ECONOMIE POLITIQUE INTERNATIONALE/INTERNATIONAL POLITICAL ECONOMY
Analyse préliminaire des élections présidentielles américaines:
Quel ''centre'' et au nom de quelles ''valeurs''?
Chères camarades, chers camarades,
J'espère que cette analyse préliminaire sera digne de votre intérêt. Le populisme de droite cherche naturellement à atomiser le ''travailleur collectif'' et à diviser la planète pour régner. Y a-t-il un ''populisme de gauche''? Evidemment, non! Mais la gauche peut allier la vérité des faits, la vision solidaire d'un avenir meilleur avec le ton et la rigueur de ses tribuns d'antan. Dans le but de rendre une ''Nouvelle donne'' possible. L'Intelligentsia, dont on disait jadis qu'elle était le plus souvent de gauche, a son rôle à jouer: il consiste à nourrir l'esprit critique et à immaginer des praxis démocratiques nouvelles pour faire pièce aux faiseurs d'opinion de la nouvelle droite contemporaine. Qu'est-ce qui fait le plus défaut aujourd'hui?
Votre,
Paul De Marco
Analyse préliminaire des élections présidentielles américaines:
Quel ''centre'' et au nom de quelles ''valeurs''?
Sommes-nous de ''retour'' à 1922, à 1933 ou à 1938 ?
Il y a de quoi rire ou pleurer avec la ''révolution des valeurs'' de Karl Rove, le spécialiste du porte à porte! ''Valeurs?''. Rien d'autre que la conscience ou plutôt la conscience parcellaire induite de l'extérieur, la ''mauvaise conscience'' politique classique des classes subordonnées idéologiquement et mobilisées selon des logiques populistes contraires à leur propre intérêt de classe.
Les conditions matérielles précèdent toujours l'essence. Les programmes sociaux et les structures sociales et démocratiques comptent parmi les conditions matérielles les plus importantes du point de vue de la vie quotidienne des gens et de leur ''tranquillité'' psychique. Or, aux USA, conséquence directe de la contre-révolution reaganienne, les transferts de fonds de l'Etat fédéral aux Etats et aux municipalités ont été charcutées aux forceps. Certaines écoles n'ouvrent que quatre ou trois jours par semaine parce qu'elles ne peuvent plus payer le chauffage. Les routes sont quasi-impraticables: le transport routier, plus important que le ferroutage sur le continent nord-américain, en subit la conséquence par l'usure prématurée des suspensions et l'éclatement des pneus (choses imprévues par le Nobel Stiglitz et ses amis continentaux du type Riesman). Le système de santé, déjà inexistant pour 40 millions de personnes, est maintenant détruit pour l'essentiel. Il nefonctionne plus vraiment qu'au bénéfice des grandes compagnies pharmaceutiques recevant des milliards sous forme de bénéfices fiscaux et d'augmentation du prix des médicaments par le biais des assurances privées. Les syndicats sont détruits depuis l'offensive reaganienne dirigée contre les contrôleurs aériens. Le taux de syndicalisation oscille autour de 16 % dans le Nord, mais seulement de 9 % dans le Sud, éliminant ainsi le seul contre-poids institutionnel à la force des multinationales. La précarisation s'accroît partout à une vitesse géométrique: elle n'est masquée que par des artifices, le principal d'entre eux étant la division en deux des emplois permanents par l'augmentation du part-time. Les gens s'en sortent seulement parce que Bush vient de permettre l'augmentation de la durée du travail (par les heures supplémentaires) forçant ainsi les travailleurs à des semaines de 60 heures lorsqu'ils le peuvent (cette extra-exploitation est alors vécue comme une ''aubaine'' par des gens qui, en moyenne, sont forcés de se contenter de 34 heures par semaine, non du fait de la RTT mais du fait du réaménagement néolibéral du temps de travail lié à la nouvelle parcellisation post-fordiste des tâches. L'endettement individuel continue ainsi à croître malgré le ''house effect'' assez fantasque de Greenspan pour la plupart, une aubaine qui deviendra un boulet au pied avec la hausse inévitable des taux d'intérêts. Le système de pension (Social Security) n'est plus assuré après 2008 mais il a déjà subi les contre-coups ruineux de l'éclatement de la bulle spéculative. Une compagnie comme GM, ancien fleuron et symbole des USA d'après-guerre et de la massification industrielle, est aujourd'hui grevée par le poids insupportable de sa dette au titre des pensions-maisons qu'elle ne peut plus véritablement assumer sans les revoir à la baise (autrement dit sans spolier ses employés et sans trahir la confiance de ses anciens travailleurs!). La situation se répète pour de nombreuses MNCs qui, dans le contexte idéologique actuel dominé par le paradigme darwinien de la ''gouvernance'', sont toutes loin de vouloir, ou même de pouvoir, imiter l'ancienne philosophie paternaliste de la compagnie Filène! L'idéal verse de nouveau dans les ''relations industrielles'' censitaires et fascisantes du type Barrault! Le reste est à l'avenant.
Valeurs? En fait, il s'agit surtout de vulnérabilité et ''reconnaissance du ventre'' envers les ''faith based initiatives'' et la charité privée se substituant au régime d'assurance sociale étatique garantissant des droits sociaux au titre de la citoyenneté (voir ''Le lit du néofascisme'' et son ''Annexe'' prophétique à ce sujet, http://lacommune1871.tripod.com in section Racisme, Fascisme et Exclusivisme). Ces organisations caritatives constituent aujourd'hui le seul point d'ancrage concret ressentit comme tel au quotidien, selon une dépendance déjà réelle ou jugée inévitable, de tous les Américains à l'exception des 20 % les plus riches. En effet, ces organisations concernent désormais la charité publique, mais aussi les écoles (''no child left behind'' ... quatre ou trois jours par semaine, pour le moins !). La réalité est que les USA sont en train de reproduire le même système de ''production'' des ''valeurs'' que l'Algérie post Ben Bella réhabilitant peu à peu les organisations sociales musulmanes alors que l'Occident assassinait le rêve pan-arabe porté par Nasser et le parti Ba'ath, semant ainsi les graines du FIS et de l'islamisme radical actuel. Mieux, ils réinventent activement maintenant le même système en vigueur au Pakistan avec les madrassas! S'il fallait comparer les grandes choses aux petites, le même théocratisme de fond est en jeu, avec proportionnellement les mêmes moyens financiers mis à sa disposition par l'Etat. Or, inutile prétendre réinventer l'eau chaude: mutatis mutandis, les mêmes causes produisent les mêmes effets, avec des saveurs particulières. Et, après tout, ce sont bien les Etats-Unis d'Amérique qui ont inventé l'embarras du choix pour la consommation des glaces et les chaînes télévisées !
