KEYNESIANISME, MARXISME ET PACTE DE STABILITE
Politique de l'offre ou politique de la demande
Plan
Introduction
Commentaires sur la pertinence de la remise en cause du Pacte de stabilité.
Pacte de stabilité vs politique de l'offre ou politique de la demande.
Perceptions liées au Pacte de stabilité vs positions des forces communistes et syndicales.
Notes
Extrait
(portant sur le Pacte vs la BCE, la " récession dans la Dépression " et la Zone euro ...)
Introduction
Il est de bon ton aujourd'hui de s'en prendre aux critères de Maastricht et au Pacte de stabilité et de croissance. Plusieurs " experts ", parmi lesquels de nombreux économistes d'Attac, en ont quasiment fait un autre " mythe sorélien " : peu importe la réalité concrète et les faits, peu importe les intérêts du prolétariat, la " dénonciation " de la BCE, celle du Pacte de stabilité, a fortiori les deux ensemble pour faire bonne mesure, voilà des thèmes " porteurs " ! Mais comment ne pas voir qu'ils n'engagent à rien puisque demeurant pour l'essentiel en droite ligne des politiques gouvernementales concrètes dénoncées par ailleurs à juste titre comme des politiques néo et ultra-libérales ? L'accent et la tournure changent, le fonds est identique.
Plusieurs personnes sincèrement à gauche, y compris de nombreuses personnes parmi celles citées précédemment, en arrivent à partager cette analyse. Face aux politiques régressives menées par les gouvernements actuellement en place qui ne privilégierait-il pas la " croissance " sur la " stabilité " telle que conçue par la bourgeoisie et ses organes de pouvoir ? Je comprends l'énorme lassitude que la gauche authentique peut ressentir face à aux gouvernements berlusconien, chiraquien ou encore face à l'Agenda 2010 de l'actuel gouvernement social-libériste allemand. Cette lassitude exige toutefois un surplus de conscience politique et de détermination sur le moyen et le long terme, ce qui est tout le contraire de l'impatience provoquée par l'écœurement.
Je crois sincèrement que les critiques actuels des Critères de Maastricht et du Pacte de stabilité font fausse route et c'est pourquoi je soumets humblement les quelques commentaires critiques suivants à la critique fraternelle et rigoureuse de la gauche. D'ordinaire deux bémols s'imposent pour ce genre d'intervention : le premier concerne une formule de fausse modestie à l'effet que l'auteur des commentaires critiques ne détient pas la vérité en soi. Je ne conçois pas de critiques autres que constructives. De fait, si je pensais avoir tort, je me serais passé d'écrire ces remarques, ne serait-ce que pour l'admiration que je porte aux camarades faisant partie du mouvement antiglobalisation capitaliste et oeuvrant là où ils ont choisi d'agir, au niveau national, européen ou au niveau mondial. La seconde concerne une attitude, à vrai dire peu marxiste, qui consiste à occulter la responsabilité du théoricien en prétextant qu'il existe toujours un abîme entre théorie et pratique. Cette attitude est incompatible avec le marxisme qui fait profession d'analyser la réalité concrète dans ses contradictions et non pas ses reflets théoriques. La prudence, pour un marxiste, consiste à prendre son entière responsabilité pour une analyse faite avec la rigueur d'usage, ce qui implique qu'elle soit soumise à l'examen critique de ses camarades, avant d'être éventuellement appliquée et, le cas échéant, qu'elle soit par la suite soumise à une autocritique collective une fois appliquée pour corriger le tir, si nécessaire.
L'enjeu de tout ceci n'est rien d'autre que la défense du " bon sens " qui seul peut faire pièce à l'occultation des classes dominantes et de leurs thuriféraires " intellectuels " et conserver ainsi l'autonomie de pensée et d'action du prolétariat.
Ma thèse tient en peu de mots :
1) La remise en cause du Pacte de stabilité aujourd'hui sert exactement les mêmes intérêts que l'adoption et l'application des critères de Maastricht en son temps. Tout pays devant gaspiller plus de 3 % de son PIB sous forme de déficit budgétaire, aggravant ainsi une dette supérieure à 60 % du PIB, ne peut être qu'un pays promis à la ruine inégalitaire néolibérale nietzschéenne.
2) Le Pacte de stabilité interdirait-il aujourd'hui une véritable politique de relance (keynésienne ou autre) ? Non.
3) Les Partis communistes peuvent-ils mener à bien leurs luttes et alliance de classes (" réformiste révolutionnaire " ou autre) sur la base des théories économiques de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie du genre Attac. (a) Non. En clair, une politique de l'offre menée par le centre-gauche peut-elle jamais justifier l'appui programmatique des Communistes sans les mener à leur propre perte ?
Exposons brièvement chacun de ces points :
1) Commentaires sur la pertinence de la remise en cause du Pacte de stabilité.
Le Pacte de stabilité ne changeait rien aux critères de Maastricht mais définissait certaines modalités de son application. L'application laxiste et frauduleuse de ces critères, décidée dernièrement par l'Ecofin, sert exactement les mêmes intérêts de classe de la bourgeoisie que leur application stricte antérieure. La gauche et les travailleurs ayant déjà payé le prix de la mise en application des critères de Maastricht, leur intérêt de classe consiste à les défendre, aujourd'hui qu'ils pourraient en tirer parti, sous la forme d'une politique fiscale progressive et donc d'une politique de relance économique fondée sur l'emploi, la redistribution sociale et l'augmentation du pouvoir d'achat des salaires et des ménages.
Contrairement à ce que certains aimeraient prétendre, le laxisme actuel ne signifie en rien la mort de ces critères mais seulement de leur adaptation à la logique néolibérale de l'accumulation du capital préalablement débarrassée de toute contrainte publique. En effet, les données économiques ayant aujourd'hui changée, l'application rigoureuse des critères de Maastricht constitue la seule protection systémique pouvant contenir une politique de l'offre désastreuse aujourd'hui mise en œuvre en Europe selon le modèle en vigueur aux Etats-Unis. Il est vraiment difficile de comprendre pourquoi cela peut paraître si paradoxal à certains puisqu'en dépassant la barre de 3 % de déficit budgétaire, Raffarin s'est donné la possibilité d'opérer un transfert fiscal d'au moins 7 milliards d'euros au Medef dès la première année, auxquels s'ajouteront quelque 3,5 milliards supplémentaires durant la seconde année ! Or rien ne garantit que cette politique de l'offre aura des effets bénéfiques sur la " croissance ", ni que cette " croissance " éventuelle puisse bénéficier au budget de l'Etat ou à l'amélioration de la situation économique des travailleurs. Cela n'est d'ailleurs pas son objectif réel. Cet objectif réel réside dans la possibilité de concilier un PIB en hausse, pour la plus grande satisfaction de la grande et moyenne bourgeoisie, avec l'aggravation tranquille du sort de la majorité des travailleurs que le système électoral se charge par ailleurs de contenir. Au demeurant, l'expérience est déjà faite aux USA et en Angleterre et les résultats inégalitaires sont patents. En outre, les bureaucrates de Bercy ne s'attendent à aucun miracle dans les prochaines années, ce qui n'empêche pas leurs patrons politiques de persévérer dans leur voie outrancière de classe avec un aplomb de nouveaux " bourgeois conquérants ". Eux et leurs conseillers économiques rabattraient vite leur caquet si la gauche et les travailleurs savaient leur faire une obligation de résultats, sur le terrain. Notamment en oubliant les catégories économiques préférées des nombreux thuriféraires du néolibéralisme (leur " productivité " et leur PIB fictifs, frauduleusement donnés comme indices de la " croissance économique ") pour souligner notamment les disparités sociales et régionales, les taux de chômage, de sous-emploi, de précarisation et de pauvreté. Car, en économie, rien ne se perd et rien ne se crée, tout se transforme selon des règles axées sur le traitement de la force de travail active et passive.
La remise en cause du Pacte de stabilité permet à Chirac/Raffarin de vider les coffres de l'Etat pour mieux démanteler l'Etat social. Elle leur permet de continuer leurs transferts fiscaux, au seul bénéfice du patronat, tout en offrant de vagues promesses d'assainissement à la Commission européenne. Avilir la remarque de Jospin à l'effet que le Pacte devrait être appliqué intelligemment oublie qu'elle fut faite avant que le Pacte, dans sa forme actuelle, ne soit signé selon les vœux de nul autre que du président Chirac. D'autre part, cette intelligence et cette flexibilité voulue en vain à l'origine par M. Jospin est-elle compatible avec la brutale politique de l'offre suivie présentement en Europe et, en premier lieu, en France, en Italie et en Allemagne ? Bien évidemment non. Je reviendrais sur ce point. De fait les conséquences obligées de cette politique de l'offre, servilement calquée sur celle de Bush et compagnie, font partie du plan global de démantèlement de l'Etat social sorti tout armé des cartables du Medef et des marocains associés, avec l'appui de l'OCDE, du FMI et des brain-trusts capitalistes connus, résidant principalement aux USA.
Par ailleurs, finasser avec les critères et le Pacte sous prétexte que le Pacte de stabilité, étant aussi un pacte de croissance, l'endettement budgétaire devrait être modulé selon les volumes d'investissements dans chaque pays membre, revient à se donner un prétendu rationnel (une " intelligence " appropriée) pour faire sauter conjointement le seuil de 3 % budgétaire et l'exigence de s'en tenir à une plus grande rigueur encore dans ces pays membres de la Zone euro et de l'UE en général qui dépassent ce seuil afin de permettre l'abaissement du rapport dette/PIB lorsque celui-ci atteint plus que 60 %. D'ailleurs la conception d'une modulation déterminée selon le volume des investissements n'est en rien originale quoique sa provenance historique ne manque pas de piquant et reste d'un grand intérêt : en effet, l'idée de base revient à Samuelson. Ce dernier, suite à la crise mexicaine du début des années 80 et du risque grave de banqueroute en chaîne de la part de ce pays et de plusieurs pays d'Amérique latine, s'était avisé de concurrencer les Chicago Boys (déjà à l'œuvre dans le Chili de Pinochet) en rappelant qu'au-delà d'un certain seuil aucune sortie de crise n'était plus envisageable pour ces pays. On devine pourquoi. Les profits et l'épargne disponibles sur le plan interne ne suffiraient plus à la longue à cause de la tendance au rapatriement du capital vers les sièges sociaux. On sait que le pourcentage du contrôle étranger en Europe est partout considérable. Les artifices budgétaires et les comptes courants ne racontent pas toujours la même histoire ! S'avisera-t-on bientôt de nous conseiller les avantages de la " production pour l'exportation " (arguties sur le taux de change de l'euro à l'appui) pour en venir enfin au cœur du sujet, c'est-à-dire aux vertus rédemptrices de la " croissance négative " (ou de la " décroissance "), du moins pour tout ce qui concerne l'économie sociale et locale, en faisant naturellement fie tout à la fois des thèses du Club de Rome et des contre-thèses de Cambridge ?
Le " trou de la Sécu " en France offre une illustration éclatante de l' " habile " manœuvre de démantèlement : d'abord acheter l'appui électoral des classes sociales appartenant à ces " self-contented classes " (selon l'expression de Galbraith). En l'occurrence, ici, on augmenta sans contre-partie les honoraires des médecins. Le " trou de la Sécu. " explosa alors comme prévu. Cette tendance fut puissamment soutenue par la non-socialisation de la production et de la distribution des médicaments et de certains soins médicaux. La crise du système ainsi artificiellement créée et exacerbée permit alors de convaincre les électeurs de l'inévitabilité de la restructuration, de la déréglementation, voire de la privatisation de ces systèmes, afin de les " sauver " in extremis des demandes " injustifiables " de leurs clientèles, qui pourtant continuent de les fiancer ! Manœuvre d'autant plus aisée à mener à bon port que les médias dominants qui emploient des intelligences conformes, sur mesures et totalement " éveillées " dans le bon sens (de la fin de l'histoire !) traitent les électeurs comme des " veaux ". Cette manœuvre a du bon pour la bourgeoise puisque, avec l'appui de quelques syndicalistes gompériens ou adeptes de Touraine ou de Darendorf, sinon de Le Coq, Notat, Chérèque, Cohen et compagnie, elle permet de ne pas s'opposer frontalement aux groupes sociaux organisés et donc de les contourner sans prendre trop de risques politiques, en coulant les systèmes pour en appeler ensuite au " sens commun " des citoyens pour défendre les réformes comme des nécessités économiques naturellement situées au-dessus des intérêts des classes. L'Etat capitaliste ne prétend-il pas toujours d'être au-dessus des classes ?
Bush et Raffarin mènent leur politique fiscale régressive de la même façon, à quelques nuances près : l'idéologie de la " flat tax " américaine est remplacés en France et en Allemagne par celle de la " baisse des impôts " pour soi-disant pénaliser moins les efforts du travail, alors que dans les deux cas on pénalise les emplois (particulièrement les emplois permanents et payants qui offrent encore la possibilité d'une carrière) et plus encore les revenus non-salariaux provenant des versements sociaux qui sont nécessaires pour compléter les rémunérations salariales les plus basses. Dans les deux cas, personne n'ignore que ces politiques fiscales régressives profitent presque uniquement au 90 % des ménages les plus riches. Cela est vrai des politiques fiscales elles-mêmes et de la " croissance " fortement asymétrique qu'elles induisent en reproduisant, à un niveau toujours plus onéreux, les inégalités de départ.
Aucune " théorie distributive de la justice " à la Rawls ou à la Giddens ne changera rien à cela puisque ce type de théorie a justement vocation de légitimer cette spoliation structurelle du prolétariat. De fait, au prix d'une augmentation des déficits (budgétaire, comptes courants, financement de la Sécurité sociale) ces politiques peuvent produire une hausse du PIB, suivie par une hausse modeste mais réelle de l'emploi (compte tenu de l'évolution démographique), tout en aggravant les disparités entre travailleurs riches et pauvres (produisant de la sorte une dualisation et même une tertiairisation à outrance de la force de travail selon des paramètres jamais envisagés " officiellement " par Mallet ou Piore ou même par " alias " André Gorz). Ces politiques aggravent également les disparités entre régions nanties et défavorisées. Surtout, elles mènent au remplacement du " welfare " et de la formation de la main-d'œuvre, voire de la baisse légale de la semaine de travail, par un système fondé sur la charité et le " workfare ". Il s'agit bien là d'une " relance " digne d'une politique néolibérale de l'offre. Mais qui oserait appeler cela une politique " expansive ", même sans référence à Marx ou à Keynes ? Giulio Tremonti ne demanderait pas mieux que de pouvoir émuler 3 % de croissance statistique du PIB en remplaçant ses opérations semi-mafieuses actuelles (puisqu'elles légalisent des violations mafieuses de la loi) par de bons transferts fiscaux applaudis par la " gauche " puisque présentés comme politique de relance keynésienne ! A un certain degré d'application, cette politique de l'offre exhibe, en outre, un effet attendu avec une grande anxiété par toutes les bourgeoisies européennes, adeptes des changements de phase (ordre/désordre/ordre) prescrits par leur " nouvelle alliance " : la destruction effective, par simple érosion du nombre de leurs membres, des syndicats les plus militants (le cas de Fiat mais aussi celui des inégalités commises avec impunité contre la Fiom sont pourtant d'une aveuglante clarté.) La bipolarisation électorale, bipartisane de préférence, assistée par un scrutin majoritaire, fera le reste, avec l'approbation empressée des pathétiques transfuges du PCI et de la DC qui y voient, à juste titre, leur unique planche de salut.
Malgré ces évidences, certains voudraient pouvoir crier " Maastricht est morte " alors que nous pourrions et devrions scander " Le Capital est nu, que son gouvernement démissionne ". On se souviendra que par esprit européen plusieurs dirigeants de la gauche authentique défendirent la création et la mise en place institutionnelle de l'euro quitte à accepter temporairement les plans d'austérité qui en découlaient au vu de la dégradation des finances publiques. Cependant ces plans d'austérité devaient avoir à la clé une politique des revenus qui s'engageait à préserver le pouvoir d'achat des travailleurs, promesse que la bourgeoisie oubliant en prenant pour prétexte la rigueur nécessaire pour réussir l'entrée dans la Zone euro. Comment ne pas comprendre alors que la tentation soit forte aujourd'hui de saluer la remise en question du Pacte de stabilité en confondant celui-ci avec les politiques menées en son nom par la bourgeoisie ainsi que par la petite-bourgeoisie de centre-gauche " ? La confusion n'est d'ailleurs en rien dissipée en rappelant que la gauche avait soutenu la création de l'euro sans accorder son support à Maastricht, jugée responsable de l'austérité et des privatisations qu'elle justifia au nom de la lutte contre le déficit et la dette. Pour les tenants de cette thèse, le Traité de Maastricht et Pacte de stabilité représentaient donc une mauvaise médecine néolibérale depuis le début. Une camisole de force responsable de la récession. On peut donc seulement se féliciter de leur " mort ".
