maladies, puisqu'en réalité (sic !) la maladie est affaire de psychologie et de volonté (voir entre autres p 476). Une telle croyance a pourtant l'avantage d'être en syntonie avec la théorie développée ensuite par Robert Solow et al., à la faveur de la falsification initiale de Keynes par Hicks etc. Pour ces soi-disant « néoclassiques » vulgairement malthusiens, l'équilibre économique ne pouvait réellement émerger que sur la base du niveau physiologique des travailleurs, ce niveau étant lui-même élastique comme en témoigne la longévité moyenne d'environ 40 ans d'un demi-milliard de Dalits, et ce à l'heure du capital du XXIè siècle !

J'ai déjà alerté sur le fait que, dans un tel contexte, la longévité moyenne en Occident risque de subir un coup d'arrêt et même, en certains cas, de se renverser. Il y a de cela quelques années Le Monde diplomatique analysait la situation de la ville de Glasgow, ancienne capitale industrielle. La longévité moyenne n'y était plus que de 59 ans. Voici quelques mois la remise à jour montra que la situation s'était encore dégradée pour atteindre le niveau le plus bas en Europe (54 ans pour les hommes et 75 pour les femmes). La volonté dont parle von Mises est très exactement celle du libéral-fasciste concevant, sans état d'âme, les nouvelles classes de « chandala » - mot de Nietzsche - tout en ignorant de nouveau les leçons de l'Histoire. Ce qui le porte à se concevoir de nouveau, quoique de façon improbable, comme membres des nouveaux maîtres du monde !!! Ce qui aurait fait rire Suétone et Titus, pour ne rien dire de Shakespeare après son examen rigoureux de la question …

Examinons donc brièvement la relation entre Socialisme et Liberté.

Comme toujours il nous faut prendre soin de clarifier le sens des termes utilisés. Lorsque l'on parle de Liberté il existe deux sens possibles.

a) Un sens égalitaire dérivé de la tradition scientifique pythagoricienne.

b) Un sens inégalitaire dérivé de la pensée obscurantiste-théocratique avec ses élections exclusives divines, racistes, tribales et de castes. En Occident, ceci nous renvoie à un Ancien Testament rabbinico-obscurantiste que Baruch Spinoza, qui en fut victime malgré lui, qualifia de « délire rabbinique ». Ce filon connu diverses imitations et réélaborations allant de la Tradition inégalitaire anglaise - Burke et tant d'autres - à sa version revisitée après la découverte du système de caste indou par les services de sécurité militaires qui l'utilisèrent d'abord pour « diviser et conquérir » les peuples coloniaux puis, très rapidement, leurs propres classes nationales. Cette importation alla de pair avec celle de nombreux éléments mythologiques et ethnologiques souvent réservés aux loges et aux élites.

Dans la marche de l'Occident à l'émancipation ces deux sens ont malheureusement fini par être confondus. En effet, la réalité du capitalisme tenait dans le second sens alors qu'il fut contraint d'invoquer le premier pour forger son alliance avec les autres classes subalternes. Ceci était nécessaire pour pouvoir mener à bien sa révolution sociale et établir son hégémonie.

Nous pouvons résumer ceci en montrant la confusion qui persiste dans la compréhension de du point de vue de Montesquieu et de la Constitution américaine plus lockéenne.

a) La tradition pythagoricienne égalitaire et scientifique. Elle atteint un sommet avec la traduction de l'Impératif kantien dans le premier article de la première constitution républicaine française. Bien entendu, Kant avait clarifié la base épistémologique et méthodologique de la pensée humaine, plaçant ainsi la science sur un socle solide. Il appartiendra à Marx d'historiciser cette pensée scientifique (investigation, exposition menée à bien sur la base du « concret pensé » …) Le premier article énonçait que la liberté des uns s'arrêtent là où commence celle des autres. Dans la Sainte famille Marx analyse l'importance de cette conquête politique et laïque et montre qu'il ne s'agit-là que de deux aspects du Triptyque de l'émancipation humaine antithétique à toute forme d'exclusivisme. Il implique la liberté religieuse ou mieux la liberté de conscience avec l'Etat laïque ; la liberté politique avec l'égalité formelle des citoyens ; et enfin la liberté humaine impliquant pour sa part l'égalité réelle entre êtres humains reposant sur l'émancipation individuelle et collective.

Le second volet du Triptyque montre que la Liberté va de pair avec l'émancipation individuelle et sociale tout en demandant à être complétée par une nouvelle « révolution sociale » selon le mot de Trotski pour mener à terme ce qu'avait initié la révolution politique républicaine.

Kant et la Première constitution française représentent l'aboutissement de la loi naturelle et de la philosophie qui va de l'Antiquité - disons pour l'Occident de Pythagore à Platon et aux Romains universalistes comme Sénèque - jusqu'à Leibnitz, Spinoza et Kant en passant par la contribution fondamentale de Giambattista Vico et son « diritto delle genti ». Elles clarifièrent la pensée encore confuse de Pufendorf et de Grotius, encore tous deux liés au droit divin et à celui des conquêtes impériales, alors même qu'Aristote avouait déjà en son temps que l'esclavage et la subordination n'étaient pas des états naturels mais dérivaient du hasard de la guerre. Le point d'arrivée conceptuel et théorique définitif de cette ligne de pensée se trouve dans la dénonciation de l'exclusivisme (La Question juive dans la Sainte Famille) par Marx et dans sa présentation du Triptyque de l'émancipation humaine devant être réalisé par le communisme tel qu'annoncé concrètement par la Commune de Paris en 1871. Leibnitz et de Spinoza ont des points de vue opposés, Leibnitz étant un croyant et un Rosicrucien alors que Spinoza annonçait l'athéisme moderne avec sa natura naturans. Pourtant, une simple lecture cursive de ces deux auteurs ou de Kant montre que la Liberté n'est pas conçue comme l'imposition arbitraire de la volonté d'un individu sur les autres mais plutôt comme l'autoréalisation des individus et de la société toute entière grâce à l'accès égalitaire aux conditions matérielles nécessaires pour ce faire. Ceci incluant également les conditions conceptuelles, culturelles et institutionnelles. Cette conception aboutit au Triptyque de l'émancipation humaine de Marx et à sa Critique du programme de Gotha. Cette critique élaborée à la lumière de mes clarifications du Capital loi de la productivité dûment intégrée dans les Equations de la RS-RE mène à la planification scientifique socialiste.