Vulnérabilité structurelle, reconnaissance du ventre au quotidien. Voilà les raisons de la polarisation politique et idéologique, les conditions sous-jacentes concrètes de l'actuel chacun-pour-soi. Cette réalité structurelle, déjà pesante avec Reagan, est aujourd'hui aggravée par l'hystérie entretenue à dessein par la ''guerre au terrorisme'' et par la paupérisation accélérée des classes moyennes (délocalisations, globalisation du capital spéculatif, mais également du capital productif délocalisant l'ensemble des cycles du capital liés au capital productif vers les marchés émergents de l'Asie offrant simultanément des bassins inépuisables de ''cheap labor'' et un marché solvable en croissance constante.) Le gouverneur G. W. Bush pratiquait, dit-on, un style de gouvernement axé sur la coopération bipartisane et la ''compassion conservatrice''. Ces tentatives de légitimation sociales ont laissé la place au ''marteau nietzschéen'' depuis le fatidique nouveau ''Pearl Harbor'' du 9/11. Un choix qui ruine structurellement le pays et l'Occident à un rythme inconnu jusqu'alors.
CNN a fourni quelques chiffres qui permettent d'illustrer ces basculements idéologiques. Les ''mères de famille'', qu'on le veuille ou non, sont encore plus concernées directement par les effets du démantèlement des programmes sociaux que le reste de la population. Elles sont donc généralement aussi plus ''conservatrices'' dans le sens étymologique du terme. Ce groupe cible accordait 11 % de préférence à Al Gore, vu comme un représentant de la prospérité économique telle qu'elle fut vécue durant les deux mandats de Clinton. Après 4 ans de contre-réforme bushiste, c'est le suave-qui-peut général parmi ces piliers quotidiens des familles paupérisées américaines, en en passe de l'être, souvent contraintes au double emploi sexiste (et donc au triple emploi réel), n'accordaient plus que 2 % de préférence à M. John Kerry.
Les Hispaniques américains possédant déjà la citoyenneté américaine, traditionnellement démocrates, mais liés aux secteurs militaires, du moins de par leurs organisations officielles, se découvrent soudain une âme reaganienne vis-à-vis de la ''concurrence déloyale'' des ''aliens'' souvent mexicains. Ces derniers constituent désormais une concurrence intolérables pour les emplois qu'ils occupent eux-mêmes au bas de l'échelle. Bush joua la-dessus avec un cynisme inégalé en permettant l'entrée illégale des ''aliens'' afin de favoriser les MNCs, tout en soumettant cette entrée à un permis de travail temporaire. Mesure parfaitement inefficace contre l'invasion annuelle des plusieurs centaines de milliers d'immigrants illégaux, mais qui eut l'effet électoral escompté.
Le poids idéologique de ces nouveaux ''poor Whites'' se fait sentir également dans le Sud. Ce Sud qui a basculé en bloc au reaganisme du fait de la défection des ''Reaganian democrats'', est également le bastion des ''born again Christians''. Ceux-ci représentent 20 % de l'électorat américain, ce qui explique en grande partie l'écart des voix de 3,5 million en faveur de G. W. Bush, (globalement et à moyen terme ceci ne serait pas forcément une mauvaise nouvelle pour les Démocrates du fait de leur concentration géographique.) Avant d'être réhabilité comme sionistes chrétiens par les Wolfowitz, Sharon et autres, ils appartenaient surtout aux mouvances discréditées gravitant autour des secteurs les plus conservateurs parmi lesquels la frange du néofasciste Duke. Cette réhabilitation crapuleuse est aujourd'hui liée à deux phénomènes de fond. D'une part le basculement, depuis une trentaine d'années, des activités économiques de la Côte Est vers le Sud et le Sud Ouest (voir le cas typique de la famille Bush). La Cote Est conserve néanmoins ses vieux réseaux financiers dominants et ses centres universitaires agissant comme attracteurs sectoriels haut de gamme. Ce basculement s'accompagna d'une croissance démographique du Sud traduite ensuite par un poids accru dans les collèges électoraux. D'autre part, la crise économique, aggrave ici par la remonté d'un certain racisme latent en provenance des nouveaux ''poor Whites}''. Ce groupe inclut aujourd'hui les classes moyennes à qui Lieberman promettait la fin réelle de l'Affirmative Action, fin traduite en code, alors que personne n'était dupe des intentions réelles selon la formule: ''amend it, don't destroy it''. Car, cette conquête démocratique servait toujours comme instrument de légitimation politique pour ces 10 % de la communauté noire américaine votant pour les Républicains. Elle servait également pour donner bonne conscience à l'électorat démocrate urbain de la Côte Est et de la Côte Ouest des USA! Souvenez-vous du ''dérapage'' calculé de H. Dean à propos du drapeau confédéral! Tant que le sionisme dual américain ne sera pas défait idéologiquement et en pratique, les conditions socio-économiques qui le sous-tendent et les organisations politiques qui lui donnent forme, ont le potentiel de transformer tout le Sud américain et l'ensemble des USA en nouveau terrain d'affrontement généralisé entre Queen et Bronx, en nouveau Los Angeles. Il est à espérer que le Parti de Bush sache se tenir '' on the right side of the track'' (du bon coté du proverbial ''chemin de fer'') en ce qui concerne l'Affirmative Action et l'intégration des minorités, autrement ce ne sont plus seulement les Républicains libertaires et égalitaristes d'origine que nous regretterons mais également Myrdal et les deux frères Kennedy assassinés!