Cela ne rend pas justice à l'intelligence de classe et à la planification de la bourgeoisie : cette mise au rencard par l'Ecofin n'est que temporaire, elle sert aujourd'hui à enrichir le patronat et la bourgeoisie sur le dos des travailleurs (chômage, travail précarisé et " workfare ") et du pays (i.e. accroissement de la dette puisque les déficits budgétaires continuent d'avoir ce fâcheux effet cumulatif). Or, justement parce qu'ils sont mis temporairement au rencard au lieu d'être définitivement enterrés, ces critères s'appliqueront de nouveau sur la demande unanime de la bourgeoisie, du patronat et de tous les économistes bon chic bon genre, dès que le poids de la dette se fera ressentir sur les taux directeurs des banques centrales (et donc sur le contrôle des richesses nationales nouvellement produites et sur les facilités d'accumulation du capital, tant il est vrai que suivre l'évolution des bons du trésor n'a rien de poétique mais reste une tâche essentielle pour le prolétariat et de ses représentants). Ces fameux critères de Maastricht retrouveraient d'ailleurs rapidement leur valeur de loi naturelle inviolable risquant de provoquer dieu sait quelle catastrophe dans l'éventualité de l'élection d'un gouvernement de gauche. Un tel gouvernement pourrait, en effet, être tenté de relancer une politique salariale et sociale de gauche au lieu d'appliquer des plans d'austérité unanimement recommandés par tous les experts payés, imbus des mêmes préjudices de classe, y compris à " gauche ".
Dès l'annonce de la politique fiscale du Président Bush, j'avais tiré la sonnette d'alarme. (b) Lorsque celle de Raffarin/Chirac suivit, j'ai tenté de prévenir les dommages doctrinaires provenant forcément de certains milieux. Par exemple, en écrivant ceci :
" La stabilité est primordiale. Elle l'est plus encore pour la gauche et le prolétariat vivant de l'économie réelle que pour la bourgeoisie vivant de processus factices fondés sur des statistiques montrant le monde à l'envers (ex. PIB, " productivité " " croissance ") La stabilité concerne les prix et l'inflation, les profits et les salaires réels donc les entrées fiscales et, avec elles, les revenus réels (i.e. salaire plus filets sociaux) . La classe ouvrière et les travailleurs en général se sont longuement battus pour obtenir cette stabilité. Rappelons par exemple les luttes concernant la clause Cola aux USA ou la " Scala mobile " en Italie ainsi que leurs équivalents partout ailleurs, destinés à préserver le pouvoir d'achat.
Sans l'assurance de cette stabilité tout devient factice ou plus exactement spéculatif dans un monde économique contrôlé par le capital (le capital ayant éminemment le pouvoir de spéculer sur l'instabilité - et sur la " flexibilité " mondiale des taux de change -, pouvoir dont ne disposent ni les salariés ni les syndicats.) Or, la BCE soumise aux critères de Maastricht peut et, de fait, contrôle les mouvements des capitaux spéculatifs de par ses agrégats M2 et M3, eux-mêmes surdéterminés par les-dits critères. Elle favorise certainement le monde de la finance mais dans ces limites institutionnelles et comptables précises et préétablies. Supprimer le Pacte de Stabilité et les critères de Maastricht à ce moment ci, c'est-à-dire après que le prolétariat ait assumé tous les sacrifices possibles à coup de plans d'austérité pour permettre le respect de ces critères et l'entrée des pays membres dans la zone euro, revient tout bonnement à abandonner aux banquiers centraux et à leurs clients/patrons capitalistes toute liberté sur ces agrégats. Ce qui, en l'occurrence, peut bien être le vœu des " économistes " titularisés, voire de nombreux économistes d'ATTAC, mais qui, en aucun cas, ne peut être celui des économistes et des militant-e-s du PCF et de tous les PC de la zone euro. Car cet abandon des agrégats M2 et M3, correspondant à l'épargne spécifiquement canalisée par la finance ne signifierait en rien l'abandon du contrôle de la BCE sur l'agrégat M1 qui détermine largement l'inflation et donc les conditions faites au pouvoir d'achat des travailleurs actifs et de l'armée de réserve. Bien au contraire : ce contrôle pointilleux sur M1 serait renforcé au nom de la lutte contre l'inflation (même en adoptant, à l'instar du Royaume Uni, une conception proto-laxiste à la Modigliani qui, comme tout bon prix Nobel qui se respecte, ne dit rien sur les politiques salariales correspondantes et pour cause. Qui ne dit rien non plus sur l'inflation provenant du laxisme sur M2 et M3 mais invariablement épongé par M1) Il serait donc bon que la gauche se reprenne en main en matière monétaire et qu'elle cesse de parler au travers de son chapeau (ou pire encore qu'elle cesse de prendre pour argent comptant les théories de ses adversaires en se bornant à mimiquer les " experts " bourgeois et proto-bourgeois, de service ou pas. Ici comme ailleurs il importe de penser la réalité selon sa propre tête).(...)
Ajoutons en soulignant au crayon rouge la remarque suivante : tout Etat moderne digne du nom qui aurait besoin de l'équivalent de plus de 3 % de son PIB pour mettre sur pieds une politique de relance économique contre-cyclique efficace ne saurait être autre chose qu'un Etat mafieux, mentalement tiers-mondialisé ou encore une dictature économique de la bourgeoise (bonapartisme financier ?) mettant l'Etat au service exclusif du capital, en faveur de qui se feraient les principaux transferts d'argent, sans se soucier du sort de la majorité de la population ni du nécessaire équilibre sur le moyen et long terme des paramètres fondamentaux. Au minimum, à l'instar du gouvernement Raffarin actuel, ce serait un Etat incapable de contrôler sa fiscalité malgré les lubies néolibérales de relance par le biais d'une politique nietzschéenne de terre brûlée ... en bref, un anti-Etat, un simple " Quartier général " du patronat !"
(...) dès les années 80 et la contre-révolution menée par Volcker/Reagan et Thatcher, le système financier amorça une restructuration complète des intermédiations bancaires qui furent toutes réorganisées selon les besoins spécifiques du capital financier. On s'en alla vers la suppression des cloisons qui permettaient de différencier le monde bancaire selon ses missions spécifiques et l'on fondit progressivement tous les piliers bancaires en un seul magma financier/spéculatif axé sur les instruments nouveaux notamment les dérivés financiers et sur les opportunités nouvelles offertes par la monnaie électronique vagabondant à loisir sur l'ensemble du globe, 24 heures sur 24 (Big Bang boursier.) Plutôt que d'exiger la levée du Pacte de Stabilité et des critères de Maastricht, il serait nettement plus sage d'exiger la mise au ban des " dérivés financiers " (ce qui, malgré les déboires causés après les divers Merton, Black et Scholes et autres Siegel de deuxième ordre, n'est pas pour demain) ou encore comme je l'ai fait (v. Tous ensemble, http://lacommune1871.tripod.com) demander une réglementation de ces dérivés par les Seuils Tobin mais surtout en en formalisant ses pratiques. Car sans cette formalisation il ne peut y avoir aucun contrôle comptable et sécuritaire réel (pour l'heure ce contrôle se fait en bout de ligne et est donc dérisoire) ni a fortiori de taxe Tobin puisque les étapes du montage de ces dérivés échappent aux banques centrales et donc au contrôle public ( le public état toujours pris pour acquis lorsqu'il s'agit de contribuer aux provisionnements pour dette visant à éponger les belles œuvres toujours imprévues mais toujours répétées des nouveaux Prix Nobel d'économie et de leurs nombreux épigones.) (voir Extrait dans les notes finales, ci-dessous)
Certains prétendent accuser la BCE pour sa politique " monétariste ", accusation on ne peut plus facile : certains pensent qu'il est toujours aisé de faire de " la banque " le bouc émissaire par excellence d'une gauche seulement capable d'appréhender le numéraire selon G. Simmel plutôt que selon Marx ! Les mêmes trouveront utiles de s'en prendre à l' " indépendance " de la BCE. Mais aucun de ces zélés commentateurs ne s'avisera de remarquer qu'aujourd'hui le rapport de l'euro et de toutes les autres grandes monnaies par rapport au dollar dépendent très peu des politiques indépendantes de la BCE. Ils dépendent par contre beaucoup de l'accord politique extorqué au dernier Sommet de Doha et entériné au Sommet du G7 à Dubaï (20 sept. 2003), non par des banquiers non élus, mais plutôt par le Secrétaire au Trésor J. Snow et par des politiciens élus mais complices et sachant parfaitement comment fonctionnent les universités, les départements d'économie et les médias; en outre, ils n'ignorent rien du mode de sélection incestueux qui vient compléter le contrôle largement privé de ces " institutions " du " savoir ". Les Multinationales et les banques américaines, (voir l'exemple de ITT travaillant main dans la main avec Kissinger contre le Président chilien démocratiquement élu Salvatore Allende), fortes de la position du dollar comme monnaie de réserve principale devant nécessairement compter sur le soutien armé de l'Etat central américain, collaborent depuis toujours avec leur bras armé étatique. Que ce soit le Cocom, le Département d'Etat et, bien entendu, la CIA pour laquelle les CEO et CFO de ces entreprises constituent une des sources d'information les plus sûres et les plus privilégiées. Pour ces multinationales, le " marché " et la " libre concurrence " ne sont pas une vision de l'esprit ni une doxa révélée mais bien une relation politique et sociale fortement asymétrique qui doit être défendue. La " main invisible " n'est pas pour eux affaire d'un quelconque automatisme de système. Le Secrétaire au Trésor Snow a démontré qu'il sait en l'occurrence comment les pressions politiques, voire l'utilisation de la force, peuvent corriger les déséquilibres financiers américains mieux que tout " marché " laissé à lui-même. Bien que les contradictions économiques américaines soient trop profondes pour être durablement résolues de cette manière, rendons à César ce qui appartient à César. Surtout comprenons que ce n'est pas l'indépendance des Banques centrales qui fait problème mais plutôt la tentative de les rendre indépendantes de la pression du mouvement et des partis ouvriers, tout en les mettant au service des élites politiques, financières et doctrinales du grand capital. Ce qui est très nettement le cas de la Réserve fédérale américaine. Or, pour une fois, les critères de Maastricht aboutissent à créer une autonomie de fait de la BCE qui la confine à l'élaboration d'une politique monétaire qui n'est pas nécessairement une politique " monétariste ". Que se faisant la BCE échappe également aux pressions conjoncturelles d'un monde politique opportuniste (de droite ou de gauche) est une aubaine supplémentaire. De fait, tout parti politique digne du nom devrait veiller jalousement au grain afin que la gestion des agrégats monétaires revienne à la BCE alors que les politiques économiques, sociales et réglementaires réelles qui créent et encadrent ces agrégats relèvent strictement du politique, sans ingérence de la banque centrale. Pour le reste, dans ce cadre précis, la BCE ne pourrait jamais tenter de manipuler ses taux directeurs selon des préjugés strictement politiques sans mettre immédiatement la position de ses dirigeants dans la balance. La structure de sa direction qui englobe les banquiers centraux des pays membres de l'euro le garantit. Ce qui n'est certes pas le cas de la Fed qui aujourd'hui comme de coutume sait d'instinct adapter sa politique monétaire aux nécessités de réélection du candidat présidentiel sortant. C'est d'ailleurs, en partie, ce qui explique la tentative de discréditer la BCE aujourd'hui.
Il est vrai que les critères de Maastricht permirent et accélérèrent les tendances néolibérales en Europe au moment de leur mise en place. Mais cela n'était pas leur but premier. Et pour cause puisque le néolibéralisme contemporain pris conceptuellement naissance en 1979 au sein de la Réserve Fédérale américaine dominée par Volcker et trouva ensuite un débouché politique extrêmement activiste avec l'arrivée de Reagan au pouvoir. (v. Les conséquences socio-économiques de Volcker, Reagan et Cie, sur ce même site) Aucun pays de l'OCDE ne résista au déclenchement de ce que Wallich avait appelé alors un " roller coaster ". L'Italie moins que les autres, encore qu'elle essaya ces habituelles manœuvres de dévaluation qui acquerraient aisément le consentement des divers Modigliani pour le plus grand bonheur des Dini (avec, en prime, l'assentiment de plusieurs économistes syndicaux). Le Président Mitterrand, dirigeant une gauche qui avait eu le courage de nationaliser entreprises et banques, fut lui-même contraint par certains de ces notables (Mauroy et Delors, en particulier) à adopter la politique du roseau - en légiférant tout de même le RMI et le SMIC, par mesure de légitimation sociale. Maastricht ne changea rien à tout cela : la messe néolibérale avait déjà été dite dans les diverses capitales. Mais dans une Europe cherchant néanmoins à poursuivre son unification en contrant les tendances centrifuges induites par ce néolibéralisme à outrance imposé par la Fed, la construction de l'euro n'était guère envisageable sans critères imposant une discipline commune, en l'absence d'organes européens centraux suffisamment forts constitutionnellement pour le faire. Aujourd'hui, ces forces centrifuges sont d'un autre ordre mais tout aussi délétères : la Pologne de Bzresinski, Wojtyla et du groupe des 8 pro-Otan viole le Pacte de stabilité tout autant que la France, l'Allemagne et bientôt l'Italie. Malgré leurs divergences diplomatiques les deux grands européens ne s'en font pas outre mesure : ils contrôlent à eux deux la Politique agricole commune, de sorte qu'ils préfèrent la poule aujourd'hui plutôt que l'œuf demain sachant pouvoir se payer sur la Pologne et sur les autres pays le moment venu. Ce genre de discipline à la carte, obéissant à une logique de communisme capitaliste revu et corrigé selon les intérêts prioritaires des bourgeoisies dominantes des grands pays européens, est justement ce que Maastricht et le Pacte de stabilité, scrupuleusement respectés, permettaient d'éviter pour le bien de tous et pour le bien d'une construction européenne harmonieuse. A part les grands travaux, des moyens moins onéreux qu'une politique débilitante de l'offre seraient en effet disponibles pour relancer l'économie réelle !
Lors de la création de Maastricht et de l'euro, Rifondazione comunista (Prc) décida d'accepter les sacrifices imposés aux travailleurs afin de ne pas rater le coche. Il eût, en effet, été inconcevable qu'un des trois grands pays du Traité de Rome soit resté en dehors du premier cercle de l'euro. Le prix fut élevé : Eurotaxe, accords syndical/patronal concernant la " politique des revenus " (i.e. acceptation de la remise en cause de la " scala mobile " en gros !) et stabilisation purement actuarielle des systèmes de pension. Lorsque le moment était venu pour la gauche et les syndicats de capitaliser politiquement et socialement sur la base de ces sacrifices consentis, le Prc se retrouva devant des partenaires qui refusèrent la " svolta " qu'il proposait mais qui s'empressaient d'abandonner l'Eurotaxe ainsi que leur promesse d'appliquer les 35 heures, tout en commençant à questionner le bien fondé des accords antérieurs portant sur les revenus et les pensions. Ces mêmes partenaires, toujours soucieux des avis du FMI, de Mario Monti et compagnie et toujours respectueux des bons conseils de Prodi, le " professeur " quelque peu " médium " à ses heures, finirent très rapidement par transmuter les 3 % de déficit budgétaire en 2 %, voire 1 % pour bien montrer qu'il n'était pas question de répondre aux demandes minimums issues de la base, telles qu'articulées par Rifonsazione. Le Prc décida alors de rompre avec le centre-gauche au pouvoir. Et il fit bien. Or, si l'on en croit les commentaires récents d'un Bassanini, aujourd'hui dans l'Opposition, rien n'indique que ces gens-là aient répudié la politique de l'offre comme antithétique à la gauche. Je crois même qu'avec l'obséquiosité empressée d'un Veltroni, ils continuent à croire, dur comme fer, que le Parti Démocrate américain constitue l'avenir de la gauche italienne, ce que la gauche de ce parti aurait sans doute beaucoup de mal à comprendre. Cette position est du reste compréhensible car, sans bipolarisme assisté par un scrutin majoritaire sec, ces politicards d'engeance opportuniste seraient rapidement relégués à l'insignifiance qu'ils méritent. N'en déplaise à Aristophane, les conditions matérielles précèdent bien l'essence, y compris pour ces rêveurs utopiques acculturés.