b) La « liberté » rabbinique-burkéenne-nietzschéenne. Comme chacun sait le rabbinat émergea historiquement dans la foulée d'une usurpation monarchique après l'assassinat mythologique du Grand prêtre. Il s'institua dès le départ comme Gardien de l'inégalité entre les tribus hébreuses et entre les Hébreux et les Gentils au nom d'une exclusive élection divine. Dans l'état de mes connaissances, je ne connais aucun autre texte sacré dans toute l'histoire des religions, à distinguer des sectes les plus pernicieuses et les plus nocives, qui soutienne une telle prétention raciste-théocratique dangereuse doublée d'un obscurantisme systématique visant à bloquer la voie de la science (la pomme défendue) tout en imputant ce crime à dieu. Alors que le Coran condamne la violence sauf en cas de légitime défense ainsi que l'enseigne la loi naturelle, la bible hébreuse et en particulier le Livre des Rois fait l'apologie de la guerre et du génocide de tous les peuples présents dans la soi-disant « terre promise ». Les textes indous ne confondent pas race et caste mais tentent au contraire d'universaliser le système de caste du fait de la forte pluralité ethnique du sous-continent. L'unique système comparable serait la narration, elle aussi viscéralement obscurantiste, de Nietzsche et sa prétention à créer culturellement et militairement une « race » de surhommes. Bien entendu, le rabbinat évolua lui-aussi historiquement. Des tentatives pythagoricienne (christianisme) ou autres ( par exemple, les mormons) furent tentées pour en extirper l'exclusivisme raciste, obscurantiste et sectaire de l'intérieur. Mais, dans le meilleur des cas, cette croyance raciste-théocratique défendue par le rabbinat ne se dément jamais et se voit uniquement pondérée par la thèse passablement opportuniste et self-serving, selon laquelle l'élection exclusiviste demeure mais « dieu est pour tous ». Dieu aurait créé les Gentils gentils, ce qui ne fut pas sans provoquer des négations tout autant exclusivistes. S'il existait au monde une version non-exclusiviste du rabbinat, je serais le premier à m'en féliciter. Bien entendu, chacun est libre de croire ce qu'il ou elle veut en privé. Mais lorsque les croyances ouvertement exclusivistes, racistes et théocratiques prétendent en imposer à la société et à la politique, elles doivent alors immédiatement tomber sous le coup du droit pénal. Cette croyance exclusiviste rabbinique, inconcevable dans un monde moderne globalisé, mène pourtant des Finkielkraut à faire l'apologie de la « séparations » des juifs ( ?) dans la plus totale impunité au sein d'une des Grandes Ecoles d'une république s'enorgueillissant d'être née comme république laïque et pour cela faisant accéder les juifs à la citoyenneté pour la première fois de l'Histoire ! (Voir ma critique dans http://www.la-commune-paraclet.com/fascismFrame1Source1.htm#racisme . ) A l'époque, je reprenais le concept de « métissage » et je m'ingéniais à développer celui de « mixité sociale ».

De fait, en s'inspirant également de Spinoza, Ernst Block tenta de montrer que la lutte des classes tout au long de l'histoire hébreuse contesta cette narration. Par exemple, la narration biblique du Veau d'Or renvoie à un souhait populaire dénigré de retourner aux anciennes croyances sumériennes-babyloniennes du dieu Marduk. Néanmoins, l'effet de cette narration dominante a pour conséquence d'effacer la contribution à l'Egalité et à l'Emancipation Humaine commune qui découle de l'herméneutique juive depuis les quelques prophètes égalitaires jusqu'à Ibn Ezra et Spinoza etc. Cet exclusivisme inventa une volonté divine bloquant la marche de l'Humanité à la science. Ce faisant, il ne faisait même pas preuve d'originalité mais, selon une vieille pratique bien rodée, il empruntait ces idées, en les aggravant dans le sens raciste-théocratique, à d'autres cultures et d'autres mythologies plus anciennes. Le rabbinat tenta d'émuler à sa façon la domination des Brahmanes (Madame Rege, la grande théoricienne aujourd'hui malheureusement décédée, a donné une contribution importante à la compréhension des castes dans un livre important; voir ma critique dans la Section Critiques de Livres-Book Reviews de www.la-commune-paraclet.com )

Le rabbinat s'institua comme le support idéologique de la monarchie, ou mieux des monarchies juives, en inventant de toute pièce l'acte fondateur de la construction du Temple de Salomon pour lequel il n'existe pas la moindre trace historique et archéologique. Cette invention repose sur la base symptomatique de l'assassinat (« freudien » ?) du dernier grand prêtre. La version chrétienne monarchique de cette élection divine emprunte le concept d'oint du seigneur sans doute pour souligner inconsciemment le côté usurpateur et meurtrier de la chose. De cette même frénésie exclusiviste découle la lunatique et guerrière tentative contemporaine de reconstruire le Temple mythologique et dominateur de Salomon sur les terres appartenant aux Palestiniens et sur lesquelles se dresse le Troisème Lieu Saint de l'Islam, Haram al-Sharif. Il s'agit d'une folie aux conséquences prédictibles que fit que le général Rabin refusa de pénétrer dans Jérusalem Est en juin 1967 en tentant ainsi d'éviter le pire.

Les Congrès juifs de part le monde sont devenus des machines vénales et totalitaires juste bonnes à broyer l'esprit et l'esprit critique. Les délires racistes théocratiques de Obadia Yossef sont peu de chose par rapport à ce qui s'y cultive et s'y dit dans de trop nombreux cas, particulièrement en France. Il serait utile d'en informer la presse et l'opinion des pays qui se prétendent libres et égaux en droits. Ceci est le fait de leur ignorance de l'ABC de la démocratie et du poids de culpabilité ainsi que de la force cynique d'intimidation qu'ils exercent sur les quelques « juifs » qui osent encore parler. L'invention d'une Shoah exclusiviste raciste est par eux substituée, à mon sens de manière criminelle, à l'Histoire commune de la Résistance au nazifascisme : les seules victimes dont il faudrait garder la mémoire seraient les victimes juives, appartenant au seul peuple élu, les autres passant au second plan, stratégie parfaitement ignoble mais surtout dangereuse ainsi que l'enseigne la logique de l'exclusivisme jusqu'à aujourd'hui. Comme on le sait la clairvoyance de Rabin lui coûta la vie mais suite à son odieux et pathologique assassinat, tous les juifs et tous les Israéliens, ou peu s'en faut, ont oublié son diagnostique selon lequel Israël avait besoin d'une « révolution psychologique » pour dissiper des années de propagande haineuse et de crimes de guerre en série perpétrés contre le peuple palestinien et souvent contre les sympathisants de la cause palestinienne . Ce qui ne s'accomplira pas sans la propagation de la théorie de la psychoanalyse marxiste, de la Question juive et du Capital de Marx. Comme on sait, la décapitation de Charles Ier Stuart fut la première négation en acte hautement symbolique de la monarchie de droit divin. L'assassinat de Jules César dérive de la même logique républicaine opposée aux « tyrans » et soucieuse d'agir avant qu'il ne fut trop tard. La logique des « carbonari », cherchant toujours à frapper à la tête, relève également de cette logique.

Dans le cadre de cette tradition, la Liberté est un attribut appartenant aux seuls élus. Elle se définit comme la capacité d'imposer l'inégalité dans l'impunité. En congruence avec le soi-disant esprit du temps, ceci inclut la variante capitaliste mettant en scène une égalité purement formelle préservée par le biais de mécanismes systémiques purement inégalitaires. Ces mécanismes demeurent et ont plutôt tendance à être aggravés par le soi-disant capitalisme populaire ou d'actionnariat diffus, puisque la production reste sociale alors que l'accumulation privée se fait selon le poids respectifs des actionnaires. On se souviendra qu'après le Vendredi Noir de 1929, les petits actionnaires furent rapidement plumés alors que les grands actionnaires firent leur beurre avec la crise. S'agissant de mécanismes systémiques, il en est de même à chaque fois comme en témoignent encore la crise des subprime de 2007-2008. Ajoutons seulement que la stratégie libérale-fasciste de la « gouvernance globale privée » est le point d'orgue de cette stratégie.