La Californie échappe encore en partie à ces tendances destructrice du fait de sa masse démographique et économique qui en fait la troisième puissance économique mondiale, une puissance bénéficiant de la force relative des brevets et de la propriété intellectuelle liée à la Nouvelle économie intangible et aux petites mains mexicaines travaillant dans la Silicon Valley. Le nord de la Côte Ouest bénéfice pour sa part de la concentration d'industries civiles fortement liées au complexe militaro-industriel. Bien entendu, ce groupe particulier n'a jamais souffert du ''keynésianisme militaire'' de Reagan et de Bush. C'est le cas de Boieng et des autres constructeurs aéronautiques. Cependant, même la Côte Ouest risque d'être rapidement laminée sous les coups de boutoir de l'internationalisation du capital productif et du capital spéculatif à court terme, intensifiés par la déréglementation globale, notamment en matière de propriété publique et de douanes (pour les biens et les services). S'y ajouteront brutalement les coups de boutoirs de la délocalisation et ceux associés à la montée rapide de concurrents asiatiques dans tous les domaines, y compris les domaines les plus pointus en termes scientifiques et techniques (L'Inde et la Chine produisent déjà plus d'ingénieurs que les USA . Ceux-ci, du fait de la structure lamentable de leurs écoles, doivent largement les importer de l'extérieur. En particulier, d'Europe et de Russie, zones en pleine déstructuration scolaire du fait de la privatisation à l'américaine du secteur de l'éducation !). Emblématiquement, l' ''Exterminator'' est déjà sur place. La relation organique vertueuse entre productivité micro-économique et compétitivité macro-économique, par le biais des programmes sociaux universels capables de faire baisser structurellement le coup de la force de travail, risque d'en prendre pour son rhume. Les déséquilibres fondamentaux américains également (balance commerciale, comptes courants, exposition extérieure du dollar etc..). Aucun ajustement monétaire n'est plus capable de résoudre ces dilemmes structurels américains puisque, depuis le Sommet de Doha, le Secrétaire au Trésor Snow a réussi à faire baisser le dollar de quelque 30 % vis-à-vis de l'euro et du yen. La croissance économique en deça de 3,5 % est incapable de suivre la courbe démographique et d'ajouter de nouvelles créations nettes d'emplois. La guerre préventive, quant à elle, a déjà coûté 200 milliards de dollars en un peu plus d'une seule année et provoqua une hausse considérable prix du pétrole qui passa à 50 dollars le baril et plus. Cette tendance délétère est encore accentuée par l'accroissement exponentielle de la consommation chinoise et asiatique qui concerne désormais toutes les matières premières. La hausse du prix du pétrole abolit entièrement à elle seule les maigres ''avantages fiscaux'' octroyés par G. W. Bush à 90 % des ménages américains, alors que les 10 % et même le 1 % les plus riches recevaient une manne financière dont l'effet se fait sentir moins sur les investissements productifs que sur l'épongement rapide des dettes privées accumulées suite à l'éclatement de la bulle spéculative. Ceci favorise, par conséquent, la reprise du mouvement général des ''mergers'' qui replace les entreprises américaines en bonne position vis-à-vis de ses concurrents mais n'ajoute aucune richesse réellement nouvelle à l'économie. Or, nous savons que 70 % de la consommation US vient des ménages! Ces largesses fiscales continuent pourtant d'engraisser Halliburton, la firme liée au vice-président Cheney. Vous avez aimé l'Iraq et ses juteux contrats? Vous adorerez l'Iran, la Syrie, le Soudan ...la liste est longue ... souvenez-vous ... plus de 60 pays promis à la destruction préventive et au ''régime change'' croisé par la Doctrine officielle de la guerre préventive ! Steinbeck n'avait-il pas décrit les profits colossaux des démarcheurs de fournitures de guerre, chose familière à la famille Bush et à leurs associés?
Le Centre des USA est majoritairement rural. Il est dépendant de la politique libre-échangiste reaganienne pour agroalimentaire de sorte que ses élites ont la même perception de la science environnementale et de Kyoto que Reagan lui-même! La tradition ''populiste'' droitière qui s'y répandit comme un feu de brousse, durant les années vingt et trente, y est encore très forte. Les influences plus ''libérales'' (dans le sens américain du terme) de l'Eglise méthodiste ne se concrétisent pas du fait de la vulnérabilité historique des ''family farms'' et aujourd'hui des autres activités économiques plus caractéristiques des ''hinterlands'' classiques. Au risque de me répéter, ces vulnérabilités deviennent politiquement contraignantes en l'absence de programmes sociaux et de planification économique. Souvenez-vous: Alors que le grand Steinbeck, participant convaincu de l'Union des écrivains et du renouveau artistique américain, écrivait des pages bouleversantes sur les ''share-croppers'', les News Dealers de Roosevelt concevaient le concept de l'Ever Green Granary. Les reaganiens ont préféré sacrifier ce système, pourtant minimalement développé aux USA, en prétextant des coûts annuels de l'entreposage des céréales et des denrées alimentaires. Le libre échange à tous crins (free trade) allait créer un ''just-in-time'' agricole capable d'envahir le monde en cassant les subventions des autres pays.(Ce qui aurait effrayé à juste titre le pauvre Jevons, toujours soucieux de l'application à l'économique de la connaissance des cycles de réchauffement du soleil !) Puis viendrait la domination totale du marché agricole et agroalimentaire mondial grâce au monopole sur les OGM! Les Democrats ont accepté ce programme de destruction pour les mêmes raisons idéologiques héritées de la guerre froide pourtant révolue qu'ils ont accepté la destruction et la non mise en place de programmes sociaux universels. Citons, par exemple, la réforme avortée du système de santé d'Hillary Clinton sous la pression des compagnies d'assurances privées. Ils en paient aujourd'hui le prix politique.