Cette rupture de Rifondazione, si elle avait un sens, signifiait qu'à l'intérieur même des critères de Maastricht, une gauche authentique pouvait changer la donne (à l'image disons du gouvernement Jospin, sans doute trop prudent sur certains points, mais perdant rarement le sens de l'orientation. Un gouvernement qui fut capable de faire passer le taux de chômage sous la barre des 9 %, d'appliquer les 35 heures sans perte de salaire, tout en augmentant quelque peu (insuffisamment dans les circonstances ?) les salaires réels et les minima sociaux). En particulier, à moins de croire aux balivernes bourgeoises de la " crise fiscale de l'Etat ", il n'est pas exact de prétendre que Maastricht impliquait nécessairement toute une série de privatisations. En Italie moins qu'ailleurs puisque les difficultés budgétaires allemandes lors la création de l'euro permirent à l'Italie de faire accepter un ratio dette/pib digne d'un pays du tiers monde (ou digne du Japon qui dispose également d'une étroite imbrication entre mafia locale, monde des affaires et monde des affaires électorales, mais qui dispose d'une toute autre base industrielle qu'il refuserait fermement de brader). Les privatisations partent d'un choix de classe officialisé comme vérité économique reprise en chœur, à savoir que la crise fiscale de l'Etat, symbolisée par la dette, entravait les possibilités d'accumulation du capital privé (Laffer et compagnie, mais également O'Connor). En particulier, à une époque d'internationalisation du capital productif et du capital financier. Par conséquent, pour la bourgeoisie, il fallait impérativement réduire ce ratio dette/pib. Pour ce faire, on proposait comme allant de soi la réduction des programmes sociaux (et le remplacement de l'assurance sociale organisée par l'Etat par le biais de plans contributoires, par la charité privée, en partie défiscalisée) ; l'autre mesure phare consistait à déréglementer au nom de la liberté d'entreprendre et de la créativité mais, en réalité, pour mieux saper la stabilité de la structure des prix régissant les services et les entreprises publics, puis de profiter des crises ainsi provoquées pour privatiser services et entreprises, marchandisant de la sorte des secteurs que l'Etat-providence avait partiellement mis à l'abri de la logique capitaliste. Cette recette d'une ingéniosité toute néolibérale (Friedman et Laffer ne sont-ils pas Nobel et nobélisable ?) revenait à vendre les biens familiaux, rapportant bon an mal an leur part d'emplois et de profits, pour boucler des budgets sans perspective de lendemain à part l'espoir assez vain de voir la dette baisser. De fait, cette baisse n'advint de manière perceptible qu'au moment où la Fed. baissa les taux d'intérêt qu'elle avait elle-même outrancièrement augmentés amplifiant ainsi les problèmes. Il est inutile d'attendre que les architectes italiens de la " politique des revenus " substituée à la " scala mobile " reconnaissent cette simple vérité. Peu leur importe. Ils continuent à ressasser Modigliani sur l'inflation, perçue par eux comme un problème inexistant, alors que les salaires réels peinent partout à suivre une inflation pourtant contenue. La bourgeoisie, elle, a l'intelligence d'y voir un puissant et insidieux mécanisme changeant les rapports financiers, syndicaux et politiques en sa faveur, lentement mais sûrement.
Ce n'est donc pas Maastricht en soi qu'il faut questionner mais bien pourquoi les économistes en place ont unanimement ou presque acceptés les excentricités des Laffer/Friedman et les médecines chevalines de Volcker comme allant de soi. Tant que cela ne sera pas compris, la gauche restera mentalement prisonnière de ces économistes, quand bien même ces " servi in camera " diplômés décideraient de se prendre pour des anti (pardon !) des alter-mondialistes !
Il est indéniable que dès la moitié des années soixante et dix (problème de la stagflation) les politiciens et les économistes keynésiens ne savaient plus ou donner de la tête : leurs illusions passées, d'ailleurs bien vaines, étaient durement mises en échec par la réalité. Même un S. Weintraub en était contraint à rechercher cette fantasque " constante k ", qui aurait sans doute fait de lui l'égal d'Einstein dans le domaine économique, oubliant malencontreusement la confirmation einsteinienne de la valeur conceptuelle et éthique de la loi de la valeur marxiste ! (c) Il est indéniable également que les problèmes conceptuels, particulièrement dans le domaine économique, relèvent en grande partie des rapports de classes et de l'infime proportion d'économistes authentiquement marxistes dans le lot. En effet, nul ne pouvait contester qu'avec des taux directeurs frôlant et parfois dépassant les 20 %, le rapport dette/pib devenait particulièrement onéreux pour les Etats. Cependant, il était clair qu'à part les USA, aucun n'avait la possibilité de décider politiquement leur baisse. Les bourgeoisies jadis infatuées de Keynes, ce grand économiste non-marxiste, se mirent alors à écouter Milton Friedman qui prétendait sans vergogne que " tous, lui compris, étaient keynésiens ". Elles pouvaient ainsi pratiquer sans culpabilité le thatchero-reaganisme exposé plus haut dans ses grandes lignes. Tout fut assujetti à la logique monétariste.
L'alternative eût été d'approfondire encore l'Etat-providence. Par exemple, en complétant les filets sociaux universels de base (en ajoutant les garderies et les services de gériatrie) ; en revoyant la structure des impôts, en particulier les impôts sur le revenu et sur la valeur ajoutée afin de les rendre plus équitables et plus progressifs ; en renforçant la cohérence industrielle interne par la poursuite des nationalisations et donc (ce que le Président Mitterrand, lâché par ses notables, n'osa pas faire) harmoniser les règles du jeu du commerce international afin de renforcer cette cohérence interne tout en développant un commerce international équitable sachant, par exemple, imposer un " code de bonne conduite internationale " aux firmes multinationales ; surtout en dénonçant le fait de l'OMC ne se préoccupe que des " distorsions du commerce " indépendamment des distorsions produites par rapport au plein emploi dans les différentes filières industrielles ou même par rapport aux règles minimum entérinées par l'OIT, ce qui renverrait à une ré-élaboration appropriée du principe de l'anti-dumping; enfin, en prévoyant des mesures de contrôle variables des capitaux, appuyées par le FMI et la Banque mondiale pour saper toute velléité d'attaque spéculative contre une monnaie particulière. Même la Suède, héritière de Myrdal et de Wicksell, succomba aux sirènes du néolibéralisme dans un sursaut de nietzschéisme caractéristique provoqué par la hantise bourgeoise au sujet du péril mortel que les Fonds ouvriers pouvaient faire peser sur la propriété privée.
Le crime intellectuel de tous les intellectuels en place et en particulier de tous les économistes (à part quelques cas partiellement discordants, tels Galbraith, Tobin etc.) fut qu'ils n'ont jamais été capables d'articuler cette alternative pourtant bien réelle. Dans tous les cas, nous eûmes droit à des " keynésianeries " plus au moins bien intentionnées mais qui ne savaient jamais répondre à l'essentiel (la taxe Tobin, reprise aujourd'hui par certains comme " mythe sorélien ", malgré le désaccord sur le fond et la forme exprimé sans aucune ambiguïté par le Prof. Tobin lui-même avant sa disparition, en constitue un exemple saisissant). L'essentiel était pourtant aveuglant : à savoir, en admettant même que la synthèse néoclassique puisse être acceptée comme keynésianisme authentique, comment éviter de remarquer que les mesures de relance contre-cycliques menées par les Etats (avec un certain courage politique d'adeptes admiratifs en Angleterre, avant Thatcher) n'obtenaient plus les résultats domestiques escomptés ? En effet, tous les économistes avaient eu tendance à oublier les causes et les effets de la défaite de Keynes contre l'Américain White lors de la création des organisations jumelles de Bretton Woods installées à Washington, FMI et Banque mondiale, y compris ceux qui travaillaient sur des modèles cherchant à dynamiser Keynes à la suite de Harrod, le principal biographe du maître (originaire d'Oxford !) Cela fut encore plus vrai lorsque les préceptes libre-échangistes de Cordell Hull s'ajoutèrent, via le Gatt, aux paramètres de White et que la livre sterling dut capituler honteusement devant l'attaque spéculative américaine motivée par le désir de Washington d'établir la prédominance effective de leur monnaie comme principale monnaie de réserve selon les paramètres définis au sein du FMI, à savoir l'équivalence d'une once d'or fin pour 35 dollars (L'attitude américaine s'explique aisément : contrairement à leurs principaux concurrents, au sortir de la seconde guerre mondiale, les USA possédaient à eux seuls l'essentiel des réserves en or de la planète en plus d'une économie prospère du fait de la planification de guerre et, de surcroît, épargnée par les destructions dues à la guerre.) Autrement dit, nos bons économistes payés avaient tout simplement oublié que les multiplicateurs de Kahn, dont ils avaient appris l'abc et quelques bonnes formules ronflantes, ne se comportaient pas dans une économie ouverte et fortement asymétrique comme ils le croyaient sur la base de leurs modèles ( pourtant sagement compris comme outils " heuristiques " devant assister les dirigeants et non, à dieu ne plaise, comme " blueprints " soviétisants sentant le rigorisme dévitalisant de la planification bolchevique !). Ces économistes eurent le loisir de vivre sur une illusion tant et aussi longtemps que l'objectif de l'économie officielle était de reconstruire une économie dévastée avec l'appui du plan Marshall et des multinationales américaines investissant alors, en priorité, en Europe. Cette illusion fut soutenue par les effets d'entraînement des secteurs intermédiaires et par l'accroissement des revenus globaux réels des ménages du fait de l'établissement de l'Etat-providence. Dès la fin des années soixante et le début des années soixante et dix, les illusions (y compris celles du Kennedy Round) achoppèrent sur la maturation des secteurs intermédiaires (Perroux) imposant une internationalisation tous azimuts généralisée à la recherche de nouveaux débouchés, ainsi que sur le poids, économiquement insupportable, de la projection militaire de l'empire américain (Magdoff). Lorsque le 15 août 1971, Nixon imposa sa fameuse " surtaxe ", il reconnaissait explicitement l'impossibilité de conserver les paramètres monétaires sacralisés par la conversion or/dollar à un taux fixe. L'illusion cependant dura encore un certain temps puisque les USA pouvaient manipuler le système à leur avantage et que les économistes officiels américains faisaient déjà la pluie et le mauvais temps au sein des cercles bourgeois du monde entier. Même la hausse du taux de convertibilité suivie par sa suspension effective lors de la rencontre de la Jamaïque de 1976 ne parvient pas à déboucher les yeux des " servi in camera " attitrés. Ce Sommet de 1976 avait pourtant inauguré le " régime " des changes flottants qui fut ensuite généralisé après 79/81. Pourtant ce fatidique 15 août 71 avait une signification évidente. Ce qu'il avait signalé n'était rien d'autre que le vice structurel fondamental de l'économie sur laquelle reposait la principale monnaie de réserve : l'impossibilité pour elle d'éviter les déséquilibres conjoints de la balance commerciale et de la balance des paiements et donc ultimement de soutenir, autrement que par une confiance bien fragile, la diffusion massive des dollars à l'étranger. (Rueff, Denizet et quelques autres, dont le Général de Gaulle, l'avaient compris dès le début des années 60 à la lueur des prétentions US qui s'étaient faites jours lors de la préparation et du lancement du Kennedy Round. Aujourd'hui même les illusions tardives de supériorité technologique fondée sur l' " interdépendance " et la " New Economy " cèdent la place à la réalisation d'un déclin américain qui sera inéluctable tant que les Etats-Unis n'arriveront pas à concevoir le développement de leur Etat social comme leur ultime " frontière ", la plus digne aussi de leurs aspirations nationales sous-jacentes.).
Cependant il devrait être intuitivement clair que les USA, pays qui en 2002 comptait 291 millions d'habitants, ne sauraient gérer leur économie comme Singapour. L'évolution historique en Occident des secteurs primaire, secondaire et tertiaire ne devrait pas porter à illusion les personnes un tant soit peu sensées. La planification bolchevique ainsi que les planifications occidentales en temps de guerre ont fourni à ce sujet une leçon inestimable, particulièrement durant la Seconde Guerre Mondiale qui nécessita la mobilisation de plus de 60 % de la richesse nationale américaine et des ressources des autres pays en guerre contre quelque 10 % seulement dans les pays avancés durant la Première. Il devint alors évident que la priorité donnée aux moyens de production (MP) produisant des moyens de production, cette industrie lourde stalinienne tant décriée par des sots confondant par anachronisme courant l'URSS des années trente et quarante avec les USA des années soixante, était primordiale pour atteindre un maximum d'efficacité en un temps record, du moins tant et aussi longtemps que l'approvisionnement en matières premières suivait sans entrave. Les révolutions dans l'informatique et les télécommunications agissent en partie comme de nouveaux MP participant dans la production de MP dans les trois grands secteurs primaire, secondaire et tertiaire. Il s'ensuit que toute éviscération de cette relation organique par l'accélération des délocalisations industrielles ne peut qu'affaiblir les économies se développant dans des formations sociales nationales ou supranationales plutôt que dans des enclaves marginales pouvant se spécialiser dans quelques filières intermédiaires d'une importance stratégique dans le commerce international. Bien entendu, la nécessaire et rapide reconversion de l'économie de guerre en une économie partiellement de paix confirma la grande leçon tirée durant la Dépression : en temps normal, l'économie ne peut pas demeurer vibrante et viable sans s'appuyer sur le rôle entraînant des secteurs intermédiaires et donc du renforcement de la demande effective (et de la canalisation de l'épargne interne) qui, en temps de guerre, sont remplacés par la production des armements fiancée en grande partie par l'endettement national. La délocalisation de ces secteurs intermédiaires n'est donc pas d'un meilleur augure que celle du secteur des MP pour la viabilité de l'économie et l'augmentation du standard de vie des citoyens. Bien entendu, malgré ces enseignements fournis par l'histoire, les intérêts égoïstes de classe rendent parfois aveugles. Ainsi, les néolibéraux et les monétaristes les plus attachés à la globalisation capitaliste asymétrique favorisant leurs propres intérêts particuliers continuent de concevoir l'économie selon le paradigme du secteur agricole américain, capable comme chacun sait d'énormes surproductions et produisant donc des profits gigantesques, tout en employant moins de 3 % de la population active. Or, ce paradigme ne vaut rien pour les nations et les citoyens dans leur ensemble pour la simple et bonne raison que, sur ces bases fragiles, aucune politique réelle de redistribution sociale compatible avec une démocratie avancée n'est jamais possible, a fortiori une redistribution axée sur le partage du travail. Il ne peut donc rester que l'alternative du partage de la misère, par la réintroduction de l'esclavage moderne salarié et de la nouvelle domesticité, masqués tous deux pour un temps par les illusions idéologiques d'une quelconque mouture du " revenu annuel minimum garanti " imaginé à dessein par les monétaristes. Bien entendu ce qui vaut pour l'économie américaine vaut immanquablement pour toutes les économies qui imitent son modèle avec, au plus, quelque deux décades de décalage (et beaucoup moins aujourd'hui du fait de la globalisation). Ajoutons que cette relation intime entre secteurs primaire, secondaire et tertiaire crée des contraintes incontournables qui relèvent de la relation entre variables dans tout système reposant sur des variables interdépendantes. Ainsi, l'augmentation de la part du secteur tertiaire au dépend des secteurs primaire et secondaire peut seulement se faire par une précarisation et paupérisation accrues de la force de travail active et des ménages et par une paupérisation tendant vers l'absolu d'un nouveau lumpenprolétariat et d'une nouvelle " cour des miracles ", cette dernière fut-elle chassée par des maires Juliani et leurs polices en périphérie ou dans les boyaux des stations de métro.
L'accroissement statistique des emplois bas de gamme, précarisés et du " self-employment ", qui n'est que du précaire et du temps partiel déguisé, était prévisible dès le lancement de la révolution monétariste par Volcker-Reagan. Il se confirme aujourd'hui avec un masochisme élitaire de très mauvais aloi qui exigerait un retour salutaire aux lois de l'économie réelle avant que les limites à l'accumulation du capital laissé à lui-même à l'échelle planétaire ne mène inéluctablement à une nouvelle conflagration gigantesque, ouverte ou larvée (v. Les conséquences socio-économiques de Volcker, Reagan et Cie, ainsi que Tous ensemble, dans ce même site). Résumons en peu de mots. Le néolibéralisme américain, imité servilement aujourd'hui par l'Europe, méprise l'économie réelle sauf lorsque celle-ci relève du complexe militaro-industriel. Cependant, ainsi que le faisait remarquer voici plus de dix ans le Prof. Vernon en se préoccupant de l'éventuelle vulnérabilité nationale liée au développement de l'interdépendance, quelque 30 % de tous les instruments électroniques utilisés par la Défense américaine sont produits à l'étranger, notamment au Japon. Les résultats d'une telle stratégie sont aujourd'hui patents. Les USA ont un déficit commercial de plus de $ 100 milliards avec la Chine populaire alors que le Japon, qui heureusement n'a jamais abandonné une politique industrielle savamment planifiée par le MITI et relayée par tous les autres ministères, affiche pour sa part un surplus d'environ $ 18 milliards. Il suffit d'ajouter que la Chine populaire a formé l'an passé plus d'ingénieurs que les USA et que ce grand pays en pleine croissance dispose d'une histoire millénaire d'innovation technologique de haute qualité et de " design " adaptée à sa place prédominante dans les réseaux productifs et commerciaux. Inutile de souligner que ce déficit commercial se vérifie également au sein de l'Alena, ni qu'il n'est pas compensé structurellement par les comptes courants qui participent à la saignée des richesses nationales pour le compte d'intérêts strictement privés. Une situation intenable malgré le contrôle du dollar comme principale monnaie de réserve mondiale.