Analysons maintenant brièvement la confusion impliquant Montesquieu et la Constitution américaine.

a) L'Esprit des lois de Montesquieu fut conçu et écrit après qu'il eût acheté un exemplaire de la Scienza nuova de Vico lors d'une visite à Venise bien pourvu de « petits gants de Vénus » en vessie de porc ... Quoiqu'il en soit, l'analyse serrée des auteurs anciens, et en particulier des auteurs romains, conduisit Giambattista Vico à proposer une théorie moderne de la lutte des classes dont Marx s'inspira en lui ajoutant la base scientifique de la Loi de la valeur. Montesquieu pour sa part lui greffa des éléments plus archaïques, tel le climat, encore que sa théorie s'inscrivait dans le cadre d'une société à forte prédominance agricole, de sorte qu'elle avait un sens objectif similaire à la théorie des cycles solaires que proposa plus tard le marginaliste Jevons. Il tenta également de synthétiser sa compréhension de la distinction entre société civile et société politique en des termes nouveaux. Certainement le souvenir du magnifique livre Contr'un, écrit par La Boëtie pour dénoncer la « servitude volontaire », joua un rôle. S'élevant contre l'arbitraire de la Monarchie Absolue, Montesquieu, l'aristocrate de province coutumier des Salons parisiens, proposa une habile défense de l'autonomie des catégories sociales et notablement des Etats du royaume. En un certain sens, ceci restait très hobbesien : Hobbes soutenait que seuls les rois pouvaient prétendre à l'égalité entre eux puisqu'ils pouvaient se dissuader efficacement. Les autres devaient se fier à un contrat social, ou plus exactement à un Social Convenant garantissant leur sécurité ; cette accommodation prenait une forme plus positive avec John Locke et une forme égalitaire citoyenne assumée avec le Contrat social de J.J. Rousseau.

Nous avons ici la Liberté instituée comme une expression négative dérivée des mécanismes de domination et de dissuasion économiques et politiques.

Ceci mena éventuellement à la démocratie industrielle bourgeoise ainsi qu'il fut mentionné ci-dessus - F. Taylor, Darhendorf, Dunlop et Kerr, Piore etc., et, en termes plus purement politiques à la législation des contrepoids conçus par le New Deal dont John Galbraith, entre autres, se fit le chantre (on trouvera un résumé concis de ses théories dans la Note 15 sur John Galbraith dans mon Livre III intitulé Keynésianisme, Marxisme, Stabilité Economique et Croissance (2005).

b) Le système de « checks and balances » de la Constitution américaine. Ce système est en droite ligne avec la théorie de la dissuasion de Montesquieu et plus précisément de John Locke, à savoir que les conflits sociaux doivent être médiatisés par un Social Convenant. Mais alors que Montesquieu faisait porter son attention sur la société civile, la Constitution américaine opère au niveau institutionnel et plus particulièrement au niveau politique dont elle tente de codifier les règles de fonctionnement. On le sait, les droits n'existent qu'en tant qu'ils sont soutenus et défendus, d'où l'importance de la conception de Montesquieu. Avec la Constitution américaine et plusieurs des Federalist papers antérieurs, le problème n'est jamais de confronter la propriété privée et son inévitable tyrannie, y compris esclavagiste au départ, mais plutôt de savoir comment la préserver en empêchant qu'aucune fraction des classes dominantes ne puissent établir une domination complète sur le système juridique et politique et sur le Congrès, ce dernier dictant les lois et les appliquant en disposant du monopole légal de la force.

Marx parlait du « communisme du capital » ; si l'on veut, la finalité du système des checks and balances américain consiste à codifier et à contrôler l'opération du pluralisme politique bourgeois au profit du système et de la classe capitalistes tout entiers. Ainsi la Cour Suprême est instituée comme le gardien ultime du système au cas où les deux chambres du Congrès échouaient dans leur rôle. On rappellera la réaction de F.D. Roosevelt face à la réaction initiale de la Cour Suprême bloquant systématiquement les réformes les plus progressives du New Deal. Dernièrement, au sujet de l'Obamacare, on a pu être témoin de l'intériorisation transversale du même « mind set » au niveau constitutionnel américain visant à éliminer d'office toute expression autonome de la société civile. En effet, au lieu de fonder la réforme sociale sur le pouvoir de dépenser exclusif du gouvernement fédéral prévenant ainsi toute intervention possible de la Court suprême, elle fut au contraire soigneusement fondée sur le principe de la liberté commerciale. On apprend alors sans surprise que l'Obamacare fut pensée pour servir les intérêts des grandes compagnies d'assurance et des grandes compagnies pharmaceutiques ; les velléités initiales de passer à un régime public se heurtèrent à une levée de boucliers, y compris au sein du Parti démocrate. Ironie du sort, le système de comptabilité marginaliste est à ce point pervers que plus le gaspillage est grand, plus le PIB augmentera mutatis mutandis et plus l'accès sera inégalitaire voir par exemple le coût démesuré des régimes privés de santé ou de pension qui contribuèrent fortement aux difficultés de GM, Chrysler etc., firmes qui échappèrent in extrémis à la faillite grâce au sauvetage étatique Le reste est à l'avenant, et c'est sans doute pourquoi ce système américain est devenu la « terre promise » de la régression libérale-fasciste aujourd'hui dominante en Europe ...

Je crois qu'il est fondamental de comprendre ces deux distinctions - à ne pas confondre avec des oppositions - pour être à même de concevoir la démocratie socialiste. J'ai insisté ailleurs sur l'aspect pionnier des constitutions polonaise et corse rédigées par J.J. Rousseau. C'était un grand admirateur des législateurs anciens, dont Lycurgue, et un grand connaisseur de Vico, lequel était lui-même informé par l'esprit réformateur séculier et pythagoricien du grand abbé calabrais Joachim de Fiore. Rousseau conçut ces deux constitutions comme des transitions reposant sur les réalités respectives de ces deux pays mais devant mener à chaque fois, par leur logique interne encadrée par ses Constitutions, vers l'accomplissement toujours plus achevé de son Contrat social. En ce sens, cette analyse est l'ancêtre toujours vivant de la conception de la transition socialiste.

Le socialisme n'a rien à voir avec la liberté conçue comme une forme exclusive du pouvoir. Il ne peut en rester aux thèses de Montesquieu ni au système de checks and balances américain bien que Mao avait raison lorsqu'il soulignait la persistance des classes sociales durant la transition socialiste. Le socialisme doit transcender ces notions issues de la réalité bourgeoise. Il doit créer un système social et politique favorisant organiquement la marche à l'Emancipation humaine. En insistant sur les concepts de transparence et de responsabilité, Oskar Lange était particulièrement bien inspiré, y compris en ce qui concerne l'opération de la nécessaire bureaucratie. On se souvient que Marx et Engels résumaient la différence entre capitalisme et communisme en soulignant que le premier concerne l'administration des personnes et le second l'administration choses pour libérer les personnes. Les attaques tous azimuts contre la bureaucratie ne sont que l'expression d'une maladie infantile gauchiste pour paraphraser Lénine, une indigestion critique oubliant que la « révolution sociale» socialiste repose aussi sur la division du travail et donc sur le rôle crucial de la bureaucratie, en particulier à travers le Plan en vue de l'administration de la « plus-value sociale ». Le moyen le plus court pour résumer cette problématique fondamentale consiste à distinguer les deux Domaines de la Nécessité et de la Liberté. Lénine écrivit joliment que la Liberté était l'Esthétique de l'Egalité, les deux étant bien entendu organiquement liées.

Dans le Domaine de la Nécessité chaque citoyen a le devoir de participer également à la création de la plus-value. Nous nous situons éminemment là dans le cadre de la Planification Economique mettant en oeuvre la Loi de la valeur et les Equations de la RS-RE marxistes afin d'atteindre un niveau toujours plus élevé de croissance qualitative, respectueuse des principes de l'écomarxisme. L'obligation faite à chaque citoyen de travailler fournit le fondement du droit à participer également à tous les processus de décision démocratiques. Ceux-ci ont trait à l'utilisation collective de la « plus-value sociale » et à la détermination des priorités présidant à son allocation. La loi marxiste de la productivité et les Equations dynamiques de la Reproduction Elargie permettent de réduire séculairement le temps de travail légal bien qu'une société socialiste sera naturellement confrontée à de nombreuses et nouvelles tâches socialement importantes. Aussi, elle devra apprendre à favoriser la production de valeurs d'usage durant le temps socialement libéré en inventant de nouvelles formes de loisirs et de sociabilité. Ceci implique la mise à disposition par la Planification de surplus socialistes.