Ceux qui veulent comprendre en profondeur le paradigme politique du Centre ''rouge'' républicain (décidément tout est à l'envers aux USA, ces temps-ci!) devraient se reporter aux études de la différenciation politique, matérialisée durant la Grande Dépression des années trentes, entre l'Alberta conservatrice et la Saskatchewan social-démocrate, telle que décrite, par exemple, par le théoricien Macpherson (et ses émules, comme Richards etc..) Une Alberta à l'échelle continentale, vous imaginez? Ne manquerait plus que l' ''annexion'' politique. Et, de fait, les voies de communication majeures traversent aujourd'hui le 49 ème parallèle du Nord au Sud, le tout chapeauté par un système de sécurité continental qui, en réalité, ajoute le US Homeland Security américain au Norad sur toute l'étendue du continent Nord américain. Les citoyens canadiens n'ont par contre aucun contrôle sur le Congrès, lieu où les décisions politiques importantes sont prises. Par contre, les élites canadiennes, qui démarchent les immenses richesses naturelles du pays, disposent d'un bureau permanent dans le sous-sol du Département d'Etat (et d'une ambassade sur Pennsylvania Avenue pour entretenir les convives et opérer ainsi comme avant-poste commercial soucieux des arcannes propres aux réseaux impériaux pour le seul bénéfice de nos ''salespersons'' attitrées toujours soucieuses d' ''exemptions'' au sein de l'empire.)
Qu'en est-il des ''valeurs'' ordinairement associées aux USA dans l'esprit de leurs admirateurs classiques outre-atlantique et dans le monde? Liberté de moeurs, liberté d'expression, éclosion artistique moins entravée et soutenue par de puissants mécènes etc. Durkheim avait déjà expliqué ce qu'il faillait en penser: Elles fluctuent avec la prospérité matérielle des gens et des paliers de gouvernement, notamment selon des cycles et les conditions économiques.
Les USA comptent aujourd'hui plus de 2 millions de prisonniers, abandonnés souvent à des prisons privées. Pourtant un prisonnier coûte, en moyenne, US $ 50 à US $ 60 000 par an, de quoi rêver aux mesures de réhabilitation et de réinsertion sociales non répressives. Ces détenus paient ainsi le prix de l'obéissance servile à la loi par la majorité silencieuse appauvrie (une psychologie proto-fasciste, intrinsèquement autoritariste qui demeure la véritable explication du maintien de l'authentique ''goulag'' capitaliste et particulièrement de l'actuel goulag américain). Il est évident que cette sur-incarcération, assortie de la peine de mort, va de pair avec la manipulation de la hantise de l'anomie sociale, médiatisée conjointement avec cynisme par le pouvoir par le biais du ''droit'' à l'armement individuel et par la sanctification de la répression. Notamment de la ''peine de mort'' comme sanction éthique suprême du ''crime'' et des ''criminels''. ''Three times and you are out!'' voici le nouvel ''impératif catégorique'' de l'ordre moral autoritariste américain instrumentalisant la hantise de la ''récidive''. Durkheim en pleurerait de désespoir! Entre-temps , ce goulag américain est statistiquement d'un racisme d'un autre âge, prouvant ainsi que sa fonction première n'est que le contrôle sécuritaire des ''nouvelles classes dangereuses'', à réduire, sans ciller, à la nouvelle domesticité et au nouvel esclavage. Mais, alors que les cages de fer de Guantanamo reçoivent une certaine attention ponctuelle des médias et des cours de justice, le silence le plus complet règne sur ces prisons privées dont on chuchote sous le manteau qu'elles feraient pâlir de honte les geôliers d'Abu Ghraib! Quant au retour des valeurs ''familiales'' traditionnelles, le raisonnement n'est-il pas le même dans un contexte de destruction systématique de ce que Karl Polanyi appelait jadis la ''livelihood'' des classes moyennes et des nouveaux pauvres blancs (ainsi que de leurs frères africains-américains, hispaniques et amérindiens)? L'ordre totalitaire et l'opium du peuple comme substituts à la structuration stable des consciences individuelles et de classe obtenue par le biais de la démocratisation des institutions et la redistribution plus égalitaire des richesses nationales. Tout un modèle ''futuriste'' exportable, mais seulement par la ''guerre préventive'', comme le démontre brutalement la réalité internationale contemporaine.
You ain't seen nothing yet! Vous n'avez encore rien vu. Au nom développement des droits sociaux, et en conséquence de la défaite du New Dealer Wallace aux mains du faucon Truman, on substitua la démocratisation par le recours au système judiciaire à la militance politique (le syndicaliste Lewis de la CIO, les unions industrielles qui furent le fer de lance du New Deal, n'avait-il pas adopté le mot d'ordre d'une grande finesse politique en calmant partout: ''Le Président veut que vous vous organisiez!''. Avec l'arrivée de Truman au pouvoir même les politiques en matières de relations industrielles timorées de Wagner faisaient l'effet d'une menace ''socialiste'' voire ''communiste''! La politique sociale militante céda donc la parole au système juridique dont ce n'est pas vraiment le rôle. Et encore cela ne fut possible que du fait de la protection constitutionnelle de certains principes propres à l'égalité citoyenne. Ce fut la lutte pour les droits civils, les actions judiciaires collectives (class actions) suivies ensuite par la spécialisation d'une ''désobéissance civile'' nouvelle habilement judiciarisée par des ONGs modernes et financièrement solides, telles Greenpeace. Reagan imposa alors un tournant conservateur au sein de la Cour Suprême américaine avec la nomination extrêmement machiavélique du Juge Thomas.
La contre-réforme des valeurs se révèle alors pour ce qu'elle n'a jamais cessée d'être, un combat politique contre l'égalité citoyenne dans le pays de Thomas Paine. Selon l'image de l'historien William Appleman Williams, on a de nouveau revêtu Jefferson du manteau conservateur de Madison et de Jackson! Cette contre-réforme judiciaire porte gravement atteinte à l'ultime barrière érigée contre à la fascisation au quotidien des USA. Elle fut préparée par les hurluberlus de seconde classe tel les Friedman et Leo Strauss attachés aux basques de von Hayek et demeurés longtemps à l'abri des regards dans l'Université de Chicago alors que les rues en étaient offertes à la contestation étudiante et ouvrière. Elle promet aujourd'hui la destruction systématique des espaces de liberté sociaux et juridiques restants par l'action conjointe des sionistes chrétiens et juifs de l'entourage post-illuminé de G.W. Bush. (A la décharge de la communauté juive américaine dans son ensemble, jadis importante dans les luttes sociales et syndicales du pays, seuls 25 % d'entre elle vota pour Bush mais ce 25 % est animé par un fanatisme doctrinaire qui n'a d'égal que celui des milieux ''évangélistes''. Elle dispose en outre d'importants moyens financiers et institutionnels, y compris l'appui du Mossad, et des sections les plus conservatrices et pro-impériales des Establishments sécuritaires, militaires, financiers et médiatiques américains. Elle désire malheureusement la reconstruction sacrilège du temple sur les cendres de l'Esplanade des Mosquées, Troisième Lieu Saint d'un monde musulman placé sous attaque mais comptant 1,3 milliards d'individus, de nombreuses réserves de pétrole et des armements conséquents, sans compter une histoire millénaire qui les rend peu aptes au rôle d'auxiliaires subalternes) Ainsi, le Juge William Rhenquist sera bientôt remplacé par un candidat choisi par G. W. Bush!