Ce crime intellectuel, occultant toute alternative réelle et praticable, commis par préjudice crasse de classe, est devenu aujourd'hui vérité unique. De surcroît, l'écroulement du Bloc soviétique a fait disparaître l'unique obstacle à cette mélasse idéologique bourgeoise qui se croit aujourd'hui à l'abri de toute concurrence systémique et de tout danger électoral. Pourtant, le fait d'occulter les alternatives réelles ne les invalide ni conceptuellement ni politiquement. La réalité se charge d'ailleurs toujours de rappeler à l'ordre. C'est le cas aujourd'hui avec des déficits structurels directement attribuables aux politiques fiscales de la droite (et non plus à l'Etat providence, ainsi qu'on avait voulu le prétendre jusqu'ici). Mais pour tirer partie de ces contradictions, encore faudrait-il que la gauche soit plus éveillée que les " éveillés " bourgeois !
2) Pacte de stabilité vs politique de l'offre ou politique de la demande.
Face aux désordres économiques et sociaux actuels il importe de définir ce qu'est une authentique politique de relance. La " pompe " keynésienne opérait en faveur des entreprises nationales et de la demande sociale. Les " stimulus " monétaristes alimentent seulement les profits des entreprises multinationales, le chômage chronique et la guerre tant qu plan domestique (lois sécuritaires liberticides) qu'international (guerre préventive permanente.) En l'occurrence, il est bon de ne pas confondre " keynésianisme bâtard " et " keynésianisme militaire " ou de confondre ces deux positions avec une authentique politique de relance économique, que cette dernière soit d'inspiration keynésienne ou marxiste. Cette clarification s'impose pour deux raisons. La première est d'ordre théorique et renvoie aux arguties des friedmanistes, appuyés par les adeptes plus graves de von Hayek. Pour eux, l'idéal est de réduire " l'Etat interventionniste ", même faible de type américain, à un " Etat minimum " institué comme " vache à lait " du Capital et mettant son énergie à supprimer toutes les interférences avec l'opération du " libre marché ". Ceci implique la destruction légale de tout ce qui pourrait entraver la " mobilité " du " facteur travail " comme l'a montré le traitement des pilotes par l'Administration Reagan. Mais ces épigones exigent également l'évacuation au profit de l'entreprise privée des champs fiscaux et des services publics et le soutien financier direct de ces entreprises par le gouvernement via l'augmentation en flèche des budgets destinés au complexe militaro-industriel. Ces sommes gigantesques sont ensuite définies comme relevant de l' " intérêt national " et donc abstraites pour cette raison de la comptabilité des " subventions " étatiques directes toujours condamnées avec véhémence comme mesures " interventionnistes " au plan domestique et au plan international. La " guerre des étoiles reaganienne " reste le symbole de cette idéologie. La seconde raison relève du pragmatisme des gouvernants capitalistes américains : la " révolution monétariste " déclenchée par Volcker permettait de forcer l'alignement sur Washington de tous les rivaux commerciaux destinés à intégrer des zones de libre-échange régionale et globale en position de faiblesse pendant que les USA eux-mêmes tenteraient de conserver leur leadership mondial grâce aux faramineuses dépenses militaires destinées à positionner durablement leurs entreprises privées en haut de l'échelle de la création de la valeur ajoutée, tant pour la production de biens que pour celle des services hauts de gamme. En plus de l'avantage technologique durable escompté, cette stratégie permettait d'envisager la mise au pas militaire de tout rival potentiel : Bush père et son Nouvel Ordre Mondial inauguré par la première guerre du Golfe était bien le successeur de Reagan, derrière qui il tirait déjà de nombreuses ficelles en sa qualité de vice-président. Cette collusion entre théoriciens " excentriques " et politiciens " pragmatiques " mais imbus d'une " volonté de puissance " mégalomaniaque, alliée à la débâcle théorique des keynésiens, pris au dépourvu par la stagflation, fit oublier ce qu'était une authentique politique de relance économique. Le " keynésianisme militaire " qui suivit le réarmement consécutif à la guerre de Corée (qui seule rétablit les indices industriels américains alors en plein déclin pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale) retrouvant lui aussi une " nouvelle vie " et s'imposa comme le nouveau catéchisme. Ce credo peut être résumé ainsi : tout pour le capital ! Les inepties de la " Nouvelle Economie " montrent qu'il fit illusion surtout du fait de l'introduction massive des nouveaux secteurs technologiques et de la mondialisation du capital financier spéculatif. L'avance technologique initiale des USA, qui est aujourd'hui en passe de se résorber, fit le reste.
Quoiqu'il en soit, les contradictions d'un système reposant sur la surproduction et de sous-consommation chroniques qui donnèrent lieu à l'éclatement de la " bulle spéculative " et à la crise actuelle du capitalisme doivent nous inciter à réfléchir hors des paramètres de l'idéologie dominante et de ses fumeuses théories de légitimation. Surtout en ce qui concerne la croissance économique réelle. L'expression " keynésianisme bâtard " se réfère à la " synthèse " opérée par les Hicks, Samuelson et compagnie. Sa signification diffère du " keynésianisme militaire " (qui doit initialement plus à Truman gagnant ses primaires contre Wallace !) autant que du keynésianisme original faisant porter l'accent justement sur la nécessaire intervention de l'Etat pour sauver le " marché " de ses propres tendances suicidaires. De fait, le commentaire symptomatique de Samuleson au sujet de la " Théorie générale " fut qu'à l'instar du " Fennegans Wake " de James Joyce, il souhaitait disposer d'un " résumé " ; en d'autres termes, il manifestait par-là son impossibilité ontologique à comprendre l'essentiel de l'apport de Keynes. Cet apport ne se comprend pas sans remettre au centre de la pensée de l'économiste de Cambridge, les cycles marxistes transmis par Sraffa, les géniales percées de Pacault (penseur hétérogène, vraiment) concernant les aspects pratiques des politiques de redistribution et, bien entendu, la pratique anglaise en la matière, telle que symbolisée par Beveridge.
Contrairement à tant de " keynésiens " plus ou moins " bâtards ", la pensée de Keynes restait profondément ancrée dans l'héritage de " l'économie politique " encore vivace dans son pays malgré les ravages marginalistes à l'œuvre depuis quelques décennies. Keynes pouvait approfondir l'aspect mathématique de sa discipline (probabilités, tout en rendant hommage à Franck Ramsay, mais aussi économétrie) mais il ne perdait jamais de vue que les modèles devaient servir les politiques, elles-mêmes sujettes aux constellations des forces en présence et non l'inverse. Sa confrontation politique et intellectuelle avec White durant les conférences menant à la création du système de Bretton Woods sont limpides à ce sujet (tout comme son opposition à Poincaré à la suite des réparations imposées à l'Allemagne par le Traité de Versailles qui sont, pour leur part, quelque peu sujettes à plus de caution du point de vue de la pertinence de l'évaluation bien, qu'elles relèvent de la même méthode analytique.) Joan Robinson, de même que Piero Sraffa depuis les années 20, questionnaient pour leur part les prémisses et plus encore la cohérence interne de cette supposée " synthèse " bien plus que ses perversions temporelles et pratiques - en tout état de cause, ils ne s'en laissaient pas compter par les " prouesses techniques " (i.e. diagrammatiques) de Marshall, puisqu'ils ne confondaient jamais micro et macro-économie et que, même par le détour de la théorie du commerce et de la " localisation ", ils n'auraient jamais pu donner, sans rougir, la logique de la micro-économie pour la logique économique en soi, éternelle et définitivement révélée. Aucune parure technique, aucun beau diagramme de l'offre et de la demande, avec courbes et point d'équilibre scientifiquement et mathématiquement (géométriquement) déduits sur la base de données préétablies " empiriquement ", en isolation du cycle complet de la reproduction, n'aurait pu changer leur avis. (De fait, lorsque j'ai utilisé ce terme de " keynésianisme militaire " dans mes textes envoyés en Italie, j'ai pu constater indirectement, par la réaction indirecte des journaux, en particulier Il Manifesto, que leurs référents académiques (les sur-cotés De Cecco et compagnie, épigones besogneux d'autres Pasinetti très catholiques, par exemple) étaient pris au dépourvu et ne savaient pas au juste de quoi je parlais ; je crois même que ces Messieurs pensèrent que je n'étais qu'un militant atypique mais peu informé académiquement justement parce que je me refuse cette tare intellectuelle que Vico dénonça par le terme cuisant de " suffisance de l'esprit " Or, je prétends être un " intellectuel organique " et non un " pitre ".)
Si le " keynésianisme militaire " comme tel n'est pas le " keynésianisme bâtard ", il convient de comprendre encore les contradictions intimes de cette mouture bourgeoise de la chose, totalement étrangère à l'esprit de " Bloomsbury " dont le non-conformisme animait la version originale. Bien entendu, à la base se trouve la contradiction première que Keynes ne leva pas, et qu'il ne souhaita sans doute pas lever, lui si conscient des origines normandes de son nom de famille et d'une certaine méritocratie héritée des cercles élitistes plus ou moins occultes du collège Eton ! On sait que la résolution de cette contradiction mènerait directement de Keynes à Marx, sans même passer par les " prolégomènes " de Sraffa, puisqu'elle met en cause la non-articulation, par toutes les versions bourgeoises de l'économie, de la micro et de la macro-économie. Keynes s'en sortait par la priorité donnée aux objectifs macro-économiques idéalement déterminés par des politiciens (parfois empiriquement - " rules of thumb ", en l'absence d'un système statistique performant) s'abreuvant de préférence auprès d'économistes keynésiens vivants, dans l'espoir de s'affranchir ainsi de leur " esclavage vis-à-vis des économistes du passé " ! Pour le reste, la préservation de la propriété privée en soi lui importait plus que la préservation d'une liberté de mouvement fictive du capital qui pouvait seulement conduire à la perte du système : sauver le capitalisme malgré lui, tel était son motto. Cette position idéologique et théorique de Keynes avait pour conséquence le développement extrême d'un appareil statistique permettant de gérer politiquement au plus près le système (y compris en tenant compte des " lags " réactifs). Mais nous ne saurons jamais qu'elle réponse Keynes aurait donnée lorsque la réalité anti-keynésienne mise en place à Bretton Wood détruisit irrémédiablement la cohérence politique du système en invalidant l'opération contre-cyclique interne des multiplicateurs par l'instauration d'une économie mondiale capitaliste ouverte, interdépendante et asymétrique à l'extrême. On peut néanmoins penser que Keynes aurait préféré opter pour la préservation de certains espaces de la propriété privée en approfondissant malgré tous les politiques réelles de redistribution économique et sociale plutôt que de régresser vers un nietzschéisme niais, ennemi de toute culture - ajout: voir sa lettre à ses petits enfants. (On se souviendra que Keynes avait analysé les techniques de planification capitalistiques du Dr. Schacht... sans pour autant succomber, à la manière d'un duc de Windsor ou d'un parti libéral anglais, au charme discret du fascisme et du nazisme naissant comme cela était courrant à l'époque ainsi qu'en témoigne les couvertures et les articles des magasines en vogue tel Life ! Lecture édifiante, s'il en fut, par les temps qui courent.) De fait, l'humanisme de Keynes, son anticonformisme tout entiché d'esthétisme et de haute culture, lui interdisait de penser qu'on pouvait sauver le capitalisme par une quelconque régression fascisante. Le grand mathématicien et aristocrate Bertrand Russell fit tout naturellement le même constat. Les meilleurs keynésiens modernes (Tobin, Solow, Galbraith même, le grand théoricien des contre-poids) allèrent généralement dans le même sens sans toutefois avoir la même compréhension de la spécificité ontologique de l'économie politique.
Or, ces contradictions devinrent mortelles lorsque, perdant toute compréhension empathique (" verstehen " diraient les adeptes de Max Weber et compagnie, ou mieux encore, de Dilthey), elles furent traitées par les théoriciens de la " synthèse ". Les leçons de la planification du temps de guerre furent oubliées à quelques travaux de Kuznets près. Sweezy, Magdoff, Braverman et leurs camarades prêchaient dans le " désert " ; la " Just Society " fut jetée aux orties ; les Weintraub, Robert Heilbroner et même les Perroux, Rueff et Denizet furent écartés par les ministères et les bureaucraties au profit des Milton Friedman, des Summers et autres Laffer ! Pire encore, sous leur influence intellectuellement délétère et économiquement ruineuse, on en vint à voir dans le keynésianisme deux " variantes " dûment séparées. Une politique entraînée par la " demande ", et une autre tirée par l' " offre ", en réaffirmant ainsi comme une gloire la dichotomie intime du capitalisme comme mode de production et comme mode de pensée. La politique de la demande, illustrée par la faillite interne des multiplicateurs - leur extroversion dans un cntexte de privatisation -, pouvait ainsi faire office d'épouvantail commode (selon une méthode didactique bien éprouvée et trouvant une terre féconde dans les universités capitalistes, conciliant sans difficulté sélection incestueuse au mérite nietzschéen et frais de scolarité exorbitants, dépassant de loin le salaire annuel d'un ouvrier moyen). Mieux : la politique de l'offre, ce salmigondis théorique, que Galbraith avait défini par dérision comme une stratégie visant " à nourrir les chevaux pour nourrir les passereaux " (trickle down effect), était éminemment compatible avec le keynésianisme militaire puisque chacun comprend aisément que la machine de guerre économique nommée " libre échange " qui lui est forcément associée doit être assistée par la haute technologie développée par les laboratoires militaires et, le cas échéant, la destruction militaire des concurrents potentiels ! Au grand dam des économistes argumentant en faveur des " dividendes de la paix " (Derman etc.), le projet reaganien de la " Guerre des Etoiles " célébra définitivement le mariage du keynésianisme de la synthèse, perpétuellement boiteux aux USA puisque devant toujours composer avec une idéologie dévalorisant l'interventionnisme d'Etat, et du keynésianisme militaire qui avait trouvé dans ce pays sa " terre promise " (en particulier avec Truman puis MacNamara et le général Taylor.). Cette fuite en avant néolibérale et nietzschéenne à l'échelle mondiale permettait de reporter les échéances politiques induites par la surproduction et la sous-consommation en posant, par la diplomatie et la force, la destruction de l'Etat-providence et de ses secteurs publics (non-marchands) comme nouvelle frontière de l'accumulation capitaliste (le libre-échange continental, puis hémisphérique, puis global.)
Cette dichotomie intime du capitalisme est indépassable car elle est, à proprement parler, génétique. On se souviendra que dès la rédaction de ses Manuscrits parisiens de 1844, Marx opta pour le communisme (i.e. pour un mode de redistribution égalitaire des richesses collectives) justement parce qu'il en était arrivé à discerner la faille du raisonnement classique axée dans un perpétuel déséquilibre ontologique entre d'une part la valeur de la force du travail (i.e. l'incontestable fait voulant que toute valeur d'échange fonctionnant comme telle ne puisse être créée que par le travail humain, directement ou indirectement) et la mécanique de l'offre et de la demande sur un marché particulier. Marx, dans un trait de génie habituel, dévoila rapidement le nœud du problème : la demande sociale (naturelle ou conditionnée par des facteurs culturels ou autres) précède partout l'offre, et plus clairement encore dans le mode de production capitaliste, simplement parce qu'il ne peut jamais y avoir de production nouvelle, c'est-à-dire de transformation des matières premières brutes ou sous forme de travail passé en produits nouveaux, sans l'intervention du travail vivant incarné dans la force de travail humaine, autrement dit sans l'avance que le travailleur fait partout, individuellement et collectivement, au possesseur des moyens de production. Dans les limites que nous avons mentionnées, Keynes fit de ce point de départ obligé la base réelle quoique partiellement re-mystifiée de son concept de " demande effective ".