Dans mon Précis je mentionne des Home Dépôts socialistes ainsi que la création d'ateliers et de laboratoires nationaux socialistes. La bureaucratie est une forme indispensable de la division du travail et de ce fait elle est plus cruciale encore pour le socialisme que pour le capitalisme et pour ses entreprises monopolistes. Aussi devra-t-elle recevoir une attention spéciale pour mettre en oeuvre les principes de responsabilité et de transparence, en impliquant de manière permanente les travailleurs et les citoyens, à parité de genre. Ceci vaudra pour les tous Appareils d'Etat dont les Appareils répressifs résiduels. La démocratisation des processus de la Planification centrale constitue donc le coeur battant de la démocratie socialiste - recueil de l'information et des statistiques marxistes, articulation de ces données, conception de scenarios optimum possibles à soumettre au choix de la collectivité, responsabilisation au niveau de la mise en application du scénario retenu etc. Les institutions politiques - le Parti et ses cellules, l'Assemblée nationale, les assemblées locales et communales - participeront au choix définitif du plan quinquennal et à la vérification de sa mise en place à un niveau plus général que les divers comités inclus dans l'organisation même de la Planification - comités d'administration des entreprises, comités techniques et académiques, comités ouvriers, comités citoyens, comités de consommateurs etc. Bref, le Domaine de la Nécessité produit les conditions matérielles et sociales de l'Emancipation de tout un chacun.

Le Domaine de la Liberté a trait aux droits fondamentaux autres que ceux déjà pris en charge dans le Domaine de la Nécessité, les deux types de droits étant protégés par la Constitution socialiste. Dans ce dernier cas, nous aurons à faire à l'ensemble des droits régissant la convivialité et les conduites sociales. Elles seraient appréhendées dans le cadre de l'institutionnalisation des moeurs socialistes - voir la section rose de mon site - et de la théorie de la psychoanalyse marxiste contenue dans la seconde partie de mon Pour Marx, contre le nihilisme. La finalité première étant de permettre ce que le jeune Marx désigna comme le « recouvrement de l'Homme par lui-même ». La liberté d'un être humain, éduqué et élevé dans l'esprit de l'émancipation, sera alors uniquement limitée par la liberté des autres, tous étant économiquement ou autrement égaux, dans le respect de leurs différences, notamment comme êtres issus de la reproduction sexuée.

La pédagogie socialiste est fondamentalement différente de celle bourgeoise, ce que j'ai tenté d'analyser dans mon essai «Dioscures » en partie synthétisé dans l'appendice intitulé « Spoliation » de mon Pour Marx, contre le nihilisme. Bref, ainsi que le note Marx dans la Critique du programme de Gotha, la loi ne se contentera pas d'être formellement égale pour tous, pas plus qu'elle ne se contentera de manière hypocrite et socialement criminelle d'une wébérienne « égalité d'opportunité » au départ. Elle s'attachera au contraire à réaliser une authentique égalité en préservant en permanence les opportunités pour ce faire, ce qui suppose la négation de tout nivèlement. Les potentialités de chacun à exprimer sa personnalité seront maintenues pour la raison simple parfaitement exprimée par Joachim de Fiore que les formes d'intelligence sont multiples alors que toutes sont également nécessaires pour le fonctionnement optimal de toute société saine. (Voir mes essais sur Joachim, dont un en anglais, dans la section Italia de mon site.)

Le mérite authentique s'exprimera pour un salarie égal dans le « Domaine de la Nécessité » (concept de « travailleurs ou de collectifs de travailleurs responsables »). Mais il ne sera pas borné à ce domaine, dont l'importance temporelle ira d'ailleurs diminuant, contrairement au système capitaliste marqué au signe de la psychologie de la possession individuelle, alimentée par une redistribution inégale des conditions matérielles d'existence. Le mérite authentique s'exprimera pleinement de lui-même surtout durant le temps libéré dans de nouvelles formes émancipées de sociabilité. Un des plus grands acquis de l'ethnologie moderne n'est-il pas d'avoir fait remarquer que les sociétés maladroitement dites « primitives » compensaient leurs lacunes au niveau de la technê par les développements plus poussés de leur épistèmê concrétisés dans les rituels gouvernant leurs relations sociales et interrelationnelles.

Je maintiens avec Marx que la finalité du socialisme marxiste et du communisme n'est pas de retourner les citoyens dans des formes de communauté stratifiées par le statut social ou par le communautarisme simpliste de certains socialistes non marxistes. Un des acquis du capitalisme son aspect soi-disant « froid », si on veut, fut de nous débarrasser de ces formes étouffantes, y compris au niveau familial où sa révolution par rapport à la famille patriarcale élargie reste à compléter pour la famille nucléaire bourgeoise. (voir « Mariage, union civile et institutionnalisation des moeurs » dans la partie rose de mon site.) Sur la base d'une technê toujours plus poussée mais orientée selon les réels besoins individuels et sociaux, la nouvelle épistèmê sociale devra inventer la nouvelle liberté socialiste fondée sur la transparence des liens sociaux, la fin de l'aliénation bourgeoise. Ceci devra se faire dans le respect de la vie privée et de l'intimité des gens fondement incontournable de leur responsabilité envers leur propre conscience ou « for intérieur » et envers les Autres. Ceci implique le développement des nouvelles médiations sociales, institutionnelles et psychiques annoncé dans ma théorie de la psychoanalyse marxiste.

Bref, ainsi que l'écrivit Karl Marx : dans un mode de production socialiste toute personne ayant le potentiel de devenir un Raphaël pourra effectivement le devenir. C'est pourquoi j'ai choisi de désigner ce système par l'expression volontairement redondante de «communisme libertaire ».

Paul De Marco, ancien professeur de Relations Internationales Economie Politique Internationale. Copyright ©La Commune Inc, 29 et 30 décembre 2014/5 janvier 2015.

Notes :

1) Ma critique de Piketty se trouve dans la section Critiques de Livres-Book Reviews de mon site www.la-commune-paraclet.com. En ce qui concerne Tirole, sa microéconomie sans macro-économie ne saurait être qu'une dangereuse ineptie. La plus-value sociale fait la compétitivité de la Formation sociale, laquelle entretient une relation forte avec la productivité microéconomique. Tirole ne sait même pas qu'il sacrifie cette relation … ou peut-être le sait-il et se contente d'une microéconomie arbitrairement hégémonique telle que la souhaite les firmes transnationales dans le cadre du dépérissement programmé de l'Etat. Ce dernier devant laisser la place à la « gouvernance globale privée » dictant sa « public policy » monétariste. Quoiqu'il en soit, je crois que son « contrat unique » est un vulgaire renversement de l'argument présenté dans mon « Norme CDI ou précarité » disponible dans la section Commentaire d'actualité de mon site. Dans sa mise en oeuvre en Italie Jobs Act de Gutgeld-Renzi cela donne ce qui peut être désigné comme CUPID ou « contrat unique précaire à temps indéterminé démoniaque » car sans le moindre recours syndical ou juridique, même en cas de licenciement arbitraire !!! A croire qu'il relève du Méphistophélès de Goethe assurant à Faust que le meilleur moyen de détruire le monde était de contrôler l'émission de la monnaie et d'y soumettre les rois autant que les peuples … Il est vrai que pour les marginalistes l'équilibre s'établit au seuil dit physiologique, lequel est lui-même élastique dans le cadre du libre-échange global reposant sur une définition de l'anti-dumping écartant d'office toute référence aux filets sociaux et aux critères environnementaux. La France soi-disant socialiste - von Mises était en réalité un libéral-fasciste autrichien - suit le même sentier à marches forcées. Or, 25 % de la force de travail gagne déjà 650 euros par mois ou moins ; ce pourcentage est de 37 % en Espagne. J'ai également souligné la nouvelle tendance libérale-fasciste qui consiste à vouloir opérer un retour à la société du nouvel esclavage salarié et de la nouvelle domesticité. J'ai également théorisé les questions de la fausse représentation et de la surreprésentation dans une pseudo-démocratie bourgeoise biaisée par le pouvoir de l'argent, par la sélection préventive de classe et de caste et par le contrôle des flux de communication. Ce n'est pas Nietzsche ni ses vrais inspirateurs qui pourraient nier la centralité démocratique de la Loi des Grands Nombres. Cette Loi universelle cause chez eux une hystérie semblable à celle causée par la Commune de Paris sur l'esprit vindicatif marqué au signe de la subordination par le subjonctif de Gustave Flaubert.