Last but not least, les recours judiciaires individuels n'ont jamais été possibles pour plus de 80 % de la population américaine du fait de la quasi-inexistence de l'aide juridique (dont l'absence de fait est planifiée structurellement comme mesure de contrôle de classe). Reste les actions judiciaires collectives (''class actions'') que les sionistes trouvent ''triviales'' et qu'ils ont promis, à toute fin pratique, de supprimer! A cela s'ajoute des manipulations carrément racistes et théocratiques, par exemple, le poids donné à la lutte contre l'antisémitisme (en soi une bonne chose, si cela n'était pas défini de manière sélective et unilatérale, sans fardeau de la preuve) mais au détriment de la lutte nécessaire contre toutes les formes de racisme. 1922 ? 1933 ? ou 1938 en forme ''soft''? Le ''stalinisme'' de Staline, mais surtout celui post-stalinien ossifié propre des successeurs de Staline, commit plusieurs erreurs graves (Staline lui-même, quoique l'on dise de sa brutalité envers les ''classes ennemies'' du prolétariat, restant toujours fidèle à sa devise de concilier le ''pragmatisme américain avec le romantisme révolutionnaire russe'' sans jamais perdre de vue l'essentiel, à savoir la ''révolution sociale'' si chère à Trostky, c'est-à-dire la primauté du contrôle collectif des moyens de production). Paradoxalement, parmi ces erreurs, les plus graves vinrent de l'imitation des USA en matière de centralisation et de mécanisation agricole (accentuées par la description faite par Rosa Luxemburg de la productivité agricole (découlant de l'introduction de la culture intensive et des moissonneuses- batteuses dans le Mid West!) et industrielles (par incompréhension des chapitres de Marx sur le ''machinisme''). Verochilov, premier grand officier purement ''soviétique'', lu et compris par De Gaulle du temps de sa mission en Pologne, avait su tirer de meilleurs conclusions communistes de l'emploi des voitures à chenilles fabriquées par Renault et introduites à la fin de la Première guerre mondiale! De part, ce mimétisme, on substituait ainsi l'emphase qui aurait du porter sur les ''rapports sociaux de production'', sur le seul développement des ''forces productives''. Mais pire encore pour le développement de la ''démocratie socialiste'' pourtant inaugurée par les ''soviets'', le système judiciaire de l'URSS s'inspira de l'élection populaire de certains juges américains. Le système typiquement américains des ''checks and balances'' risque d'être rapidement mis à rude épreuve! D'autant plus que G. W. Bush dispose également d'une majorité au Congrès qui ne lui permet pourtant pas de gouverner toujours à sa guise mais qui accentue encore sa légitimité politique reconquise dans les urnes après un premier mandat entaché de soupçons de fraudes électorales. Nous sommes donc assez mal parti, pour utiliser une expression du vernaculaire. Totalitarisme? Nouvelle ''Road to servitude'' ? Une chose est sûre, beaucoup trop de gens se sont gargarisés sur des concepts et des théories alors qu'ils ne savaient strictement pas de quoi ils parlaient. Au frais de la princesse ... ou plus exactement du prolétariat, créateur de la plus value et payeur d'impôts.
Les ''valeurs'' ne sont qu'un gargarisme inutile en l'absence de la considération des conditions d'existence des citoyens. A moins qu'elles ne soient plus que l'épiphénomène d'une ventriloquie théocratique philo-sémite nietzschéenne, dont H, Kissinger serait un précurseur malgré lui!
Qui sème le vent récolte la tempête. Après tout, la passion destructive peut bien s'avérer être une passion constructive, par les voies détournées, sinon de la ''providence'', du moins de la ''ruse hégélienne de l'histoire''. Or, cette formule choc, devenue fond de commerce des néocons, est due à Bakounine, traducteur du Capital en russe, et non à Schumpeter, le brave professeur autrichien naturellement très pessimiste sur le compte du capitalisme du fait de sa connaissance approfondie des lois de mouvement du capital. En particulier, la tendance à la concentration et à la centralisation du capital qui constitue l'ordinaire (sraffien) de la ''concurrence imparfaite'', évidente depuis que les MNCs (voir Berle et Means dès les années vingt et Hobson, Hilferding et Lénine avant eux) ont remplacé les braves épiciers et bouchers du coin et la logique smithienne soutenue par leur ''main invisible''. Aujourd'hui, même l'emblématique cerisier ayant permis de confectionner le dentier du Général Washington et le proverbial pommier de la tarte sont tombés dans les mains quelque peu crochues de la génétique nietzschéenne capitaliste!
La question vitale demeure: comment reconstruire l'ancienne ''coalition arc-en-ciel'' et son internationalisme onusien à l'heure de l'émergence de l'économie non-matérielle, largement globalisée? J'ai proposée deux grands axes: le premier consiste à réguler l'économie domestique par la baisse structurelle du temps du travail, tout en accroissant la productivité structurelle par le biais de la reconstruction des programmes sociaux universels nécessaires à la reproduction de la force de travail. Le second consiste à concilier le plein emploi avec la liberté de mouvement globale du capital. Pour cela, il faut (autre enseignement du New Deal) des ''normes'' mondiales communes capables de rééquilibrer les grands flux de capitaux et les conséquences productives et fiscales qu'ils induisent. La restabilisation des déséquilibres fondamentaux croissants des nations recomposées dans des grands blocs régionaux est à ce prix. On ne s'en sortira pas sans l'adoption de contrôles variables et modélisables des capitaux, directement liés au plein emploi et à la vitalité des stratégies industrielles sous-jacentes. Ce que j'ai exposé dans la seconde partie de mon Tous ensemble sous le nom de ''Seuils Tobin''. Ces ''Seuils Tobin'', loin de constituer une entrave à la liberté mondiale de mouvement des surplus de capitaux, nécessaires à l'investissement productifs et la prospérité, contribueraient à en discipliner les dynamiques et ainsi à sauver le capitalisme global de ses propres démons (ses ''esprits animaux'' selon l'expression de Keynes). S'impose également la généralisation de l'ex-Amendement Byrd, traduit en nouvelle règle anti-dumping mondiale liée organiquement à la protection du plein emploi, donc à la protection de l'assiette fiscale de l'Etat et ainsi de la dignité des citoyens, comme travailleurs et comme ayant-droits.