Bien entendu, la perversité ontologique/théorique des marginalistes et des néolibéraux n'est pas sans antécédents. Son origine sociale débute avec les récriminations des industriels anglais de Manchester et de l'Angleterre entière contre la baisse généralisée de la durée du travail. Les conséquences des inepties de Senior sur la " dernière heure " (voir Le Capital) ne sont généralement pas appréhendées à leur juste valeur. Bien entendu, Marx n'est pour rein dans l'amplification idéologique/théorique qu'elles trouvèrent par la suite pour finalement déplacer la vieille économie politique classique (Smith, Ricardo etc.) comme conceptualisation théorique pertinente pour une bourgeoisie industrielle utilisant toujours plus l'arme du " crédit " qui mystifie encore davantage les relations sociales présentées à l'envers par le capitalisme. Les véritables prouesses techniques de Walras firent le reste. Encore qu'en posant la question de l'équilibre général, les walrasiens, sinon Walras lui-même, étaient immanquablement confrontés à un serpent se mordant mal la queue ! Walras lui-même avait tenté dès le départ (sur les conseils de son père Auguste plus exposé aux effets du marxisme ne serait-ce qu'à travers Proudhon) de démarquer méthodologiquement " science économique " et " économie sociale ". Il avait aussi pris la peine dès le départ d'affirmer qu'en réalité la rareté ou non d'un produit quelconque dépendait en dernière analyse des capacités productives le concernant. C'était beaucoup : mais, dans une magistrale anticipation des " formalisations " mutilantes de Popper, c'était là le prix à payer pour la mathématisation de la nouvelle " science " capable de faire marcher le monde en douceur sur les eaux agitées des lacs des divers marchés qui, judicieusement (scientifiquement !) inter-reliés entre eux, finissent par trouver leur sérénité, leur niveau d'équilibre et d'harmonie ! Walras pouvait alors partir sans scrupules de l'axiome, bourgeois et réducteur par excellence, selon lequel " il faut offrir pour demander ". (d) La science économique était sauvée des eaux, si l'on peut dire, et même un Schumpeter pouvait désormais s'accaparer de la trouvaille et poser en principe méthodologique profondément scientifique la dichotomie d'origine sans laquelle toute cette belle formalisation ne serait que néant capitaliste. Schumpeter, formé en Autriche, avait néanmoins des doutes, d'où son profond pessimisme concernant l'avenir d'un capitalisme menant sans cesse à la centralisation et à la concentration du capital (cette oligopolisation, monopolisation analysées par Sraffa, Chamberlain et Joan Robinson). Walras finit par oublier les implications de sa formalisation initiale du problème, notamment l'incontournable réalité de l'avance -du travail vivant - révélée par Marx. Schumpeter n'en ignorait rien.
Il est donc possible de conclure qu'aucune politique de l'offre ne peut jamais être confondue avec une politique de relance, keynésienne ou pas. Le Traité de Maastricht et le Pacte de stabilité ne changent rien à ce constat obligé. De fait, dans le contexte actuel, en attendant la réorganisation autonome d'une gauche authentique, ce traité et ce pacte constituent les seuls obstacles institutionnels encore disponibles à l'Europe contre une déferlante néolibérale qui fait encore moins de sens chez nous qu'outre-atlantique. Avec l'élargissement et avec la constitutionnalisation de la Partie III du Projet de constitution européenne (dont M. Francis Wurtz et ses camarades du PCF ont montré la nocivité, www.humanite.presse.fr du 11/09/03) l'affaiblissement de ces règles de discipline économique minimum laisserait entièrement le champ libre au monétarisme le plus sauvage, car débarrassé de toutes entraves démocratiques nationales et supranationales, pour sévir à souhait sur l'ensemble du globe.
A l'époque, plutôt que de m'en prendre aux critères de Maastricht, j'avais critiqué la rapidité avec laquelle le gouvernement de centre-gauche au pouvoir en Italie avait mis fin à l'Eurotaxe et à sa promesse d'appliquer les 35 heures dans la Péninsule, bien que ces deux politiques n'auraient pas signalé une formidable et dangereuse révolution " jacobine " mais seulement la volonté timide, mais néanmoins déterminée, d'appliquer une politique de la demande capable de renforcer de nouveau l'Etat social après des années d'austérité endurées avec stoïcisme par les travailleurs. Cela aurait pu se faire en tenant compte de la constellation des forces politiques et syndicales, et de la disponibilité du nombre des voix au Parlement (malgré l'absence de toute discipline de vote au sein de la " majorité " parlementaire d'alors etc.). On ne prolongea pas l'Eurotaxe. Non pas pour éviter de pénaliser les classes moyennes ou pour tenir une promesse électorale d'ailleurs non assortie de date buttoir, mais pour contenter les sangsues bourgeoises non-productives qui voyaient leur avenir bourgeois jusque dans la privatisation des autoroutes et des ports maritimes de moyen gabarit de la Péninsule! Or, ce prolongement aurait pu garantir la mise en place rapide et sans douleur des 35 heures, tout comme la consolidation des revenus nets globaux des classes moyennes ainsi que ceux des classes les plus fragilisées par la déréglementation et la privatisation déjà menées par les gouvernements italiens successifs. Il aurait pu garantir la formulation de la politique budgétaire du gouvernement sans l'apport ponctuel de privatisations nouvelles et cela dans le respect intégral des critères de Maastricht dans leur version la plus onéreuse. Au final, la restitution accélérée de cette Eurotaxe, assortie d'une indécente politique des revenus due à l'influence persistante de Pasinetti et de Modigliani, malgré le changement radical de la structure des taux d'intérêt, voire malgré l'influence des autres titulaires de diplômes américains ou anglais, passablement acculturés, indépendamment de leur idiome usuel, mais qui sévissent en permanence au sein de la Banque d'Italie, des instances européennes et des syndicats dominants. Il s'agit-là d'une expertise qui, à vrai dire, ne réussit à préserver ni ces revenus, ni de l'inflation, toute réduite qu'elle était redevenue, ni à prémunir l'Italie des lois anticonstitutionnelles précarisant encore la force de travail et la faisant passer, pieds et poings liés, des syndicats vers les agences intérimaires privées. Ceci dans un pays où le travail au noir représente déjà quelque 27 % du PIB !
En somme, il faudrait croire et applaudire la " mort " (illusoire) de Maastricht et du Pacte de stabilité au moment même où le prolétariat, après avoir payé le prix du respect de ces critères, pouvait finalement en retirer lui aussi quelques avantages concrets en termes d'emploi et de pouvoir d'achat. A moins, bien entendu, que la perspective d'une nouvelle alliance avec l'Ulivo, visant à reprendre le pouvoir à n'importe quel prix, ne suffise aux leaders de la gauche authentique, justement dégoûtés par le gouvernement actuel, pour croire qu'un tel gouvernement (et ses contrôleurs externes, Washington, le FMI, la Commission européenne etc.) payerait cette alliance par une politique expansionniste menée au prix d'une augmentation des déficits structurels, sous prétexte que la chose fut pratiquée par les gouvernements de droite. On croit rêver. Ce genre de couleuvres ne vaut rien pour la santé intellectuelle et la vitalité politique du prolétariat. Peut-on oublier l'amplitude des chœurs néolibéraux jouant unanimement les pleureuses des tragédies antiques, surtout au centre-gauche, devant la direction prise par M. Jospin malgré sa pondération et malgré ses accommodements au plan des politiques européennes voulues par la droite et au plan international ? En dépit des affirmations malveillantes à l'effet que les politiques du gouvernement Jospin n'étaient pas " socialistes ", on se souviendra qu'elles n'en étaient pas moins toutes définitivement ancrées dans une politique de la demande en rupture réelle sur le fond avec le néolibéralisme ambiant, quelle qu'ait été par ailleurs la " méthode " prudente choisie par le Premier Ministre de la France pour tenter de la mener à bon port. Les " 35 heures " symbolisaient cette rupture. Si en dépit des résultats du référendum sur l'article 18 et des dernières élections régionales, l'Ulivo n'est disposé à créer un programme commun qu'en contribuant une politique de l'offre indigeste et destructrice pour les travailleurs et leurs organisations, il vaut mieux renvoyer ses dirigeants à leurs exercices de base d'économie politique et d'éthique. En effet, une politique de l'offre menée par une gauche médusée par un centre-gauche anticommuniste est possiblement pire qu'une politique d'inspiration identique menée par la droite. Une politique de l'offre, de droite comme de gauche, ne peut recevoir qu'une seule réponse : l'utilisation politique et économique de la grève sous toutes ses formes (grève du zèle, perlée, générale et même sauvage, c'est-à-dire la démonstration pédagogique des conséquences sur les profits privés et les recettes de l'Etat du retrait de la force de travail qu'on s'acharne à ne pas reconnaître à sa juste valeur.) On en arrivera plus facilement ainsi à une meilleure compréhension générale de la valeur et du PIB. Ceci aurait, en outre, l'avantage de mobiliser les couches des nouvelles classes laborieuses, délaissées par le syndicalisme actuel. A cela s'ajouterait une plus grande emphase sur les élections municipales, régionales et provinciales pour revitaliser et ressouder les rangs des forces communistes de base qui permettront, le moment venu, le rebond du Parti au niveau national et européen.
Par contre, si l'Ulivo nous promettait une politique de redistribution sociale vertueuse dans le cadre des paramètres de Maastricht, donc une fiscalité appropriée, alors notre loyauté leur serait acquise pour toute la durée du mandat, ce que nombre de leurs propres adhérents ne pourrait promettre. Ce minimum comporterait l'abrogation immédiate par un gouvernement de centre-gauche de toutes les lois berlusconiennes concernant la force de travail, l'organisation de son assurance-chômage, de ses mesures de placement non-gouvernementales, de sa formation professionnelle continue, des lois faisant obstacle à la syndicalisation, ainsi que le retrait immédiat des troupes de l'Iraq (actuellement engagées dans une occupation illégale du point de vue international et anticonstitutionnelle en regard de la Constitution italienne).
Ce serait le plus strict minimum. Il aurait l'avantage de resituer le cadre de l'action gouvernementale légitime pour la gauche. Devraient si ajouter des ententes portant sur l'augmentation réelle des revenus nets non-salariaux, l'indexation des salaires sur l'inflation, la garantie des pensions sans allongement de la durée de cotisation, le respect de la laïcité sans laquelle les fonds de l'Etat ne seraient pas disponibles (j'ai moi-même appris des étudiant-e-s italiennes le principe suivant concernant l'école privée : " se la vogliono, se la pagano " car tel est aussi le principe garanti par la Constitution du pays.) Le tout est bien modeste. Mais la barre ne saurait être placée plus bas. Il est, par contre, dangereux de confondre le prolétariat sur la réalité théorique et pratique d'une politique de l'offre, particulièrement dans le contexte actuel. Immanquablement, une telle confusion finit par accréditer une théorie bourgeoise dominante, dans ses variantes de l'heure, bien qu'elle soit intellectuellement inadéquate et pratiquement nuisible. Ceci ne peut avoir d'autre effet que d'accélérer le processus de désagrégation idéologique et politique de la classe ouvrière traditionnelle et du nouveau prolétariat naissant. Ces fractions de classe n'ont alors d'autre choix que l'abstention militante ou une révolte sourde qui fait le lit des Fini, Storace et autres Le Pen, faute d'avoir pu trouver un exutoire mobilisateur et conscientisant capable de transformer cette révolte en conscience politique révolutionnaire et en respect culturel de soi. Les référentiels marxistes ne peuvent pas être ceux des néolibéraux de droite ou de gauche.
3) Perceptions liées au Pacte de stabilité vs positions des forces communistes et syndicales.
Le temps de l'analyse nous dit-on diffère de celui de la pratique. Mais les marxistes croient en la praxis. Ceci constitue leur originalité par rapport aux autres théoriciens et partis. Leur objectif est d'être conscients et responsables de leur propre devenir : maïeutique et pédagogie forment leur nature intrinsèque. De ce fait, ils sont " condamnés " à démystifier et à écarter toute perception épiphénoménale pour faire corps avec le prolétariat et avec le mouvement réel de l'histoire. Ils ne peuvent donc s'accommoder de la " vision du monde " secrétée par la bourgeoisie et ses servants idéologiques. Même dans l'espoir vain (tactique) de la retourner sens dessus-dessous.
Les keynésiens ordinaires, bâtards ou authentiques, n'étaient pas insensibles à cette nécessité dialectique. Dès le départ, ils avaient dû composer avec un paradoxe caractéristiquement bourgeois opposant pouvoir réel (propriété privée) et pouvoir formel (démocratie bourgeoise): en effet, comment s'assurer du courage politique que supposent les actions contre-cycliques keynésiennes alors que de telles actions sont justement peu en phase avec les échéances électorales ? Même lorsqu'ils adoptèrent le jargon contre-cyclique du keynésianisme, ce paradoxe fut cruellement ressenti très tôt par des ministres des finances et leurs bureaucrates encore plus soucieux de leur patronage que d'une politique économique préconçue faisant peu de cas de leurs ré-élections personnelles. Les entreprises, quant à elles, s'accommodèrent de ce partage contre-cyclique des richesses uniquement parce qu'elles avaient peur de la contamination communiste : mieux valait pour elles soutenir la " demande effective " et négocier des conventions collectives pacifiant et disciplinant leur classe ouvrière pour tout le temps de leur durée que de se voir confrontées à des grèves sauvages et à un prolétariat politiquement mobilisé. En dépit de ce calcul, leur propagande contre le prolétariat et ses organisations ne cessa pas pour autant. Contre la planification indicative et incitative, les oligopoles de tout genre chantèrent les louanges de la libre-entreprise et de la créativité des " entrepreneurs ", comme si la volonté d'entreprendre ne se retrouvait pas également mais en proportion majeure au sein des entreprises publiques (par ex. pour le développement du Concorde, d'Ariane, du TGV, du domaine nucléaire et ainsi de suite !) Cette propagande se déchaîna littéralement lorsque le secteur public commença à faire obstacle à l'accumulation du capital dans les années soixante et dix.
L'offensive néolibérale au plan domestique et global vise à lever cet obstacle. Etant dirigée par le capitalisme américain dominant, elle défend une propriété privée livrée au court-terme et aux aléas de la cotation boursière qui fait la part belle aux grandes multinationales. Le modèle américain, conjugué aux possibilités techniques d'Internet, a également modifié de fond en comble la structure des médias de communication. La sélection des employés oeuvrant dans ce domaine fut considérablement bouleversée. Le professionnalisme fit place au productivisme médiatique et au resserrement des contrôles éditoriaux. Depuis l'initiative US contre le Rapport McBride et contre l'UNESCO, la bourgeoisie nietzschéenne cherche, en effet, à prendre le contrôle absolu des flux de communication à l'échelle du monde. Dans ces conditions, le court-termisme sera chanté comme preuve de la vitalité de la " démocratie de l'actionnariat " malgré la crise profonde due aux scandales incontournables associés à une " gouvernance d'entreprise " répondant à ce critère (les manœuvres frauduleuses et criminelles d'Enron, WorldCom et les autres ne doivent guère étonner : elles ne faisaient que " jouer le système " ainsi que les commentateurs américains le firent remarquer.)
Les partis de gauche et les mouvements qui lui sont associés doivent par conséquent prendre acte de cet état de chose. Bien entendu, l'organisation de Sommets parallèles, qui redémarra avant Seattle, prit un relief considérable lors de ce Sommet à cause de la nouvelle donne médiatique. Toute structure de domination exhibe des contradictions. Cependant, pour le mouvement communiste, cette alternative n'est pas optimale. Sa place dans les contre-sommets est occultée moins par le mouvement " anti-mondialisation capitaliste " que par le hold-up effectif de groupuscules socialement insignifiants mais mieux organisés et disposant de moyens de communications indépendants et de grand tirage (en particulier Attac, dont c'est la réussite organisationnelle.) Selon le Monde diplomatique de novembre 2003, certains dirigeants d'Attac pensent qu'il est difficile de continuer les contre-sommets : c'est, en partie, pourquoi certains membres de cette association hétéroclite pensaient transformer le " mouvement " en " parti ", ce pourquoi ils n'ont aucun mandat de la base.