2) Voir Oskar Lange, Fred M. Taylor, On the Economic Theory of Socialism, edited by Benjamin Lippincott, First McGraw-Hill Paperbacks, 1964.

3) Ceux qui ne sont pas familiers avec le débat qui fit rage dans les années 50, 60 et 70 - contribution maoïste, éditions des écrits de Gramsci, contributions de Che Guevara notamment sur la politique budgétaire en 1964 et d'Althusser etc. - pourront se reporter au livre de W.B. Bland, quitte à approfondir la question ensuite. Ce livre (W.B. Bland http://www.oneparty.co.uk/html/book/ussrindex.html ) a le grand avantage de donner un grand nombre de citations qui parlent d'elles-mêmes.

4) La fonction de production d'Adam Smith et de l'économie politique classique s'écrit c + v = p (capital plus travail égal produit). Elle est donc incapable d'expliquer la genèse du profit ainsi que le démontra Marx. Sur cette base bancale l'économie reste une pseudoscience irrationnelle. Cette lacune n'est pas comblée en passant, via J.B. Say, Cournot, Walras et toute l'école autrichienne, à une expression liquéfiée de cette équation reposant sur l'utilité marginale. En effet, l'équilibre général atteint sur cette base est confronté à la contradiction létale ex ante/post hoc que Böhm-Bawerk pensait à tort pouvoir imputer à Marx. Aucune théorie marginaliste n'est capable de conjuguer de manière cohérente la microéconomie et la macroéconomie. En outre, l'utilité marginale ampute la réalité de toute marchandise qui continue malgré cela à concilier valeur d'usage et valeur d'échange. De la sorte, le marginalisme est ontologiquement incapable de concilier quantités et prix des marchandises produites. Ceci s'avère létal pour la conception de l'équilibre général qui ne peut être donné que par les Equations de la Reproduction de Marx. Au mieux, il s'agit d'une narration pour « militants nihilistes » trillés sur le volet pour servir le régime, en particulier dans le monde académique et médiatique. Comme on sait, la sélection académique ne repose pas uniquement ni principalement sur des critères académiques. Cette perversion s'aggrave avec la privatisation.

5) On se reportera par exemple au livre de M. Song Hobing portant sur la guerre des devises, http://www.eleconomista.cubaweb.cu/2010/nro385/guerra-divisa.html

6) Pour le crédit sans collatéral on se reportera aux deux essais « Credit without collateral » et « The FED and the Treasury » écrits dans la foulée de la crise des subprime que j'avais annoncée dans mon Livre III (2005). Voir aussi mon Précis d'économie politique marxiste pour une exposition plus détaillée de la théorie quantitative marxiste de la monnaie et du rôle du crédit non spéculatif, y compris en régime socialiste.

7) La distinction que Pareto tenta d'introduire entre conditions techniques et conditions prix devrait au mieux provoquer un éclat de rire rabelaisien chez des personnes normalement constituées. Ou alors la technologie en régime capitaliste n'a pas de valeur d'échange … Et tant pis pour les brevets, les marques et le cadre normatif. Mais on sait que, contrairement à d'autres penseurs conservateurs, Pareto fut un grand supporter de la première heure de Benito Mussolini ; il croit en une inégalité innée de caste ou même fasciste qui est assez contradictoire avec l'idéologie de façade du capitalisme. D'ailleurs ses coûts d'opportunité et ses courbes d'indifférence relèvent bien plus de l'exploitation de l'Homme par l'Homme génériquement donnée que d'une époque quelconque du capitalisme proprement dit. Il reste que les marginalistes d'aujourd'hui sont aussi prompts que ceux de son temps à substituer le libérisme à la Benedetto Croce et al., au libéralisme classique (disons de John Stuart Mill). Il le fait dans le vain espoir de lever ainsi les contradictions du mode de production capitaliste par un retour en arrière … Le libéral-fasciste von Mises ne s'en est jamais caché. Dans son Socialism, il prétend même que le système de santé publique cause la maladie (voir http://mises.org/library/socialism-economic-and-sociological-analysis , p 476). Le reste est à l'avenant. La privatisation actuelle du domaine de la santé suit la même logique barbare, les soins devenant fonction de la solvabilité économique des patients. Il en va de même pour tous les autres biens publics jadis offerts par des entreprises publiques mais qui, aujourd'hui, transforment les bénéficiaires et usagers en clients selon la même logique marchande. Le drame est que la précarité ruine la fiscalité générale qui, au fond, finance la charité et l'assistance sociale privée, souvent toutes deux confessionnelles, par le biais d'exonérations et de crédits d'impôt. S'annonce ainsi une régression barbare sans précédent qui, espérons-le, provoquera au plus tôt une forte et salutaire réaction civilisationnelle. Egalité ou barbarie ?

8) Simon et Cyert au MIT ont insisté sur le fait qu'en matières sociales les problèmes qui se posent ne peuvent pas être vulgairement catalogués comme relevant du déterminisme ou bien de l'indéterminisme. Très souvent plus d'une seule et unique solution sont possibles. J'ajoute que la question politique et sociale consiste alors à savoir comment, pour qui et qui détermine ces trade-offs.

9) On se reportera à ce sujet à mon Pour Marx, contre le nihilisme, en particulier la deuxième partie dans laquelle nous donnons la critique définitive du freudisme et autres charlataneries rabbinico-nietzschéennes du même genre. Toutes visent la « normalisation » et le contrôle des citoyens à soumettre au double moulinet de l'exploitation capitaliste et, au-delà, de l'exploitation de l'Homme par l'Homme. Notons rapidement que le mythe fondateur de Freud n'est qu'un typique renversement de la théorie de l'émergence de la sociabilité et donc des luttes de classe pour l'émancipation analysées par G. Vico, le premier moderne à concevoir une science historique. Nietzsche et Heidegger entre autres s'acharnèrent de la même façon ainsi qu'il est démontré dans mes essais les concernant, disponibles dans la Section Livres-Books de mon site.