La réhabilitation du ''rêve américain'' et de la ''démocratie avancée'' à l'échelle mondiale est à ce prix. Autrement, il importerait de se souvenir que toutes les tentatives impériales ont échouées jusqu'ici, puisque la domination d'un seul ne peut jamais signifier que la servitude de tous. (Même l'empire romain débutât sa décadence et son ultime destruction au Moyen Orient, ce que Paul Kennedy ou les tenants de Toynbee ne devraient pas ignorer!) Immanquablement, le fanatisme armé, s'il n'est pas défait par les voies démocratiques de la persuasion, est ultimement défait par les armes. Cela se traduit toujours alors par la recherche d'un bouc émissaire. La politique de l'autruche est plus mauvaise conseillère que les pauvres récriminations des proverbiales Cassandre. Or, le début de la défaite est déjà claironné par le ''quagmire'' (mot signifiant de part ses connotations historiques récentes) iraqien.
Nous regrettons déjà Monsieur John Kerry. Mais, dans quelques mois, nous lui saurons gré d'avoir eu le courage et la décence d'avoir commencé à articuler une vision plus enthousiasmante de l'Amérique, une vision plus progressiste, plus démocratique, plus pragmatique, plus multilatérale et plus citoyenne. Ce sont-là des ''valeurs'' autrement plus authentiques du peuple américain et des Pères de l'indépendance américaine, que d'aucuns voudraient confondre avec les valeurs prérévolutionnaires des loyaux sujets quelque peu sectaires, mais néanmoins souvent Quakers, de la couronne britannique cherchant en Nouvelle Angleterre plus de liberté religieuse!
Bien entendu, le discours politique de M. Kerry fut dramatiquement contraint par la psychose de guerre entretenue par ses adversaires électoraux. Mais il le fut également par la ''conscience malheureuse'' de nombre de Démocrates par rapport à la prospérité largement factice vécue durant les heures d'euphorie de la Nouvelle Économie. Ceci empêcha une structuration motrice des valeurs alternatives démocrates en faveur d'un nouveau ''rêve américain'', celui de la sauvegarde de la prospérité passée des classes moyennes par le biais de l'ouverture d'une Nouvelle Frontière interne. Malgré ces limitations, le candidat démocrate avait pourtant réussi à substituer habilement le discours fondateur de la guerre préventive, axé sur la manipulation éhontée de la ''peur'' entretenue d'un ''terrorisme'' indéfini mais faisant globalement office d' ''ennemi'' à abattre, par un discours alternatif sur la guerre illégitime et désastreuse contre l'Iraq. S'il était quelque peu timoré au sujet des ''délocalisations'', ceci est dû à la persistance de la vison dominante d'une interdépendance mondiale automatiquement favorable à la première puissance économique mondiale contrôlant les industries des services high-tech, théorie défendue telle quelle encore aujourd'hui dans toutes les meilleurs universités américaines, malgré les preuves contraires qui s'accumulent rapidement. Néanmoins, le candidat John Kerry avait promis de juguler les effets dits ''pervers'' de cette dynamique. A l'épreuve des choses, comme jadis FDR, il aurait vite réalisé que ces effets pervers ne sont en réalité que les conséquences génétiques d'un système ayant perdu tout ''feedback'' correcteur dans l'abandon de la globalisation à un capitalisme sans régulation, abandon qui va de pair avec la fiscalité régressive de Reagan et Bush. Sweezy, Hansen, Heilbroner et tant d'autres économistes importants ne sont plus lus attentivement dans les départements des universités dites d'élites, au plus grand dam semblent-ils de M. Paul Samuelson ces temps-ci!. Entre-temps, M. Kerry avait compris le rôle des programmes sociaux, en particulier celui d'un bon système universel de santé, et de la consolidation de la Social Security pour la reproduction de la force de travail et la baisse structurelle du coût du travail aux USA. Surtout, il s'était montré sensible à la détérioration de la vie des salariés américains surexploités ainsi qu'au rôle incontournable de la consommation des ménages qui contribuent à eux seuls 70 % du PIB. Il avait donc promis, non pas l'extension inhumaine des heures de travail selon le rythme tout à fait aléatoire d'une économie déréglementée et soumise à la sous-contractation et au just-in-time, mais plutôt d'augmenter rapidement le salaire minimum de ses miséreux US $ 5.15 de l'heure actuels, à US $ 7.00. Une mesure qui, à elle seule, honore son programme et aurait dû lui valoir l'élection. Dans le sauf-qui-peut actuel, l'Ohio se raccrocha de justesse au saupoudrage protectionnisme manié avec tant d'unilatéralisme cynique par les Républicains sans que les Démocrates prennent l'initiative de promettre un changements très partiel de la politique du libre échange à tout crins (free trade) en faveur d'une politique de commerce équitable (fair trade) accès sur la lutte contre le dumping social grâce à une nouvelle régulation mondiale liant organiquement l'anti-dumping au plein emploi. L'épistémologue Thomas Kuhn dénonçait jadis la rigidité paradigmatique d'une certaine ''texbook science''. Cette limitation est encore bien plus grave lorsque les économistes y sont sujets. Keynes illustrait ceci en affirmant ironiquement que les politiciens étaient toujours victimes des ''économistes du passé''. Le Parti Démocrate doit maintenant se sortir de ces vieux paradigmes éculés.