L'internationale communiste existe encore et doit être réactivée. Elle doit retrouver son autonomie intellectuelle et organisationnelle. Les anciennes fractures n'ont plus lieu d'être puisque toutes les luttes passées du prolétariat et de ses organisations doivent être revendiquées comme un héritage précieux qui ne donnerait plus lieu à des affrontements stériles et sectaires concernant des luttes passés, mais nourriraient plutôt une réflexion critique faite de fidélité, d'œcuménisme et de volonté de dépassement. Car il nous reste la démocratie authentique à inventer. Les contradictions au sein du peuple nous sont des expériences précieuses et des gages de nouveaux départs. Les erreurs les plus grossières jamais commises par les communistes au nom de leur intérêt personnel contiennent toujours un enseignement précieux si elles sont examinées sans concession mais également sans anachronisme et sans trahison de classe. Pour atteindre des résultats appréciables dans ce nouveau contexte, l'internationale communiste dans son sens large doit se regrouper de manière fonctionnelle, autour de grands thèmes et selon les instances du pouvoir d'Etat qui sont habilités à les traiter. Ainsi, les PC européens doivent se regrouper pour défendre l'Europe sociale face à l'Europe du grand capital. C'est déjà une initiative portée par Rifondazione ; elle devrait s'attacher à faire des députés communistes européens les relais organisationnels et médiatiques favorisant le regroupement de toutes les associations et groupes d'intérêts se mobilisant, ensemble sur de grands thèmes (laïcité et défense de l'école publique et gratuite, défense des services et des entreprises publics, défense de droits syndicaux, défense des systèmes de pension devant être conjugués avec des Fonds ouvriers (utilisant l'épargne liée à ces contributions pour soutenir l'emploi (e)) et la baisse de la durée générale du travail dans l'optique de la planification économique etc.) L'internationale communiste devrait aussi veiller à s'organiser oecuméniquement, hors de tous sectarismes anciens qui n'ont plus aucune raison d'être, et participer activement sur cette base aux contre-sommets internationaux (surtout si Attac se transforme en " parti ") sans, bien entendu, négliger les manifestations mondiales en faveur de la paix et les mouvements de résistance légitimes, selon les critères indiscutables de la Charte des Nations Unies. Au plan interne, il nous faut donc apprendre à ne pas négliger les structures et les dynamiques électorales savamment manipulées par une bourgeoise qui sait, par une longue expérience, que sa démocratie censitaire reste étroitement liée aux puissances de l'argent et aux réseaux de la propriété privée. Ceci lui permet d'obtenir le contrôle législatif grâce à des majorités parlementaires reflétant rarement une majorité électorale claire, et lui confère de surcroît le contrôle légitime de la violence. Ces deux éléments mis ensemble permettent de changer les règles du jeu selon les circonstances (" casser la baraque " disait le dirigeant politique Charles de Gaulle) tout en reléguant la résistance populaire aux limbes extraparlementaires et conséquemment à la " pédagogie négative " des forces de répression, dans le plus grand respect de l' " Etat de droit ". " Le Pacte républicain de gauche " doit devenir plus qu'un pléonasme creux : distinct du " pacte républicain " au sens large, dont la fonction est de faire barrage à l'extrême droite, il devrait porter sur les éléments précis de programme, au niveau local ou au niveau national, chaque fois que l'entente programmatique d'ensemble ne sera pas possible. Ceci semble désormais nécessaire aux élections législatives et aux présidentielles. Les diverses élections locales semblent exiger pour leur part une pratique électorale plus complexe quoique allant généralement dans le même sens, puisque les mandats locaux, et les bases logistiques qu'ils supposent, agissent comme terrain de formation des élu-e-s et des cadres de chaque parti et donc comme tremplin national. Dans notre optique, il ne s'agit pas d'encaserner les partis réticents dans une logique globale qu'ils ont le droit de refuser, ni de porter atteinte à leur rigueur politique mais de trouver une alternative au " vote utile " (qui a le défaut d'être inconditionnel et sans droit de rappel). Une telle alternative permettrait de toujours servir le prolétariat, ne serait-ce qu'à petit pas. Bien entendu, cette proposition n'a rien de catégorique analytiquement. Mais je crois qu'elle devrait être analysée de manière critique par tous les camarades car seul cet examen permettra d'arriver, ensemble, à une voie praticable sur le terrain dans le respect des convictions de chacun.
Nous avons dit que les médias dominants substituaient les perceptions bourgeoises pour la réalité et ses contradictions réelles. Or le prolétariat subit les conséquences socio-économiques de ces contradictions " dans sa chair ", pour reprendre les termes de Keynes. Il est évidement dur de ramer à contre courant surtout lorsque l'on n'a pas accès au même temps d'antenne ni aux mêmes moyens de communication de masse. Cependant, si pour avoir l'appui et la sanction intellectuelle des médias dominants et de groupes du genre d'Attac, qui ne remettent nullement en cause le système d'exploitation de l'homme par l'homme, ni la propriété privée qui l'enfante et le maintien idéologiquement et politiquement, il fallait se laisser porter par un courant que nous ne contrôlons pas, non seulement nous ne nous baignerions jamais deux fois dans la même rivière mais nous risquerions de sombrer sans avoir le ressort philosophique de base Kojève, qui consiste à se sortir soi-même de l'eau en se tirant, pour ainsi dire, par les cheveux. L'exploitation adéquate des contradictions exhibées par les structures de domination bourgeoise, l'utilisation des organes de communication du mouvement ouvrier et communiste international qui pourrait facilement être amplifié par Internet et surtout par une attitude de critique constructive envers le passé du mouvement communiste international, exempte de préjugés trop faciles et d'apriorismes convenus (f), ainsi que la disposition à œuvrer épaule contre épaule avec tous les mouvements opposés à la domination mondiale sans partage du capitalisme, permettraient de créer un contre-pouvoir communiste mondial d'une ampleur inégalée. Un contre-pouvoir que les médias dominants ne pourraient pas ignorer ni surtout discréditer car il serait nourri par une dynamique autonome.
Un tel contre-pouvoir pourrait-il envisager d'utiliser consciemment des " mythes soréliens " juste bons à manipuler la révolte émotive des gens pour satisfaire, le cas échéant, les ambitions politiques et électorales de certains qui considèrent que le communisme est mort et que le capitalisme est indépassable en tant que mode de production, bien qu'il puisse éventuellement, de part leurs bons soins, être aménagé pour satisfaire les besoins minimums de la " multitude " ? Poser froidement cette question revient à y répondre. Vouloir prétendre que l'on peut ignorer " tactiquement " cette réponse emphatiquement négative reviendrait fatalement à se heurter tôt ou tard aux contradictions du réel qui infirment ces prétentions manipulatrices. En réalité, une telle attitude reviendrait à abandonner la tâche consistant à élever la conscience de classe du prolétariat et donc à renforcer son autonomie et celles de ses organisations propres. Cela équivaudrait à intégrer volontairement la prison mentale de l'idéologie dominante et à renier ainsi à la fois l'égalité et la liberté appartenant toutes deux ontologiquement à chaque être humain.
Ainsi le " mythe sorélien " de la Taxe Tobin n'est que pure ineptie. De même, la dénonciation hâtive du Pacte de stabilité et des critères de Maastricht, analysés en abstraction du contexte économique et politique, agit comme " mythe sorélien ": Ces textes deviennent les boucs émissaires qui épargnent le travail ardu de l'analyse et de la persuasion (si chères à Keynes et si étrangères à ceux qui prétendent se réclamer de lui !) Ou pire encore la BCE, propagatrice, s'il en fut, de la peste. Il est vrai que la BCE a parfois manqué d'originalité et d'initiative propres comme cela fut le cas pour la gestion des réserves en Or des banques centrales membres lors de la création de l'euro (dans l'indifférence politique générale malgré mes protestations, Fazio y vit l'occasion de dilapider en quelques semaines quelques 20 milliards ) ou encore lorsqu'il s'agissait de moduler les politiques monétaires annexes pour en arriver à des taux d'intérêts s'appliquant de manière réellement uniforme dans toute la zone euro, c'est-à-dire en tenant mieux compte de la situation régionale au lieu de s'attacher à une moyenne de la zone euro, bénéficiant avant tout à son Centre économiquement fort. Cela étant dit, en cherchant bien, je n'ai encore jamais rencontré d'exemple où la BCE aurait failli à son mandat malgré les récriminations à usage médiatique. Car la BCE n'est pas la Fed et les prix internationaux du pétrole et de la plupart des autres matières premières restent dénominés en dollar. La BCE ne peut donc pas singer les politiques, d'ailleurs souvent discutables, dans leur principe plus que dans leur timing, du " maestro " Greenspan et de ses acolytes de Doha et de Dubaï.
Pour le reste, lors de l'entrée de l'Italie dans l'euro, non seulement M. Wim Duisenberg mena une politique accommodante qui profita au pays mais il ne manqua jamais de soutenir l'entrée de ce pays dans le nouveau club monétaire. Lors de sa création, la BCE choisit judicieusement le niveau de sa nouvelle monnaie vis-à-vis du dollar américain. Sur cette base, l'héritage de M. Wim Duisenberg consista à ne jamais outrepasser les fonctions légitimes d'une banque centrale, et par conséquent à ne jamais substituer monétarisme niais à économie politique et fiscale, ni à confondre gestion monétaire et jérémiades médiatiques, toutes baignées d'ignorance intrinsèque ou cultivée. Cet héritage est trop précieux à l'Europe pour être remis en question. En réalité, ainsi que le disait Tocqueville, le monde bourgeois sécrète naturellement la " médiocrité " comme arme systémique. Jamais cela n'a été aussi vrai que pour le néolibéralisme contemporain, particulièrement à cause du mode de sélection des businessmen et des économistes attitrés et autres " servi in camera " opéré aux USA et de manière croissante partout ailleurs sous l'influence de ces derniers. Cette bande de nietzschéens auto-formatés a réussi un " prodige " : faire avaler par la plupart des " leaders " de la gauche, la couleuvre néolibérale selon laquelle la politique monétaire, à elle seule, pouvait désormais se substituer aux politiques fiscales et économiques comme telles qui devraient au contraire toujours tenir compte des cycles économiques, de la même façon qu'elle fit avaler aux courtiers et au public la mutation pathogène des " P/E ratios ", les mirages de sa " New Economy " et l'idée saugrenue selon laquelle le désarmement fiscal opéré aux forceps par l'Etat capitaliste constituerait l'exemple typique du non-interventionnisme d'Etat nécessaire à la réussite du " monétarisme " comme prescription incontestable de la nouvelle science économique. Sur la base de cette belle " conquête intellectuelle ", on peut aisément ensuite mettre en œuvre, sans le moindre état d'âme, une politique de " justice redistributive " menée par un Etat minimum qui ferait pâlir de peur Adam Smith en personne, tout Ecossais placé aux bonnes loges qu'il ait pu être en son temps. La gauche authentique devrait vite apprendre à oublier le PIB et à braquer son regard sur d'autres indicateurs économiques (tout partiels et fragmentés qu'ils soient dans les statistiques bourgeoises) en particulier le taux de chômage réel (généralement sous-estimé d'au moins un tiers dans les chiffres officiels) ; le taux de pauvreté ; l'évolution réelle des revenus salariaux et globaux des ménages ; les disparités entre riches et pauvres, et, en Italie comme ailleurs, l'évolution intolérable des disparités entre Nord et Sud, encore accentuée par la régionalisation au sein de l'Union européenne.
De fait, on ne voit pas que ces " élites " nietzschéennes auto-sélectionnées aient jamais eu l'honnêteté intellectuelle de rendre compte des contradictions présentes dans leurs propres théories : par exemple, en quoi les théories classiques, néoclassiques et néo-néoclassiques (i.e. néolibérales) rendent-elles compte du problème ex ante, ex post (voir à ce sujet l' " Annexe " in Tous ensemble) imputé à tort par Böhm-Bawerk et compagnie à Marx ? Ou encore, en quoi ont-ils résolu les questions posées par Joan Robinson et Sraffa dans la fameuse polémique des " fonctions de production " ? (Durant mes cours de doctorat, j'ai eu le bonheur d'avoir un professeur, et non le pire de la clique, qui m'expliqua que lorsque l'on buttait sur une difficulté conceptuelle, il suffisait de l'exposer et de passer à autre chose, sans forcément chercher à la résoudre ; à bien y penser, c'était encore mieux que de faire du Bortkiewicz et du Tugan-Baranovski en prétendant faire du Marx, sur salaire ! J'ai vite décidé, d'instinct, de ne pas me conformer à ce judicieux conseil ; une attitude qui, pour le malheur des étudiant-e-s et des contribuables, connaît peu de succès dans ce milieu prétendant former l'intelligentsia ! Aujourd'hui j'y gagne qu'à défaut de me publier, on ne peut pas s'empêcher d'une manière ou d'une autre de me plagier, le plus souvent, à dessein, quoique d'une manière déformante. Une victoire qui prendra inéluctablement consistance aussi tôt que la majorité du prolétariat le réalisera malgré la friture bourgeoise usuelle sur les lignes de communication de masse.)
Que les économistes bourgeois, d'Attac et d'ailleurs, ne nous disent-ils pas en quoi leurs " recettes de cuisine " (Samir Amin), concoctées sur la base de statistiques fallacieuses, les autorisent intellectuellement à faire mine de n'avoir pas lu des œuvres qui apportent du neuf dans ce qui est supposé être leur discipline scientifique avant d'être leur vache à lait académique ? Je ne sache pas que ces gens-là aient une formation académique plus rigoureuse ou des diplômes plus ronflants, ni qu'ils aient fréquenté des écoles et des universités mieux cotées que certains marxistes qu'on s'acharne à ne pas traduire et à ne pas publier (au demeurant, c'est plus commode, comme position de classe et ça permet de ne pas mettre sa propre petite place et sa grande, quoique méconnue, réputation en danger !) Pour le reste, c'est bien une question de style : certains préfèrent porter leur " personnalité " (Lucien Sève) dans leur poche comme une chose honteuse et d'une utilité didactique nulle pour n'exhiber en public que des apparences sociales conformes, lisses et interchangeables à vil prix ! (voir la deuxième partie de Pour Marx, contre le nihilisme, portant sur la " psychoanalyse marxiste ") Les communistes, de quelque formation intellectuelle qu'ils soient, peuvent-ils rêver à une croissance trimestrielle de 8 % , strictement financée par l'explosion des déséquilibres externes et par une création d'emplois précarisés et majoritairement à temps partiel, alors que leur pays ne disposent pas de la maîtrise de la principale monnaie de réserve (le dollar) pour transférer les coûts de ces belles pratiques économiques sur le dos du prolétariat interne et des concurrents externes ? Ce serait pire que de singer la politique de marchandisation culturelle de l'Angleterre qui repose uniquement sur une spécificité dont ne bénéficie aucun pays européen à part l'Irlande, à savoir le partage de la langue en usage au cœur de l'Empire " universel " duquel (pace Sraffa) l'Angleterre contemporaine aspire aujourd'hui à n'être qu'un " porte-avions avancé " ! Le " voyou " Giulio Tremonti flirtant avec un corporatisme d'un autre âge pourtant, peu honorable en Italie, va-t-il finir par faire figure de " socialiste " (lui aussi ! ) donnant des leçons à la Chine au grand Dam des dirigeants quelque peu sensés de FIAT et des travailleurs du secteur automobile italien ?
Contrairement à ce qui est généralement admis, la politique, discipline noble s'il en fut jamais, puisqu'elle traite des affaires humaines du présent (g), n'est pas " l'art du possible " mais bien celui de " faire émerger les possibles " conceptuels et sociaux selon les paramètres de la lutte et des alliances des classes. (h)
Paul De Marco
Copyright (c) le 27 novembre 2003
Notes :
a) Voir " Les dangers de l'imminente réforme fiscale américaine " 2 janvier 2003, section Economie Politique internationale du site http://lacommune1871.tripod.com
b) On sait depuis le numéro de novembre de 2003 du Monde diplomatique que la " mouvance " Attac était présente lors de la création (pour reprendre l'expression d'Acheson !). Une série de publications connexes vint d'ailleurs confirmer cette prétention. Avant Attac, il n'y avait que le Chaos des " anti ". Puis vint la révélation des " alter " qui espèrent bien un jour devenir " majoritaires " (bolcheviques ? que non ! il s'agit simplement ici de l'œuvre universelle de l'entropie que ni la " vie " ni le " travail vivant " ne saurait inverser.) Bas clergés de tous les pays unissez-vous, le communisme est mort. Seulement voilà ! la mort du communisme, comme celle de Mark Twain, fut annoncée prématurément. La forme de la plus-value règle toujours les échanges, et le taux de profit ou les taux d'intérêt ne se comprennent toujours pas sans la connaissance du taux de plus-value. Certains se parfument parce que d'autres travaillent à la sueur de leur front, disait Jean Jacques Rousseau qui n'aurait jamais pu imaginer que certains sont choyés par les mass-médias parce que d'autres, pourtant pertinents et plus souvent phagocytés qu'à leur tour, sont interdits de critique et de publication, y compris dans les organes de communication d'Attac. Les catéchismes et les dîmes sont à ce prix. Le narcissisme exacerbé d'Attac est proprement pathétique. Attac est évidemment libre de faire ce que bon lui semble. Elle peut même se transformer en " parti politique " si tel est son vœu le plus cher (pardon ! en " lieux de pouvoir " puisqu'il n'est pas question de faire du " léninisme " en cherchant à dépasser, par la réforme révolutionnaire ou la révolution, le pouvoir du capital mais, au mieux, d'extirper aux griffes du patronat, et de sa manie de tout marchandiser, quelques pans d'activité annexes n'interférant pas avec l'accumulation du capital, ce qui autrement poserait bien des problèmes de conscience à Nikonoff et ses économistes associés.) Mais Attac devrait éviter de phagocyter des mouvements antérieurs dont elle ne constitue qu'une toute petite facette, au demeurant très petite-bourgeoise. Le mouvement ouvrier et syndical, le mouvement communiste, le mouvement pour la paix, le mouvement de soixante-huit retrouvant en Occident certains accents libertaires et internationalistes de la Révolution culturelle prolétarienne lancée par Mao, le mouvement féministe, le mouvement contre le FMI et la Banque mondiale organisant des meetings parallèles repris ensuite contre Davos, le mouvement zapatiste contestant l'annonce de l'Alena lors de son inauguration le1 er janvier1994, le mouvement bolivarien, sans oublier celui du Larzac, existaient avant qu'Attac ne veuille se parer de la pourpre, comme un Bonaparte se sacrant de ses propres mains ! (Ou bien serait-ce feu Roy Jenkins qu'on imite ?) Ce qui appartient en propre, sans contestation possible, à Attac, à date, se sont des mythes soréliens nuisibles du point de vue intellectuel, éthique et politique et une prétention très caractéristique à se croire élue - comme bas clergé ! Sans vouloir insulter personne, mais en guise de sonnette d'alarme, ajoutons que l'oubli des massacres réels et continus, perpétrés aujourd'hui encore contre les zapatistes et les autres mouvements, permit aux services d'intelligence de l'Hexagone de saluer ce mouvement comme un véritable tournant en Amérique latine, celui de la révolution non-violente et non-armée (en clair de la fin supposée de la stratégie révolutionnaire guévariste), une baliverne hors contexte reprise aujourd'hui en chœur par trop de gens. Outre les massacres et la répression continue toujours appuyés militairement par les Américains, et malgré les enseignements médicaux et humains illustrés par le Vietnam, ces honnêtes gens font l'impasse sur l'équivalent de l'Agent Orange déversé sur les champs latino-américains dans le cadre d'une supposée lutte contre la drogue. (Pourtant, il arrive en réalité plus de cannabis " high potency " aux USA en provenance du Canada, pays-colonie ami, que de Colombie !) Un grand écrivain latino-américain a pu dire qu'il n'est pire crime que le silence des justes. Nul, même à Attac, n'a le droit de faire mine d'ignorer ces faits. Au demeurant, si Attac se transforme en parti sans dévoyer le mouvement communiste et ouvrier, ce sera mieux pour tout le monde : les citoyens y verront plus clair. Entre temps les dirigeants d'Attac devraient méditer l'avis suivant : au-delà d'un certain seuil (j'affectionne, comme on sait, la valeur pédagogique et pratique des seuils) les plagiats et les détournements ne seront plus tolérés ni l'intrusion dans les écrits et la vie privée des gens. Au Monde diplomatique on sait exactement de quoi je parle.