10) Juste avant la catastrophe de Fukushima nous avions assisté à une relance inévitable du nucléaire. On sait que les filières dites civiles reposent sur un choix effectué à l'origine par Westinghouse et d'autres entreprises sur la base de critères militaires définis par la marine américaine pour la propulsion de ses sous-marins. La production de plutonium était à l'origine privilégiée car nécessaire pour la production des bombes atomiques. Je note également que les centrales de Fukushima avaient résisté à un tremblement de terre de plus de 10 sur l'échelle Richter qui provoqua en outre un tsunami terrifiant, ce qui est tout à l'honneur des ingénieurs et des savants japonais. Selon moi, la catastrophe fut causée par la logique marginaliste et ses privatisations. En effet, la centrale aurait dû être fermée des années auparavant mais elle fut maintenue en vie afin de continuer à verser de juteux dividendes aux actionnaires. En outre, comme dans bien d'autres cas au Japon et hors du Japon, le coeur des réacteurs inclut du zirconium, un matériau fortement réactif à haute température puisque qu'il produit alors de l'hydrogène. Les explosions qui eurent lieu à Fukushima et la plupart des autres problèmes qui en dérivèrent n'ont donc rien à voir avec le nucléaire proprement dit, y compris pour cette filière en réalité dérivée du nucléaire militaire mais plutôt avec l'utilisation du zirconium, qui est un matériau moins dispendieux. En outre, aucun moyen de saturation de l'hydrogène n'était prévu. Sans les explosions causées par l'hydrogène dérivé du zirconium cette catastrophe, quoique sérieuse, serait restée strictement localisée dans le périmètre de la centrale. Par ailleurs, parler d'empreinte écologique sans dénoncer l'inégalité des revenus et le gaspillage systémique capitaliste est plus qu'une fraude, c'est une attaque en règle contre le niveau de vie des travailleurs qui sont alors destinés à être retournés de force, grâce à l'instrumentalisation de la peur, à une société du nouvel esclavage salarié et de la nouvelle domesticité. Cette stratégie était déjà énoncée dans les années 1950 par l'Establishment américain sombrant dans une Guerre froide de sa fabrication (containment et rolling-back) dans le Report from the Iron Moutain dont J. Galbraith avait confirmé l'authenticité sur son honneur dans sa préface de la première édition. Voir mon texte Défi aux écologistes, au Giec et à tous les apôtres du réchauffement climatique (14 juin 2007) dans la section Commentaires d'actualité de mon site http://www.la-commune-paraclet.com/ . Soulignons qu'en matière de réchauffement climatique, le refus de tenir compte de la précession des équinoxes ainsi que des autres variables non-anthropogènes est un parti-pris anti-scientifique très singulier. Il est de surcroît viscéralement réactionnaire et manipulateur, encore que son origine reste parfaitement connue. Attribuer les conséquences à de fausses causes et ceci de manière calculée, mène infailliblement à poser de faux diagnostiques et à proposer de fausses solutions. Après ce Report nous eûmes droit aux primitives et bancales progressions géométriques du Club de Rome, au demeurant conçues dans un cadre - un monde fini ? -, sans référence aux substituts et autres alternatives, ni à un modèle de développement plus qualitatif et égalitaire etc. Trop de théories climatologiques actuelles relèvent de la même manipulation. Le tout pour en arriver à la « désincitation à consommer » du prolétariat, ce qui est en ligne droite avec la nécessité marginaliste moderne de mettre fin aux « rising expectations » des travailleurs, telles que dénoncées du haut de la Trilatérale par un Samuel Huntington. Ce dernier n'en était pas à ses premières passes puisqu'il avait été le concepteur des « strategic hamlets » au Guatemala et au Vietnam ainsi que des « chocs de civilisation » à l'origine de l'illégale et criminelle doctrine de guerre préventive visant plus de 66 pays. La plupart sont de culture musulmane mais ils sont tous considérés comme des rivaux économiques, militaires ou culturel de l'Empire … putatif des « maitres du monde » autodésignés. Ce projet impérial, qui voit la France de Hollande et de ses singuliers gouvernements poser comme le premier valet impérial depuis la réintégration dans le commandement unifié de l'OTAN, repose sur la création par la force brute et les « regime change », d'un Grand Israël dominant un Grand Moyen-Orient ainsi que l'Asie centrale. Le poids du Crif sur ce président et ses gouvernements est démesuré au point d'être anti-démocratique ; la communauté juive française compte autour de 300 000 personnes ce qui donne un très, très infîme pourcentage par rapport à la population totale de la France supérieure à 66 millions; par contre, celle de culture musulmane systématiquement sous-représentée, en compte semble-t-il autour de 8 millions, très majoritairement intégrés malgré les manipulations et l'islamophobie dont ils font l'objet. (Sur les manipulations autour du voile » voir mon Livre III en utilisant le terme dans la fonction « rechercher ».) On assiste pourtant à la propagation rampante d'une islamophobie de la part de gens qui semblent-ils ont des « dents ». Un Manuel Valls, malgré son esprit d'ingérence franquiste-totalitaire, n'a pas obtenus 6 % aux primaires socialistes. Des Kessel osent affirmer tout haut que la Constitution issue de la lutte anti-nazifasciste constitue désormais un obstacle au développement comprenez du capitalisme spéculatif libéral-fasciste de von Mises et de ses disciples. Ce catastrophique projet marqué à une pensée philosémite nietzschéenne obscurantiste et guerrière comporte également la tentative en cours de soumettre l'ensemble du Maghreb et du Makhrek par le feu et le sang dans un retour maladif à la psychologie des colonies. L'origine de cette stratégie néocolonialiste se trouve très précisément dans la Conférence de Marrakech voulue par le complice de Sharon et fossoyeur des Accords d'Oslo et de l'assassinat du Président Arafat, Shimon Pérès, lequel a dit de lui-même à un moment donné qu'il était « maudit ». A ceci c'est greffé une débile conception philosémite nietzschéenne d'une« Europe puissance » fondée sur les interventions armées en Afrique et ailleurs ! (On se reportera sur la stratégie inverse qui l'avait précédée dans Europe des nations, Europe sociale et constitution, 14-janvier-2004, http://www.la-commune-paraclet.com/EPIFrame1Source1.htm#epi ) Après nombres de manipulations représentant le viol de la Charte de l'ONU par un membre permanent en perte de vitesse économique non ingérence dans les affaires internes des Etats souverains se prépare maintenant une intervention contre la Syrie, en attendant de s'en prendre à l'Iran, mais dans les fourgons des armées américaines faisant les bases oeuvres d'Israël. On peut déjà prédire que ce sera une aventure plus calamiteuse à tous les niveaux que celles menées contre l'Iraq et l'Afghanistan. La principale victime sera la démocratie et la pensée authentiquement de gauche en France, à moins d'un sursaut salutaire inspiré par la Constitution et par la Sociale. Les conséquences de cette dégénération qui affectent sans doute plus le parti socialiste des surreprésentés actuels que la droite ce qui n'est peu dire sont parfaitement lisibles en Libye, au Mali etc., etc., ainsi que dans les dizaines de milliers de morts noyés chaque année en Méditerranée, des pauvres gens déracinés par ces guerres d'un autre âge qui salissent les idéaux de la République au profit de gens qui pensent le monde comme une vaste Palestine. On remarquera que ce philosémitisme nietzschéen étant surreprésenté au sein d'un PS reniant les 35 heures et les autres politiques progressistes de la« gauche plurielle », il s'est créé dans l'Hexagone un à-plat-ventrisme général et parfaitement intériorisé pour comble nietzschéénnement donné comme « liberté d'expression » ! - supprimant toute expression authentiquement de gauche. Le PCF, pourtant né du Congrès de Tours, est devenu pire que Kautsky et Guesde mis ensemble en 1914 ! De plus, on a pu assister dernièrement à des précédents typiques mais rarement vu en France, Matignon faisant renverser le jugement d'une cour administrative, ou encore se mêlant de trop près des affaires internes aux syndicats, avec le but évident de supprimer préventivement toute opposition à des politiques d'austérité sans aucun fondement scientifique ni constitutionnel, mais menant néanmoins le pays à la catastrophe à marche forcée. Cette France débilitée de l'intérieur se retrouve « une nouvelle fois » là où Nietzsche la voulait. Ce qui n'a rien d'étonnant vu ses nombreux et incomparables « Nouveaux philosophes » et dernièrement ses « Nouveaux économistes » qui témoignent du déplorable niveau auquel le pays est tombé académiquement, culturellement et éthico-politiquement. Or, ces maîtres du monde putatifs sont également les tenants marginalistes modernes de la dérégulation, de la privatisation et de la spéculation. Il se trouve que les infrastructures publiques nécessaires pour pallier le réchauffement climatique quelles que soient ses causes impliquent des investissements à long terme que le capital court-termiste ne peut se permettre, ce que j'ai dénoncé dès mon « Les conséquences socio-économiques de MM Volcker, Reagan et Cie » (mars 1985) et dans mon Tous ensemble, 1996. On le voit ces maîtres du monde aussi putatifs qu'improbables sont bien plus dangereux et nocifs que tout réchauffement climatique possible.