En résumé, toutes ces contraintes systémiques néolibérales sont à la vérité très éloignées du discours néoconservatuers sur les ''valeurs'' qui semblent trop facilement prendre pour acquis qu'il n'existerait qu'une unique série de valeurs acceptable issue de leurs nouveaux catéchismes! Parmi toutes ces contraintes qui pesèrent sur le résultat électoral final, soulignons la place électorale de la ''psychose de guerre'' entretenue en permanence par les Républicains. CNN remarqua que chaque cassette vidéo de Ben Laden provoquait une remonté de près de deux points (2 %) de la cote de popularité de G. W. Bush. L'authenticité de la dernière cassette en date durant les tous derniers jours de la campagne électorales, ne pouvait bien entendu plus être vérifiée par les cadres électoraux du Parti Démocrate. Elle élimina à elle seule les gains acquis, avec style et persuasion, par le candidat démocrate tout au long de la campagne électorale et notamment durant les trois importants débats télévisés. Bien entendu, ces pourcentages, tout comme l'essentiel des 3,5 millions de voix supplémentaires obtenues par Bush, se concrétisent surtout dans les couches déjà acquises aux Républicains et selon une dispersion géographique connue, mais néanmoins déterminante pour les collèges électoraux. Etaient concernés le Sud et le Centre, mais également de manière stratégique le Mid West industriel, profondément destructuré par la révolution monétariste reaganienne, à l'instar de l'ancienne ville industrielle de Pittsburg qui fait pourtant des efforts exemplaires pour essayer de se redonner un nouveau souffle économique en revitalisant certains de ses quartiers. Sud et Périphérie du Nord, donc. Courtisés comme nous l'avons vu par le va-et-vient électoral des candidats. Dans le fatidique Ohio ce fut une bataille entre d'une part Cleveland et Cincinnati et leur arrière pays respectif. A la fermeture du scrutin il manqua seulement 140 000 voix au candidat Kerry, le privant de l'important collège électoral et du même coup de la victoire. (Le vote de la masse importante des nouveaux inscrits et les ''exit polls'' furent décidément ''contre-intuitifs''. De plus, le rôle joué par le vote électronique sans trace matérielle, reste invérifiable. Néanmoins, la marge électorale du candidat vainqueur est strictement congruente avec les sondages les plus sérieux. Il s'agit plutôt là de problèmes techniques à analyser par les spécialistes des élections, les machines électorales des partis et les commissions électorales, afin de préparer les élections futures et leur assurer un maximum de transparence.)
Pour l'Europe, la Russie, la Chine et tous les autres pays, la seule question pertinente aujourd'hui est celle-ci: Avec quel statut s'associe-t-on ou suit-on ''la marche à l'empire'' d'une puissance étrangère? Celle du mercenaire, de la force auxiliaire ou du ''servo in camera''? Aucune de ces options n'étant acceptables, la Charte de l'ONU doit guider le comportement multilatéral sans la moindre vacillation. Pour le reste, donner du temps au temps, et donner plus de lest à la corde. Le temps contemporain, on le sait, est accéléré ...par l' ''élan vital'' déclenché par la marche à l'empire, mais en sens inverse. Nécessaire et incontournable force de ''l'inertie''! De plus, de par la logique institutionnelle américaine, dans 4 ans Bush deviendra une curiosité déplorable du passé. La déconstruction de l'Etat social européen à marche forcé est, de ce point de vue, d'un aveuglement ahurissant!
Que penser des stratégies électorales (américaines, mais également européennes) qui prétendent gagner les élections en courtisant le ''centre'' de l'éventail politique qu'elles contribuent à détruire socio-économiquement? Adapter le néolibéralisme mâtiné d'une ''justice sociale'' à la Rawls, cela veut simplement dire que l'on est uniquement prêt à considérer les cadeaux fiscaux à des groupes sociaux ciblés comme nouvelle ''clientèle'' politique, au détriment de la défense du niveau de vie des classes moyennes par le partage du travail et les programmes sociaux (contribuant au ''revenu net global'', plus stable que le salaire capitaliste individuel dans une économie globalisée et fortement dualisée). On scie d'ailleurs ainsi la branche sur laquelle on est assis, puisque l'on réduit de la sorte l'assiette fiscale de l'Etat et, en définitive, sa capacité à continuer à cibler les groupes en question. Les ''self-contented classes'' sont une espèce particulière qui rabougrit en s'affirmant, une nouvelle ''peau d'âne''. Le remplacement des transferts de revenus par des ''fiscal expenditures'' (exonérations fiscales structurelles) d'ailleurs monopolisées par le grand capital, ainsi que le démontre à l'envie la politique fiscale de G. W. Bush, connaît fatalement des rendements décroissants d'une célérité prévisible qui préparent activement un grand cycle déflationniste (Ou, pour parler plus précisément, un grand cycle de surproduction mondiale et de sous-consommation occidentale, l'envers exact de l'économie Wal Mart mise en place par les théoriciens néocons et leurs collègues spécialisés dans l'étude de l'asymétrie institutionnalisée, cette nouvelle mouture abâtardie du Repeal of the Corn Laws.
Si la tâche urgente des partis authentiquement de gauche est de renforcer leur cohésion idéologique interne et leur discipline organisationnelle afin de défendre les intérêts des classes laborieuses (actives ou réduites au chômage), celui du ''centre gauche'' ne peut pas être d'imiter servilement les néolibéraux de droite sous prétexte de reconquérir le ''centre'' selon les mêmes méthodes de ciblage individualisé, promises d'avance à l'échec. Leur rôle serait plutôt de mettre sur pieds des programmes réhabilitant le travail par son partage (RTT) et la place structurelle dans la détermination de la compétitivité nationale (ou de bloc) des ''revenus nets globaux'' (programmes sociaux) nécessaires au soutien interne de la consommation des ménages et offrant des revenus fiscaux directs (impôts) ou indirects (contributions sociales) canalisables par le biais de nouveaux instruments, tels les Fonds Ouvriers. A leur tour, ces Fonds Ouvriers, très différents des fonds privés anglo-saxons actuels, permettraient de soutenir une insertion gagnante et flexible au sein de l'économie mondiale capitaliste.
Quoi qu'il en soit, pour les communistes (réformistes révolutionnaires), les valeurs philo-sémites nietzschéennes ne passeront pas. Ni en leur sein ni au plan social ou mondial. Construire ses propres bases d'appui et de résistance démocratique tout en étant prêts à forger des alliances de classe tactiques avec le ''centre gauche'' uniquement si celui-ci finit par se détacher du désastre économique et social proto-fasciste planifié consciemment par les forces nietzschéennes impériales croisées, rêvant de réintroduire la Loi de Manu: voilà la véritable urgence de l'heure.