c) Voir Albert Einstein " Why socialism ", in Monthly Review, May 1949, May 1994.
d) Principe capitaliste très différent de l'esthétisme éthique d'un Ernest Renan affirmant que " le plaisir le plus délicat est de faire le plaisir d'autrui ".
e) On peut envisager de conserver les avantages du système de répartition (uniformité plus grande et donc égalitarisme dérivé de la pratique de l'assurance collective) tout en les conjuguant aux avantages des Fonds Ouvriers qui permettent de canaliser l'épargne domestique vers la création de l'emploi et le soutien de la productivité nationale, via les contributions. Il suffirait pour cela de décaler le système d'au moins une année (en passant soit par la constitution d'un Fonds de réserve soit en légiférant équitablement la fusion de tous les systèmes existants, y compris les systèmes privés qui souvent jouissent de privilèges fiscaux, ou en utilisant simultanément ces deux avenues). Quoiqu'il en soit, il est impératif pour la gauche d'étudier cette possibilité. Car les propositions de la droite (privatisation, plans complémentaires privés etc.) reposent toutes sur l'allongement de la durée de cotisation, et donc sur l'aggravation du taux de chômage et de précarisation de la main-d'œuvre, et sur l'utilisation spéculative et court-termiste de l'argent accumulé, ce qui produit et amplifie les mêmes conséquences désastreuses pour les travailleurs et la société en général.
On se souviendra, je l'espère, de ces brillants intellectuels d'avant-garde, ces zélés défenseurs du système par répartition qui, en accord ou pas avec le syndicaliste Cohen d'EDF et tant d'autres, n'avaient pas manqué de taxer de " malhonnêteté intellectuelle " (rien que ça !) toute personne parlant de changer le système selon une logique de Fonds Ouvriers (ou salariaux puisque le vocabulaire change selon les personnes, en changeant aussi partiellement le sens des choses). Ceux-là étaient publiés à volonté dans toutes les instances de communication allant de la droite à la gauche, dont le Monde, le Monde diplomatique et l'Humanité. Ils nous garantissaient une " moyenne de croissance annuelle de 1,7 % " (toujours le mirage du PIB) mais prenaient bien soin de ne pas élaborer sur le nécessaire ajustement de la durée de cotisation. Aujourd'hui que la droite mène " sa " défense du système par répartition en allongeant les durées de cotisation, en abaissant les retraites réelles, bien plus que ne le disent les chiffres officiels, et en favorisant les régimes complémentaires qui aiguisent la spéculation, ne devraient-ils pas procéder à un semblant d'autocritique sinon faire leur acte de contrition ? C'étaient justement ces conséquences fort prévisibles que j'avais tentées d'épargner à la gauche en proposant mes Seuils Tobin et mes Fonds Ouvriers. Le monde est ainsi fait : il y a les patentés et payés et les militants obscures (détenant des diplômes qui valent pourtant les leurs mais qui se réclament ouvertement du marxisme.)
f) Il convient de défendre âprement et avec lucidité les conquêtes indéniables dues au communisme y compris lorsque ces conquêtes sont temporairement renversées (comme cela fut le cas en ex-URSS). Pour cela, il convient d'une part d'oser défendre les thèses communistes (propriété collective des moyens de production, achèvement du mouvement de démocratisation par l'ajout de la démocratie industrielle (planification, conseils ouvriers etc.) et de la démocratie sociale (structures de contrôle démocratique des bureaucraties etc.) à une démocratie représentative et participative renforcée et elle-même démocratisée et maintenue hors du contrôle ultime de la propriété privée. D'autre part, il faudrait impérativement que toutes les critiques concernant le " socialisme réel " soient remises dans leur contexte historique exact. Ceci pour deux raisons : d'abord, les critiques bourgeoises les plus viles et les plus répandues fondent comme neige au soleil dès qu'on se débarrasse de cette vision anachronique. Même Staline s'en sort haut la main, ne serait-ce que par la trahison de la social-démocratie européenne (Blum contre l'Espagne républicaine, Munich et ainsi de suite. Les supposés soubresauts de la " ligne de parti " des PC dans la lutte contre le fascisme et le nazisme deviennent limpides pour qui prend la peine minimale d'analyser la trahison antérieure des démocraties occidentales qui, à l'instar d'un Churchill cherchant encore à retarder l'ouverture d'un deuxième front avant Stalingrad (i.e. le fiasco planifié de Dieppe), gardaient l'espoir de faire d'une pierre deux coups (voir Les communistes par Aragon pour une introduction magistrale de cette problématique). Il est vrai que la réhabilitation par le travail (goulag ?) tant décriée pourrait avantageusement être remplacée en régime socialiste par la seule suspension temporaire des droits de citoyenneté afin de protéger la propriété collective sans nier les autres droits individuels formels. Mais là encore, à moins de vouloir produire des " parias " en toute bonne conscience, continue à se poser l'épineux problème de la réhabilitation et de la réintégration des individus dans le cadre social normal, puisqu'ils ne cessent jamais d'être des égaux. Quoiqu'il en soit, la réhabilitation par le travail " classique " opérée par le " socialisme réel " se compare avantageusement au sort des peuples à la même époque ou au sort des travailleurs des pays les plus exploités encore aujourd'hui : on ne peut condamner l'une sans condamner l'autre, à moins de croire être en position d'écrire l'histoire des dominants, ce qui est parfois risqué. (Pour ce qui est des derniers chiffres concoctés par des transfuges n'assumant pas leur propre responsabilité, des " opportunistes " fortement soutenus de l'extérieur, ils mélangent pêle-mêle droit communs, prisonniers politiques et immigrés plus au moins contraints de l'intérieur. Or, même dans ces conditions-là, ils ne parviennent pas à donner pour l'ex-URSS des moyennes annuelles supérieures à celles de la prison de classe assortie de la peine de mort des USA. Bien entendu, on fait perpétuellement l'impasse sur la réalité des ghettos urbains capitalistes, qui restent toujours " on the other side of the tracks ", tout en produisant leur lot journalier de misère et de morts non-comptabilisées comme telles. Dans certains quartiers de Washington la mortalité infantile est supérieure à celle du Bangladesh. Les mêmes " critiques " oublient de nous parler des dispositions concernant le " travail des domestiques ", c'est-à-dire la forme moderne d'esclavage assigné à résidence, qui partout en Occident est traitée soigneusement à part dans les programmes d'encadrement de l'immigration afin de garantir le " niveau de vie " des petits et grands bourgeois et des cadres et fonctionnaires moyens et supérieurs, pourtant tous très " républicains " et très " schoelchériens " à leurs heures ! Une malhonnêteté consciente qui se dissimule mal sous la prétention que les traces du " goulag " auraient disparues, de sorte que l'énormité de la chose serait sous-estimée. Une malhonnêteté qui interdit de penser sereinement le problème réel pour le dépasser définitivement et démocratiquement. (Noam Chomsky a illustré cette pratique crapuleuse bourgeoise et petite-bourgeoise des chiffres pour ce qui est des horreurs, pourtant réelles, commises au Cambodge, pays dans lequel les morts et les handicapés pour cause d'Agent Orange et de mines antipersonnel utilisés par les Américains dépassent de loin les quelque 300 000 à 500 000 morts attribuables directement au régime de Pol Pot (et non 1, 2 ou 3 " millions ", tout ronds, comme on le répète à loisir en accord avec une intention de dénigrement se suffisant à elle-même hors de toute considération d'exactitude, y compris en matière d'opportunisme politique, puisque nul n'ignore que Washington et l'Occident fermèrent longtemps les yeux sur ce régime qui embarrassait le Vietnam, leur adversaire communiste victorieux. Tout comme Albright ferma les yeux devant le génocide qui se déroulait au Rwanda. Selon des méthodes de dénigrement identiques, il est désormais courant d'imputer à " Staline " les millions de morts réels dus aux famines causées par la contre-révolution blanche et par l'occupation nazie qui firent un nombre de victimes imputé sournoisement à la " dékoulakisation " par de nouveaux historiens missionnaires.) En réfutant fermement les accusations ignominieuses, en rétablissant la vérité des faits, ne restent alors plus que les problèmes vraiment difficiles, ceux qui mettent en cause les contradictions au sein du peuple et du mouvement communiste international : et celles-là mériteraient des discussions acharnées mais honnêtes en partant des objectifs que nos anciens camarades cherchaient à atteindre, en payant de leur personne, quel que fut par ailleurs leur sort et leur position officielle au sein du mouvement. Aucun mouvement de transformation ne réussit à se développer s'il accepte de se salir lui-même en mimiquant en cela la vision que lui projettent ses ennemis de classe. Ces vérités simples s'imposeront d'ailleurs avec d'autant plus de force que les conditions des travailleurs de détérioreront partout du fait du capitalisme mondialisé. C'est d'ailleurs ce qui explique la crapuleuse tentative contemporaine de discréditer le communisme : la bourgeoisie, de nouveau nietzschéenne, y joue son va-tout idéologique avec une férocité et une malhonnêteté caractéristique. (On voit même des gens qui doivent leur vie à l'avancée de l'Armée rouge de Staline prétendre que le communisme était pire que le nazisme et Staline pire qu'Hitler : à quoi il serait trop facile et peu communiste de répondre en leur demandant s'ils auraient préféré que Staline et les communistes tournassent la tête d'un autre côté ? La vision " millénariste " concrète du communisme, le dépassement du mode de production capitaliste, reste d'abolir la domination de l'homme par l'homme et non de poser l'élection divine de certains groupes ou de certaines castes comme l'avenir de l'humanité. Georges Brassens avait mis en garde contre l'inanité de trop de gens de vouloir faire l'histoire en restant paisiblement de " l'autre côté des Pyrénées ". Si nous voulons progresser vers une société égalitaire et libre, nous ne pouvons permettre d'être expropriés de notre héritage de luttes et de conquêtes démocratiques. Selon le conseil d'Aimé Césaire nous devons savoir tout assumer avec lucidité. Sans cela aucun dépassement ne sera jamais possible. Notre servitude intellectuelle serait totale.
g) Dans le même ordre d'idée, on se souviendra sans doute de la lettre " rabelaisienne " de Gramsci à son fils Antonio lui vantant la valeur humaniste de l'étude de " l'histoire ".
h) Voir la conclusion de l'article " Les conséquences socio-économiques de Volcker, Reagan et Cie " sur cette conception de la politique. (sur le même site) Cette formulation de la politique est entièrement mienne. L'idée générale en appartient depuis toujours aux classes et aux peuples révoltés. Là encore la " genèse " tendancieuse d'Attac, tout comme sa sœur biblique, à des antécédents dont on a tort de ne pas s'enorgueillir !
EXTRAIT : Je me suis déjà expliqué sur ce que serait une compréhension communiste de l'actuelle remise en cause du Pacte de stabilité. On trouvera ces réflexions dans la section Economie Politique Internationale sur le site http://lacommune1871.tripod.com , en particulier dans l'article intitulé " Europe élargie, zone euro et Europe sociale ".
" La stabilité est primordiale. Elle l'est plus encore pour la gauche et le prolétariat vivant de l'économie réelle que pour la bourgeoisie vivant de processus factices fondés sur des statistiques montrant le monde à l'envers (ex. PIB, " productivité " " croissance ") La stabilité concerne les prix et l'inflation, les profits et les salaires réels donc les entrées fiscales et, avec elles, les revenus réels (i.e. salaire plus filets sociaux) . La classe ouvrière et les travailleurs en général se sont longuement battus pour obtenir cette stabilité. Rappelons par exemple les luttes concernant la clause Cola aux USA ou la " Scala mobile " en Italie ainsi que leurs équivalents partout ailleurs, destinés à préserver le pouvoir d'achat.
Sans l'assurance de cette stabilité tout devient factice ou plus exactement spéculatif dans un monde économique contrôlé par le capital (le capital ayant éminemment le pouvoir de spéculer sur l'instabilité - et sur la " flexibilité " mondiale des taux de change-, pouvoir dont ne disposent ni les salariés ni les syndicats.) Or, la BCE soumise aux critères de Maastricht peut et, de fait, contrôle les mouvements des capitaux spéculatifs de part ses agrégats M2 et M3, eux-mêmes surdéterminés par les-dits critères. Elle favorise certainement le monde de la finance mais dans ces limites institutionnelles et comptables précises et préétablies. Supprimer le Pacte de Stabilité et les critères de Maastricht à ce moment ci, c'est-à-dire après que le prolétariat ait assumé tous les sacrifices possibles à coup de plans d'austérité pour permettre le respect de ces critères et l'entrée des pays membres dans la zone euro, revient tout bonnement à abandonner aux banquiers centraux et à leurs clients/patrons capitalistes toute liberté sur ces agrégats. Ce qui, en l'occurrence, peut bien être le vœu des " économistes " titularisés, voire de nombreux économistes d'ATTAC, mais qui en aucun cas ne peut être celui des économistes et des militant-e-s du PCF et de tous les PC de la zone euro. Car cet abandon des agrégats M2 et M3, correspondant à l'épargne spécifiquement canalisée par la finance ne signifierait en rien l'abandon du contrôle de la BCE sur l'agrégat M1 qui détermine largement l'inflation et donc les conditions faites au pouvoir d'achat des travailleurs actifs et de l'armée de réserve. Bien au contraire : ce contrôle pointilleux sur M1 serait renforcé au nom de la lutte contre l'inflation (même en adoptant à l'instar du Royaume Uni une conception proto-laxiste à la Modigliani qui, comme tout bon prix Nobel qui se respecte, ne dit rien sur les politiques salariales correspondantes et pour cause. Qui ne dit rien non plus sur l'inflation provenant du laxisme sur M2 et M3 mais invariablement épongé par M1) Il serait donc bien que la gauche se reprenne en main en matière monétaire et qu'elle cesse de parler au travers de son chapeau (ou pire encore qu'elle cesse de prendre pour argent comptant les théories de ses adversaires en se bornant à mimiquer les " experts " bourgeois et proto-bourgeois, de service ou pas. Ici comme ailleurs il importe de penser la réalité selon sa propre tête)
Ce qui est remarquable dans les articles du texte constitutionnels discuté ici c'est l'ouverture nouvelle à un rôle accru des banques centrales nationales pour assurer une plus grande uniformité de la stabilité en question. Il semblerait que la critique du processus de formation du taux d'inflation et des taux directeurs centraux dans la zone euro et des ratios Cooke ait été (partiellement) reçue en haut lieu. Resterait à la gauche de profiter de cette ouverture. Peut-être pour éviter une uniformisation totale des piliers jusqu'ici distincts des systèmes bancaires nationaux selon une logique purement spéculative et permettre de la sorte qu'une part du crédit disponible puisse adopter une autre logique tout aussi profitable mais beaucoup plus saine, celle de l'investissement productif.
Ajoutons en soulignant au crayon rouge la remarque suivante : tout Etat moderne digne du nom qui aurait besoin de l'équivalent de plus de 3 % de son PIB pour mettre sur pieds une politique de relance économique contre-cyclique efficace ne saurait être autre chose qu'un Etat mafieux, mentalement tiers-mondialisé ou encore une dictature économique de la bourgeoise (bonapartisme financier ?) mettant l'Etat au service exclusif du capital en faveur de qui se feraient les principaux transferts d'argent sans se soucier du sort de la majorité de la population ni du nécessaire équilibre sur le moyen et le long terme des paramètres fondamentaux. Au minimum, à l'instar du gouvernement Raffarin actuel, ce serait un Etat incapable de contrôler sa fiscalité malgré les lubies néolibérales de relance par le biais d'une politique nietzschéenne de terre brûlée ... en bref, un anti-Etat, un simple " Quartier général " du patronat !