11) Voir l'Appendice « Spoliation » dans mon Pour Marx, contre le nihilisme.

12) Voir par exemple http://alternatives-economiques.fr/blogs/raveaud/2015/01/05/profs-deconomie-a-luniversite-la-guerre-est-declaree/. La formalisation est sans doute nécessaire en science, encore doit-elle rendre compte de la congruence des concepts et des théories avec leur objet d'étude. Ceci suppose la démonstration d'un « concret pensé » pour prétendre à l'universalité scientifique, autrement on en reste au niveau des lois générales plus ou moins empiriques. Les formalisations positivistes à la Popper ou à la Prigogine en sont incapables et restent arbitraires ou, pire encore, relèvent de la convenance formelle. J'en veux pour preuve le schéma de la reproduction de Tougan-Baranowsky. Son utilisation des quadratiques est l'illustration par excellence du modèle prenant le pas sur la réalité dont il faut rendre compte. Arghiri Emmanuel a écrit joliment que les mathématiques ne sont que la sténographie de la logique ; les pythagoriciens par la bouche de Platon n'enseignaient pas autre chose, les nombres étant considérés par eux comme des techniques pour approcher les Idées et non comme les Idées elles-mêmes. Wittgenstein a démontré qu'il existe des mathématiques et non une seule mathématique. D'un point de vu formel, il a été démontré que l'on pouvait créer artificiellement la mathématique que l'on veut en posant les axiomes désirés puis en développant toutes les conclusions logiques. Les mathématiques utiles sont celles qui restent congruentes avec leur objet, ce qui est le cas pour toute science. Je crois avoir démontré que cette congruence dans cette discipline formalisée par excellence repose sur la détermination de l'unité de base et son adéquation à la réalité à appréhender. Prétendre mettre en branle de lourds appareils mathématiques appliqués irrationnellement par exemple les pathétiques tentatives d'appliquer la théorie du chaos aux données « factuelles » du Dow Jones par un Mandelbrot - ne doivent pas prêter à rire : elles sont la conséquence vicieuse d'une stratégie de classe que Jules Ferry résuma parfaitement dans sa lettre à Léon Walras dans laquelle il le félicitait pour avoir contribué à la formalisation de la discipline la rendant ainsi moins accessible aux masses. Jules Ferry oubliait que l'Université avait refusé la candidature de Walras pour les mêmes raisons qui poussèrent Poincaré à refuser de superviser la thèse de Bachelier, ancêtre des inepties de la pseudo-analyse du risque financier. Quand aux prétentions scientifiques de Walras, elles relèvent d'un simple et typique renversement, ce qui est évident lorsqu'il tente de voler la torche à Marx - aspect fanonien ? - en prétendant que sa théorie mène au « socialisme scientifique » ! Symptomatiquement, sa propre tentative de mise en application de ce socialisme-là avec un autre compère finit par des soucis judiciaires. Reste que la méthode de Léon Walras, et de tous les marginalistes avec lui, est fondée sur un subterfuge que Joseph Schumpeter encensa, diminuant ainsi la méthode scientifique elle-même et ses visées universelles. Suite aux remontrances d'Auguste Walras à son fils Léon, elle repose sur une dualité entre science économique et économie sociale sans que les deux puissent être réconciliées. En découle toute une série de problèmes ontologiques, méthodologiques, théoriques, pratiques et épistémologiques qui démontre que ce pseudo-paradigme n'est qu'une narration de classe et de caste et rien d'autres. Nous avons tu ici la note reléguée en fin de page de la première édition des Eléments et disparue ensuite, selon laquelle « la rareté est socialement induite », ce qui est tout un aveu. Mais ceci n'empêcha pas cette belle entreprise « scientifique » de se poursuivre, moyennant un simple effacement! J'ai d'ailleurs démontré qu'il naît de falsifications successives inventées pour contrer les théories réellement scientifiques de Karl Marx. Or, on remarquera qu'après la contribution aujourd'hui hégémonique du libéral-fasciste von Mises, cette dualité elle-même est remise en question de manière encore plus réactionnaire, ce qui n'était pas sans outrer le grand walrésien républicain Maurice Allais. Il n'est plus question d'informer les équations de l'économique avec les données sociales posant les paramètres dans lesquels elles doivent ensuite être résolues par exemple l'ensemble de variables interdépendantes de Keynes. Désormais ce marginalisme moderne ou postmoderne ne se soucie que des données spéculatives. Ceci devient alors une « dismal science », tout juste bonne pour de nombreux Nouveaux Economistes prenant la relève des Nouveaux Philosophes bizarrement, depuis la dégringolade du PCF, la France est typiquement affligée par de très forts quota de ces engeances. Mais quelle place légitime a-t-elle dans les institutions de la connaissance ? Samir Amin avait jadis parlé des « recettes de cuisine » de l'économique bourgeoise. Il n'avait pas tort. Mais il y a plus : s'agissant d'une narration idéologique, elle ne vise pas la vérité ou l'adéquation avec les faits mais seulement la plausibilité comme un catéchisme destiné aux masses et aux « militants nihilistes » universitaires n'ayant jamais appris à penser avec leur propre tête. Ce faisant, elle est encore sujette à un risque grave que Nietzsche soulignait ironiquement en ponctuant ses avertissements par un braiement caractéristique : « hi-han ! ». Car les grands prêtres et les maîtres risquent de croire eux-mêmes en leurs propres âneries selon un biais psychologique bien connu. Le second danger relève des sciences cognitives et consiste dans le fait que les perceptions et les narrations ne sont pas la réalité, cette dernière finissant toujours par les infirmer, soit sous les coups de remises en question incrémentales, soit sous l'effet d'un choc brutal. La dominance de classe exige donc d'adapter empiriquement le credo dominant pour en conserver la plausibilité. C'est d'ailleurs-là la fonction des équivalents Prix Nobel décernés dans cette « dismal science », ce qui est dérisoirement facile à démontrer en examinant, ne serait-ce que de manière cursive, la liste des récipiendaires et la contribution qui leur valut le prix en question (Par exemple, le marché des autos d'occasion en prévision de la baisse des salaires, prévue en coulisses, suite à la négociation du libre-échange continental par Stiglitz, un type venant de la Banque Mondiale mais que l'on n'hésita pas à présenter comme un leader « no-global » (sic !), selon la chutzpah caractéristique de certaines gens ; ou encore les « marchés efficients » dans le cadre de l'abrogation du Glass Steagall Act ; ou encore le « contrat unique » microéconomique de Tirole dans le cadre de l'hégémonie de la « gouvernance globale privée » se substituant à l'espace national des Etats-nations etc.) L'origine sociologique n'est pas sans poser d'autres questions légitimes au sujet de la surreprésentation en regard de la Loi des Grands Nombres dont l'universalité ne saurait être infirmée par la singularité, aussi extra-ordinaire ou monstrueuse soit-elle. L'économique bourgeoise ne connaît pas les contradictions internes, ni les décalages avec la réalité réduite à une narration : elle a toujours raison après coup comme le marché avec ses prix post hoc ! Ce qui constitue pour le moins un énorme gaspillage de fonds publics.