Le ''centre'' ne s'est jamais bêtement conquis par une simple adaptation giolittienne de l'idéologie des partis politiques. Le ''centre'' se conquière en agissant avec détermination sur sa formation et sa consolidation. Ceci fut démontré avec éclat par la bourgeoise européenne, qui depuis Bernstein et Beveridge, et plus encore depuis la formation de l'Etat-providence d'après guerre, construisit l'Etat social avec une ferveur toute missionnaire afin de mieux couper l'herbe sous les pieds du communisme bolchevique. Souvenez-vous, Keynes était alors donné pour un dieu de la science économique par des gens qui ne le comprenaient pas mieux que le Finnegans Wake de James Joyce, mais pouvaient faire s'enorgueillir d'avoir assisté à un des fameux séminaires du maître à Cambridge! Aujourd'hui, en l'absence de l'Urss, la bourgeoise prétend faire l'inverse. Elle le fait en prenant bien soin de mettre en place le clientélisme nécessaire au contrôle des nouvelles classes dangereuses. La bourgeoisie néolibérale agit donc en détruisant patiemment mais systématiquement, pans par pans, le ''centre'' qui s'appuie sur les conquêtes, syndicales et politiques, de la démocratie propre à l'Etat-providence, dans l'espoir vain de repousser les nouvelles limites à l'accumulation du capital. Malheureusement, c'est là une course vers l'avant qui ne peut trouver son entéléchie de classe qu'avec l'introduction d'une nouvelle domesticité et d'un nouvel esclavage. En effet de combien faudra-t-il faire baisser le salaire horaire moyen d'un Américain ou d'un Européen pour qu'il soit concurrentiel en ces termes individuels non médiatisés, rappelant le principes des vases communicants, avec le salaire moyen d'un Chinois ou d'un Indien?
Dans une telle optique néolibérale, puissamment surdéterminée, les illusions sont superflues. En acceptant cette logique de base, l'alternance politique pour le ''centre gauche'' consistera uniquement à jouer le rôle de ''bas clergés'' chargés de maintenir l'ordre, soit par la répression policière ouverte soit par la ''justice sociale'' à la Rawls et la Giddens. Ceci n'est plus entièrement du domaine de la politique propre aux démocraties fondées sur la volonté du peuple souverain. La compatibilité serait plutôt à rechercher du coté de l'introduction d'un nouvel esclavage et de son traitement selon les pratiques de ''l'intervention sociale'' en milieu ''difficile'' dûment appuyée par la pratique de l'enfermement, y compris celles des enfants échappant à la rétaline, par la généralisation de la sur-incarcération, et l'introduction des drogues douces avec l'objectif de contrôler les jeunes les plus potentiellement turbulents (voir, l'expérience pilote menée jadis avec grand succès par le FBI de Edgar Hoover afin de contrôler et dévoyer le mouvement étudiant durant les années soixante, particulièrement à Berkeley). Les autres citoyens hériteront des rythmes abrutissants du travail sous-payé. Une cadence qu'ils devront endurer pour la plupart jusqu'à trois ans avant l'âge moyen de la mort. Et en prime, dignité oblige, ils auront la possibilité de choisir ''librement'' , dans ces conditions exactes, l' ''euthanasie'' et la ''mort dans la dignité''. Pour sa part, le terrorisme, surtout le terrorisme kamikaze, expression incontrôlable des pulsions de mort des esclaves dominés, inorganisés mais non asservis, est déjà élu au rang de crime entre les crimes! Les orgues de barbarie ne valent que s'ils jouent pour le Pouvoir qui compte bien s'arroger, plus que jamais, le ''monopole légitime de la violence''! On le voit: Ceci n'est pas une politique social-démocrate viable visant à occuper le ''centre'', mais plutôt une politique nietzschéenne besogneusement engagée dans l'entreprise proto-fascisante de destruction du ''centre'' et de ses lubies démocratiques et citoyennes d'un autre âge pouvant faire obstacle au démantèlement de la laïcité et des programmes sociaux résiduels. Beaucoup de renégats européens ayant senti le vent dominant s'évertuent à donner activement des gages de soumission et de disponibilité. Ils vont jusqu'à signer des appels proprement déshonorants puisqu'ils salissent la mémoire de centaines d'enfants brutalement assassinés par des ''nihilistes militants'' anciennement nourris et armés par ceux-là mêmes qui rédigent les appels!
Le centre gauche européen a donc désormais le choix: Occuper une position subalterne à la bourgeoisie néolibérale globalisée et se détruire lui-même à terme, ou bien adopter des politiques capables de reconquérir le ''centre démocratique'' en lui restituant des conditions de vie matérielles collectives dignes du nom (approfondissement de l'Etat social adapté à la globalisation dûment régulée) et de dignité citoyenne.
Seule la seconde option permettrait de contempler une alliance de classe avec les représentants communistes du prolétariat actif ou passif. Autrement, cela n'est pas humainement et démocratiquement concevable. Sans alliance de classe programmatique et électorale allant dans la bonne direction, ce sera la crise économique et la résistance à la psychose de guerre qui seront déterminants. Les Partis communistes doivent donc s'y préparer avec la dernière fermeté et accroître leur cohérence et leur discipline démocratique interne, au plan national, au plan européen et au plan international. Trop de retards ont déjà été accumulés du fait des manigances des ennemis internes bien connus. Ces derniers ont vainement choisi la première option et rêvent, par conséquent, de dénaturer tous les partis communistes, obstacle ultime à ce criminel ''retour'' nietzschéen sous ses oripeaux philo-sémites détestables actuels. Bien entendus, méritocratie nietzschéenne oblige, ils deviendraient ''naturellement'' alors les pontifes auto-désignés d'office de ces partis refondés en veine a-communiste !
Nous sommes à la croisée des chemins: 1922, 1933 ou 1938? Certains ont pu dire que nous ignorons l'histoire uniquement au prix d'en répéter les erreurs.
Paul De Marco, professeur de relations internationales.
Copyright 4 novembre 2004.