La question n'est pas seulement de savoir si la fiscalité régressive des néolibéraux, au pouvoir aux USA, en l'Allemagne et en France et partout ailleurs, peut être ainsi conçue comme une opération contre-cyclique. Tout le monde sait que ce n'est pas le cas. Mieux, que ce n'est pas son but. La fin du " communisme réel " a donné l'impression à la bourgeoise qu'elle pouvait enfin revenir sur les concessions faites au lendemain de la révolution bolchevique (Traité de Versailles, Beveridge première manière, OIT et ainsi de suite) et au lendemain de la défaite aux mains des communistes à Stalingrad du fascisme et du nazisme (établissement préventif de l'Etat providence prenant des allures d'Etat social là où la résistance domestique était la plus forte, malgré les carcans de Yalta). Le but de l'opération néolibérale actuelle vise à démanteler tous les droits acquis de l'Etat social. La bourgeoise vise cet objectif avec d'autant plus de férocité qu'elle a compris, avant plusieurs socio-démocrates aujourd'hui transmués en socio-libéraux, que la marche conjointe forcée de la " productivité " et de la globalisation ne permettait guère que deux choix : soit le partage du travail et donc le renforcement de l'Etat social et de sa fiscalité propre, soit la nouvelle domesticité (voire la réintroduction d'un esclavage moderne selon de vieux cartons du Pentagone remis au goût du jour) ce qui impose la réintroduction de l'assistanat et du caritatif en lieu et place des systèmes d'assurances collectifs et des conquêtes populaires, le tout assorti du remplacement des libertés par une lubie sécuritaire rendue nécessaire par la psychose permanente (Partiot Act et Homeland security) et l'élaboration d'un nouveau catéchisme de la culpabilité devant être prêché aux éternelles classes dangereuses par de nouveaux haut et bas clergés philo-sémites nietzschéens.
Tout cela est connu. Comme est connu aussi le fait que les déficits budgétaires néolibéraux d'aujourd'hui représentent nécessairement les dettes " nationales " de demain matin (celles dont la gauche sera rendue responsable advenant qu'elle retourne au pouvoir...) Ces dettes justifiant le retour des plans d'austérité (coupures des services publics ayant échappés à l'hécatombe) ainsi que la privatisation des entreprises nationales afin de combler ponctuellement un manque à gagner fiscal désormais inscrit en permanence dans l'opération du régime fiscal adopté. Immanquablement une fois que les joyaux de famille auront été dilapidés à vil prix, la logique du radeau de la Méduse prévaudra, le prolétariat en faisant une fois encore naturellement les frais.
Mais il y a plus : Althusser parlait de pratique théorique et, à son habitude, il était d'une perspicacité communiste exemplaire. Car il s'agit aussi de savoir ce qu'est une politique contre-cyclique efficace adaptée aux conditions du monde moderne actuel. En dépit des faits, en dépit de la contradiction principale du néolibéralisme (fiscalité régressive permanente et donc impossibilité de contrôler les paramètres fondamentaux autrement que sur le dos du prolétariat, voire sur le dos des bas échelons des " self-contented classes ") le seul exemple dont on pourrait se réclamer est celui, pré-keynésien, de ce que les Américains ont appelé la " récession dans la Dépression " en 37-38, causée par une malencontreuse manœuvre fiscale. Mais nous étions alors dans une situation américaine encore dominée par le capitalisme hooverien débridé et les hésitations du New Deal, en particulier en ce qui concerne la possibilité pour l'Etat de se comporter autrement qu'un bon père de famille victorien et donc de s'endetter pour financer un budget de relance contre-cyclique: en l'occurrence, la hausse d'impôt d'alors avait encore tari la demande interne, non pas parce que les impôts n'auraient pas dû être relevés pour financer les grands travaux et les grandes initiatives du New Deal, mais parce que cette hausse se faisait sans que les structures adéquates aient été mises en place permettant de compenser rapidement la ponction fiscale par une incitation équivalente ailleurs (i.e. canalisation productive de l'épargne). La structure même de l'impôt relevait elle-même d'un Etat capitaliste industriel pré-welfare négligeant l'impôt sur le revenu, ce qui continua à être essentiellement le cas jusqu'à l'augmentation générale des salaires du fait de la mobilisation économique et sociale résultant de la mise en place de l'économie de guerre.
Aujourd'hui nous nous trouvons dans une situation inverse mais mettant en lumière les même inepties, non pas que les structures adéquates aient déjà toutes été anéanties par les réformes néolibérales mais plutôt du fait que les exonérations fiscales ne contribuent en rien à relancer la demande interne par ailleurs charcutée du fait des coupures effectuées dans les filets sociaux. En outre, ces exonérations fiscales vont de préférence au capital dans une période de surcapacité productive chronique ! On se rend bien compte que la bourgeoisie n'est pas folle pour autant et qu'elle n'ignore rien de ces contradictions. Au contraire, elle en joue pour mener à bien son projet de régression nietzschéenne (de la même manière qu'elle coule consciemment la Sécu en achetant la complicité des médecins pour ensuit prétexter d'un trou sans cesse croissant pour " réformer " le système au bistouri et aux forceps). Durant les années 30, 40 et 50, les dépenses caritatives toutes catégories atteignirent des niveaux que ne dépassèrent pas les premiers filets sociaux mis en place par l'Etat-providence (ce qui ferait sans doute la joie de M. Michel Rocard) tant il est vrai que l'organisation qualitative sociale n'est pas quantitativement neutre, du point de vue du prolétariat. Or, la gauche était une force montante dans ces années-là : aujourd'hui, à moins que la gauche ne soit capable de rétablir son hégémonie organisationnelle sur le prolétariat et son hégémonie intellectuelle sur la société en général, on se rend bien compte qu'il sera ardu de faire obstacle à l'objectif de la bourgeoisie qui consiste à recréer des structures caritatives ultra-maigres et de surcroît privées - pour le dire brutalement, sans faux-fuyant, à régénérer une nouvelle mouture molle des castes.
Bien entendu, on ne peut pas discourir sur les mesures contre-cycliques adaptées à l' " époque " sans tenir compte du crédit et de ses formes. En effet, dès les années 80 et la contre-révolution menée par Volcker/Reagan et Thatcher, le système financier amorça une restructuration complète des intermédiations bancaires qui furent toutes réorganisées selon les besoins spécifiques du capital financier. On s'en alla vers la suppression des cloisons qui permettaient de différencier le monde bancaire selon ses missions spécifiques et l'on fondit progressivement tous les piliers bancaires en un seul magma financier/spéculatif axé sur les instruments nouveaux notamment les dérivés financiers et sur les opportunités nouvelles offertes par la monnaie électronique vagabondant à loisir sur l'ensemble du globe, 24 heures sur 24 (Big Bang boursier.) Plutôt que d'exiger la levée du Pacte de Stabilité et des critères de Maastricht, il serait nettement plus sage d'exiger la mise au ban des " dérivés financiers " (ce qui, malgré les déboires causés après les divers Merton, Black et Scholes et autres Siegel de deuxième ordre, n'est pas pour demain) ou encore comme je l'ai fait (v. Tous ensemble, http://lacommune1871.tripod.com) demander une réglementation de ces dérivés par les Seuils Tobin mais surtout en en formalisant ses pratiques. Car sans cette formalisation il ne peut y avoir aucun contrôle comptable et sécuritaire réel (pour l'heure ce contrôle se fait en bout de ligne et est donc dérisoire) ni a fortiori de taxe Tobin puisque les étapes du montage de ces dérivés échappent aux banques centrales et donc au contrôle public ( le public étant toujours pris pour acquis lorsqu'il s'agit de contribuer aux provisionnements pour dette visant à éponger les belles œuvres toujours imprévues mais toujours répétées des nouveaux Prix Nobel d'économie et de leurs nombreux épigones.)
A l'époque actuelle les principaux besoins en crédits contre-cycliques ne proviennent donc plus du système bancaire. Une partie est assumée indirectement par les amortisseurs sociaux permettant aux entreprises de souffler (ce qu'elles font sans se gêner outre mesure...) Pour le reste la gauche doit concevoir des manières nouvelles de structurer l'épargne nécessaire pour alimenter ces crédits d'investissement contre-cycliques en dehors du budget comme tel, c'est-à-dire sans peser sur les critères de Maastricht et donc sans avoir à mettre à contribution les fonds propres de l'Etat provenant des impôts, autrement que de manière exceptionnelle. Les germes de cette manœuvre existent déjà. Le patronat misant sur des programmes à contribution sociale mais à contrôle privé du type fonds de pension d'entreprise et autres régimes complémentaires. La gauche semble peiner pour sa part à comprendre le parti qu'elle pourrait tirer de la socialisation complète de ces structures modernes de canalisation de l'épargne, alors qu'elle fut la première sans doute à en présenter une théorie à peu près complète... Dans cette perspective, la gauche doit d'urgence se questionner sur les moyens de canaliser l'épargne nationale par le biais de fonds contributoires alimentés par les travailleurs mais aussi contrôlés par eux (Milton Friedman avait reconnu dès 1970 que les " contributions " du Patronat étaient systématiquement répercutées sur les prix. Il y aurait là, en outre, un moyen de sortir des rendements décroissants des exonérations octroyées aux entreprises sous prétexte de création d'emploi et de productivité.) De la même façon, la gauche doit se questionner sur la pertinence de monétiser une petite partie des réserves de la BCE pour permettre la création d'une banque européenne d'investissements spécifiquement contre-cycliques (Cette mise de départ serait plus que découplée par le ratio Cooke adopté et permettrait le lancement de grands travaux infrastructurels traditionnels (ex. Pont de Messine) ou non-traditionnels (liés aux nouvelles technologies), voire à donner lieu au montage de consortiums permettant d'opérationnaliser l'échange " dette nationale contre actions " par le biais de SWAPs, permettant de libérer ainsi des marges de manœuvre budgétaires par le biais de la réduction du service de la dette. Ces marges de manœuvre budgétaires pourraient alors être affectées d'office au soutien et à l'approfondissement des programmes sociaux.
Ajoutons pour conclure qu'il existe une énorme confusion entre cette constitution européenne, qui vise essentiellement à réaffirmer les prérogatives du capital européen tout en préparant l'élargissement en douceur de l'Europe, et la zone euro de laquelle relève la BCE et les critères de Maastricht. Cette confusion est voulue par la bourgeoise européenne encore qu'elle n'exhibe pas toujours un aspect idéal. En effet, cette confusion vise à restreindre au maximum le poids du prolétariat européen dans les nouvelles instances supranationales qui demeurent sans réels équivalents démocratiques ou syndicaux lorsqu'elles sont comparées aux structures nationales. Elle relève partiellement aussi des contradictions opposant les bourgeoises européennes entre elles, notamment les bourgeoises allemande, belge et française d'une part et la bourgeoise britannique d'autre part, pour ce qui a trait à la politique monétaire et donc sociale (City versus bourse européenne etc.) et à la politique de défense et étrangère commune (Londres en faveur de la transformation de l'Europe, vieille et jeune, en avant-poste docile de l'Otan, l'Angleterre devant en représenter le porte-avions amiral ; Berlin, Bruxelles et Paris étant en faveur d'une forte autonomisation européenne sans toutefois nier la survivance de l'Otan.) Comme on le voit, les disputes liées à cette confusion, consciemment entretenues, ne se réduisent pas seulement à des questions de partage des pouvoirs et de compétences législatives (unanimité v.s. majorité simple ou qualifiée) mais témoignent également d'une divergence réelle des modèles de société européens mis en cause. (voir " Tony Blair fixe les " lignes rouges " de Londres sur le projet de Constitution de l'Union élargie " in www.lemonde.fr 10/09/2003) Blair exige une Europe minimale simplement parce qu'il est contre l'émergence d'une véritable Europe sociale. Blair, le New Labour, ainsi que les conservateurs britanniques et leurs maîtres de la City sont contre un euro qu'ils ne contrôleraient pas. Ils préfèrent donc pour l'heure rester en dehors de la zone euro et de sa discipline et utiliser les instances de l'Europe élargie pour, ensuite, appuyer les directives libérales prévalentes à la fois dans les deux zones. Ce qui s'appelle vouloir jouer sur les deux tableaux à la fois, une coutume britannique bien développée et quasi invariable.( " They want to have their pudding and eat it too " disait Engels en reprenant le dicton bien connu !) Souvenons-nous de la zone de libre-échange opposé au marché commun. Souvenons-nous aussi, et de Gaulle en avait alors fait la preuve, que cette stratégie des deux râteliers ne fonctionne que si les autres partenaires s'imaginent faire partie du même troupeau. Autrement, la City finit immanquablement par faire, avec retard, ce qu'elle s'illusionne de bien faire en temps normal, c'est-à-dire dresser des comptes qui s'équilibrent, au prix de quelques contorsions bien policées.
Pour la gauche son propre modèle social et politique européen ne se retrouve pour l'heure ni dans les institutions de la Zone euro ni dans celle de l'Europe élargie. Paradoxalement pourtant elle pourrait tirer un parti extraordinaire de cette confusion et de ces divergences inter-bourgeoisies. Elle devrait pour cela continuer à investir le présent processus constitutionnel relevant de l'Europe élargie afin d'en préserver la laïcité et de veiller scrupuleusement sur la possibilité (au minimum) de réinsérer les paramètres de l'Europe sociale dans ce texte fondamental lorsque le rapport de force nous sera plus favorable (droit au travail et au plein emploi, droits syndicaux, droits acquis à l'assurance sociale etc.) Elle doit, par ailleurs, avoir le bon sens et l'audace de s'engouffrer impétueusement dans le vide créé artificiellement dans la Zone euro puis, avec la collaboration de tous les groupes sociaux et syndicaux ainsi que tous les partis de gauche, élaborer préventivement un projet de Constitution pour l'Europe monétaire et sociale, donc spécifiquement pour la Zone euro (ou sachant en approfondir les acquis). Ce projet permettrait de créer un cadre opérationnel permettant de mobiliser la gauche dans cette Zone euro. Les idées et les idéaux communs seraient de la sorte utilement cristallisés. Le projet servirait de base électorale commune en plus des programmes nationaux ordinaires. Promesse serait faite de soumettre cette constitution de la Zone euro à référendum dès l'arrivée de la gauche au pouvoir dans un Etat membre de sorte que le processus de cohésion social acquerrait une dynamique propre, par nature incrémentale, un procès donc qui, une fois en marche, serait difficile à stopper par la bourgeoisie et ses épigones médiatiques. La nouvelle constitution prévoirait d'ailleurs la mise au pas des médias bourgeois soit en imposant des comités d'équité relatifs aux contenus au sein de chaque entreprise afin de s'assurer d'une représentation démocratique de tous les groupes de citoyens cherchant à faire valoir leurs points de vue et leurs droits, soit en ajoutant aux réseaux publics des chaînes spécifiques allouant les temps d'antenne au prorata des suffrages populaires obtenus à tous les niveaux. L'Europe élargie ne souffrirait pas de ce renforcement de la Zone euro : elle en tirerait plutôt avantage de par une réorientation plus sociale des fonds structurels qui lui sont accordés. Par le renforcement des piliers européens naturels que l'Europe aurait tort de détruire. Rappelons que les dynamiques naturelles des régions naturelles américaines sont intelligemment soutenues permettant ainsi de maintenir plusieurs moteurs de croissance à l'intérieur de la même formation sociale américaine, chacun ayant sa spécialité East Coast, Midwest, South and West Coast. En Europe on imagine facilement le renforcement des piliers nordique, de l'Est, des Balkans recomposés et de l'Europe de l'ancien marché commun. On aurait là un processus dialectique normal mêlant élargissement et recomposition interne. A défaut de cela, l'entrée de nouveaux candidats dans la Zone euro se fera au détriment de l'Europe sociale sans jamais parvenir à briser le piège néolibéral et intrinsèquement antidémocratique qui vise à éparpiller les pouvoirs dans des instances supranationales échappant au contrôle populaire et se renforçant les unes les autres pour le seul bénéfice du capital et des nouvelles " élites philo-sémites nietzschéennes " ayant choisi la guerre permanente comme mode de vie.
Quoiqu'il en soit, évitons de faire les frais de la confusion artificiellement créée par la bourgeoisie sur ses institutions européennes et sachons toujours distinguer les institutions liées à Maastricht et celles relevant de l'Europe élargie. A moins que nous ne voulions chapeauter les premières par les secondes pour le plus grand plaisir du capital européen et accessoirement mondial.
Avec ma solidarité,
Paul De Marco,
Copyright (c) 11/09/2003 "