Je note pour conclure qu'une branche poussée des mathématiques serait maintenant bien utile pour développer les statistiques scientifiques donc socialistes sur la base de la fonction de production marxiste dûment intégrée dans les Equations de la RS-RE. Mais alors que je les demande depuis un certain temps, selon la même technique de renversement on nous donne une bouillie pour chiens et pour chats du type de celle offerte par Piketty et ses acolytes de l'inégalité pérenne « toujours et en tous lieux ». Ce qui montre le degré de dégénérescence académique et sociale. Au fond, il y a les tenants de l'égalité humaine comme Pythagore, Socrate, le pythagoricien Jésus, le pythagoricien Joachim de Fiore, Marx, et, du côté opposé, les tenants de l'inégalité humaine intrinsèque. La logique, tout comme le langage ordinaire et les idiomes sociaux, suppose pourtant un « champ d'intersubjectivité » (Hegel) qui renvoie à une égalité humaine, tous ses membres appartenant à la même espèce (Herder, Kant etc.) Autrement, il ne saurait y avoir aucun discours ni dialogue possible. Benedetto Croce, lecteur de Vico, affirmait que le devenir est le premier concept concret. Marx lui aussi grand lecteur de Vico a démontré que ce devenir historique est marqué au signe de l'égalité humaine. La dialectique du maître et de l'esclave de Hegel en avait déjà fourni la preuve. Le racisme et l'exclusivisme surtout théocratique et de caste ne constituent pas des réfutations. Par ailleurs, ils sont condamnés par les acquis de l'alliance anti-nazifasciste contenus dans la Déclaration Universelle des Droits Individuels et Sociaux de la Personne Humaine. Ce que trop de gens se permettent d'oublier aujourd'hui dans l'impunité totale mais momentanée, par exemple celles et ceux qui prétendraient plier ces droits aux archaïsmes de textes exclusivistes-théocratiques anciens.

13) Pour une note biographique sur von Mises voir http://en.wikipedia.org/wiki/Ludwig_von_Mises

14) Staline était léniniste et à ce titre convaincu de la supériorité scientifique du marxisme sans quoi ni lui ni aucun Bolchévique convaincu ne lui aurait dédié sa vie entière. Mais il avait été acteur et témoin en première ligne des expérimentations bolchéviques, depuis les débuts quelque peu cahotants et utopiques de l'Union soviétique - par exemple sur la volonté initiale de suppression de l'exploitation confondue avec la nécessaire extraction de la « plus-value sociale », ou encore sur la conception simpliste de la monnaie etc. Il avait vécu la NEP puis assuré sa rectification et la collectivisation des terres. Ce dernier processus supposait le maintien stratégique de l'alliance de classe entre la paysannerie et le prolétariat ; il mettait donc en cause tant les coopératives que les fermes d'Etat. Dans son Economic problems of the USSR of 1951, https://www.marxists.org/reference/archive/stalin/works/1951/economic-problems/ch04.htm , Staline explique brillamment que l'existence des coopératives imposait une médiation par les prix alors que la comptabilité interne des fermes d'Etat pouvait se faire directement en « valeur », comme pour les autres secteurs collectivisés. Cette compréhension fine montre l'avance théorique et pratique du camarade Staline sur le vulgaire et passablement ignorant et suffisant « système des prix » du libéral-fasciste von Mises, ainsi que vis-à-vis de la comptabilité marginaliste fausse de Lange. On peut alors se demander pourquoi Staline fit tant d'efforts pour inciter Oskar Lange à venir à l'Est. Selon moi ceci s'explique par la brillante compréhension de la lutte et des alliances de classe du camarade Staline. Grand lecteur de Gramsci, il avait développé un concept de transition au socialisme à l'Est, préalable à la transition soviétique en cours en URSS. Il s'agissait d'établir l'hégémonie du socialisme dans l'esprit de l'intelligentsia de l'Est encore outrée par la crise capitaliste des années 20 et 30 et par la montée parallèle du nazifascisme. Grâce au Plan, cette phase préalable théorisée comme «démocratie populaire »permettait d'effectuer les transformations économiques, sociales et culturelles menant naturellement à une forme plus avancée de socialisme. Une telle approche ne pouvait reposer que sur une bonne maîtrise du marxisme. La seule chose qui manquait à Staline était l'intégration cohérente de la productivité dans les Equations RS-RE. Mais, sur la base du Livre II du Capital de Marx, Boukharine avait formalisé ces Equations en particulier dans le cas de la Reproduction Simple pour une même productivité dans tous les secteurs. Moyennant une insistance pratique continue sur le plus haut degré possible de productivité tout en corrigeant les effets de contraction intersectoriels après coups, la Planification soviétique devenait très efficace. Elle le prouva brillamment puisqu'en deux plans quinquennaux Staline fut capable d'abattre seul le complexe militaro-industriel et militaire nazifasciste qui était à l'époque le plus considérable au monde. Les USA n'entrèrent en guerre contre l'Allemagne et le Japon qu'après le 7 décembre 1942, c'est-à-dire très, très tard … Ainsi, Staline faisait passer son pays du statut de pays sous-développé à celui d'une des deux seules superpuissances d'après-guerre. On note que Staline ne négligea jamais la dialectique hégémonie-contre-hégémonie. Le Docteur Jivago de Pasternak est un chef-d'oeuvre qui repose en partie sur les échanges épistolaires de l'auteur avec Staline jamais avare de commentaires. Staline contribua également au retour de Gorki en URSS peu après sa création, Gorki étant considéré à cette époque l'écrivain russe socialement lucide le plus en vue sur la scène mondiale. En parfait marxiste, Staline était anti-exclusiviste. S'il fut le seul à sauver Israël de son anéantissement instantané après sa proclamation unilatérale comme Etat indépendant le 15 mai 1948, en livrant les armes nécessaires par l'entremise de l'Allemagne de l'Est, ce service lui coûta la vie. (Les Etats-Unis à l'époque ne favorisaient pas la création de l'Etat d'Israël, préférant consolider leurs alliances avec le monde arabe, en particulier avec l'Arabie saoudite, arabe elle-aussi mais déjà première puissance pétrolière.) En effet, Staline insistait sur la résolution de la « question juive » en URSS en créant une République soviétique juive autonome, ce qui aurait automatiquement mis fin à une réelle surreprésentation à tous les niveaux centraux en URSS. Ceux-là même qu'il tira des camps nazis et, entre autres, des griffes de l'Homme Juste Parmi les Nations (sic !) Schindler et de son comptable juif Stern, l'assassinèrent pour mettre fin à ce processus. Puis sa mémoire fut systématiquement salie de manière typique en faussant la mémoire historique et en lui imputant les crimes du juif-soviétique Yeshov par deux rapports faussement secrets. Yeshov était le Sade de la Section des Pique soviétique, infiltré dans les rangs révolutionnaires pour les discréditer par la terreur. La terreur cessa d'ailleurs immédiatement après la condamnation de ce nabot juif criminel, cette vérité n'est pas historiquement contestable. Les mêmes qui poussèrent Khrouchtchev à accomplir ce réel coup d'Etat anti-communiste, introduisirent alors le marginalisme socialiste en URSS, contribuant ainsi à en réifier et bureaucratiser les processus, à en ralentir le progrès par la falsification marginaliste du Plan. Et, finalement, à trahir et à dépecer l'Union soviétique de l'intérieur. Aujourd'hui, ils rêvent encore de faire subir le même sort à la Fédération russe. Jamais crime contre l'Humanité et son devenir historique ainsi que contre la Mémoire en particulier de toutes les Résistantes et les Résistants au nazifascisme ne fut aussi vil et aussi considérable. Il fut écrit que celles et ceux qui ignorent les leçons de l'Histoire sont destiné-e-s à en reproduire les erreurs et à en subir les conséquences.

 

 

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